Procès en appel le 30 juin 2022 des militants en situation de handicap à Toulouse. Un an plus tôt, leur accueil par le tribunal avait défrayé la chronique avec des conditions jugées « indignes ». Ils dénoncent à nouveau l’inaccessibilité de la justice.


 

On se souvient du procès retentissant des activistes en situation de handicap de Handi-social le 23 mars 2021 qui s’était illustré par un manque d’accessibilité et de respect envers ces prévenus. A l’issue de leur condamnation en mai 2021, ils avaient décidé de faire appel. Un nouveau procès se tient le 30 juin 2022 à 9h à la cour d’appel de Toulouse. Un an plus tard, la justice a-t-elle tiré les enseignements de ce fiasco ? Pas vraiment selon ces militants qui dénoncent être « à nouveau jugés dans des conditions qui ne permettront pas un procès équitable ».

 

Rappel des faits

Sur le fond, en première instance, les militants avaient comparu le 23 mars à la suite des plaintes d’Airbus, la SNCF, Air France et Aéroport de Toulouse. Il leur était reproché, en 2018, d’avoir bloqué un TGV Toulouse-Paris durant une heure et pénétré sur les pistes de l’aéroport Toulouse-Blagnac. Par ces actions, ils entendaient alerter sur le manque d’accessibilité en France et notamment le « grave recul » de la loi ELAN sur les logements accessibles. Ils avaient été condamnés à de la prison avec sursis ainsi qu’à des amendes. L’état de « nécessité d’agir » pour alerter l’opinion publique n’avait pas été retenu.

 

Un traitement jugé « indigne »

Le fond, c’est une chose mais c’est aussi la forme qui avait suscité une immense colère. Sur seize prévenus, onze étaient en situation de handicap. Or le tribunal correctionnel de Toulouse s’était illustré, selon Handi-social, par son « accessibilité défaillante » et un traitement jugé « indigne » : absence d’interprète pour une personne avec difficultés d’élocution, absence de documents lisibles par une aveugle, micro défectueux, toilettes inaccessibles, pauses trop courtes, salle d’audience trop petite favorisant la contamination par le Covid-19, non-respect des règles de sécurité, accès impossible en autonomie… Résultat : plus d’une heure pour parvenir à la salle d’audience et pas moins de deux pour trouver un transport adapté à plus de 22h30, avec l’impossibilité d’être aidés par un auxiliaire de vie à leur retour au domicile. L’association dénonçait alors de « graves violences institutionnelles » et un « procès de la honte ». « On nous juge pour avoir dénoncé le manque d’accessibilité et on nous impose le manque d’accessibilité pour notre procès », avait fait valoir Odile Maurin, présidente de Handi-social. Le délibéré rendu le 19 mai 2021 s’était passé dans des conditions similaires, dans la même salle. A l’époque, Anne-Sarah Kertudo, de l’association Droit Pluriel qui milite pour l’accessibilité de la justice, voyait malgré tout dans cette affaire une note « positive », espérant qu’elle allait « marquer un tournant ». Vraiment ?

 

Autre tribunal, mêmes conditions ?

Un an plus tard, autre tribunal. Mais les prévenus alertent sur le fait que « le Parquet général auprès de la Cour d’appel de Toulouse, sous couvert de déclarations d’intention, refuse à son tour de rendre réellement accessible les débats aux personnes handicapées afin de permettre un jugement équitable et des débats contradictoires ». Concrètement, la demande d’aide humaine pour trois des prévenus est refusée ce qui les empêchera d’être assistés dans leurs actes et nécessités de la vie courante malgré une audience prévue une journée entière. D’autres obstacles : pas de garantie de temps de pause malgré des besoins attestés médicalement, pas d’horaires adaptés pour permettre aux militants de rentrer chez eux à temps.

Pour parer à toute difficulté, ils avaient demandé à pouvoir vérifier l’accessibilité de la juridiction en amont. Sans obtenir de réponse, selon eux. En retour, « un vigile sera présent pour accueillir les prévenus ! », rapporte l’association qui déplore « un traitement bien inquiétant des personnes en situation de handicap en France ».

Enfin, l’une des prévenues, Odile Maurin, est convoquée devant la même cour d’appel dans une seconde affaire. Elle avance que son handicap ne lui permettra pas de « suivre correctement ces deux audiences sur une journée entière » alors qu’elle souhaite « pouvoir être jugée dans des conditions acceptables ».

E. Dal’Secco

 

Voir aussi : Odile Maurin, la Guérillera solidaire, 16 militants pour la défense des personnes en situation de handicap assignés devant la justice
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