Vendredi 20 mai, près d’un mois après la réélection d’Emmanuel Macron, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, a dévoilé le gouvernement qui sera à la manœuvre durant ce second quinquennat. Une équipe composée de 27 ministres, dont 14 hommes et 13 femmes. La composition du gouvernement Borne aurait suscité de savants calculs pour rechercher l’équilibre, entend-on. À l’arrivée persiste pourtant le sentiment d’une continuité doublé de la crainte de se faire manipuler. On ne contraint pas un président qui ne le désire pas à être à l’écoute du besoin des Français.e.s. On obtient juste qu’il tende une oreille attentive, sans savoir quel en sera le résultat. Cette passation des pouvoirs illustre la plasticité d’Emmanuel Macron, un réformateur libéral aux nombreux visages prêt à tous les revirements pour maintenir sa propre feuille de route.


 

Quatorze ministres confirmés

Dans ce gouvernement Borne, plusieurs ministres gagnent du galon ou sont confirmés dans leur fonction après les années Castex. C’est le cas de Bruno Le Maire, la jambe droite, confortée numéro deux du gouvernement, qui reste à Bercy en tant que ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, ou de Gérald Darmanin, autre caution de droite — qui trouve Marine Le Pen « un peu molle » — poursuivant son bail à Beauvau en tant que ministre de l’Intérieur. Éric Dupond-Moretti, mis en examen pour « prise illégale d’intérêts », reste ministre de la Justice et Franck Riester ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité. Clément Beaune, qui était secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, demeure sur le même périmètre mais est promu ministre délégué chargé de l’Europe. À l’exception d’Élisabeth Borne dans le rôle du couteau suisse, les postes clés ont très largement été confiés à des hommes.

Amélie de Montchalin, ancienne ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, prend le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires tandis que la technocrate Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre déléguée chargée de l’Industrie,  –  la ministre qui était la mieux rémunérée grâce à ses jetons de présence comme administratrice de plusieurs grandes sociétés comme Bourbon (offshore pétrolier) ou Elis (entretien d’articles textiles et d’hygiène) – , prend en main la Transition énergétique. Sébastien Lecornu, ex-ministre des Outre-mer, est nommé ministre de la Défense. Lors de sa brève prise de parole devant un parterre de militaires et de membres du personnel du ministère, il a évoqué la « gravité » du contexte, citant  la lutte contre le terrorisme et la « crise de haute intensité » actuellement en Ukraine. Ce conflit « révise l’ensemble des doctrines sur lesquelles nous nous sommes fondés depuis maintenant plus de trente ans et sur lesquelles le président de la République a demandé à ce ministère de recaréner en quelque sorte notre appareil de défense, nos moyens capacitaires, nos stratégies, nos systèmes d’armement », a-t-il souligné.

 

Marc Fesneau, ancien ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, est le nouveau ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Sa nomination a été immédiatement saluée par la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Christiane Lambert,  pour son « attachement à l’agriculture et aux territoires ruraux ». Brigitte Bourguignon, ex-ministre déléguée chargée de l’Autonomie, est nommée ministre de la Santé et de la Prévention. Elle doit faire face aux effets de la dégradation des hôpitaux publics. Premier dossier à chaud, l’incapacité de fonctionnement des urgences. « Rien n’est sorti » de la réunion avec la nouvelle ministre ont fait savoir les urgentistes qui alarment sur la situation. Olivier Véran devient ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la vie démocratique.

Olivier Dussopt, qui était chargé des Comptes publics, prend le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. Gabriel Attal, ancien porte-parole du gouvernement, est ministre délégué chargé des Comptes publics. Il est remplacé par Olivia Grégoire au porte-parolat. Elle occupait le secrétariat d’État chargé de l’Économie sociale, solidaire et responsable.

 

Treize nouveaux entrants

Du côté des entrants la liste est longue, marquant le renouvellement promis par Emmanuel Macron. La numéro trois du gouvernement s’appelle Catherine Colonna. Cette ambassadrice au Royaume-Uni depuis 2019 et ancienne ministre prend les rênes du Quai d’Orsay en tant que ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Sa nomination intervient au moment où le Quai d’Orsay est en proie au « malaise », où un appel à la grève a été lancé pour le 2 juin par six syndicats et un collectif de 400 jeunes diplomates. Ils protestent contre une accumulation de réformes, particulièrement celle actant la « mise en extinction » progressive d’ici à 2023 du prestigieux corps diplomatique. Pap Ndiaye, historien et directeur du Musée de l’histoire de l’immigration à Paris, est nommé ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. L’universitaire, spécialiste de l’histoire sociale des États-Unis et des minorités, apparaît en rupture avec son prédécesseur.

Rima Abdul Malak, conseillère Culture et Médias d’Emmanuel Macron, est la nouvelle ministre de la Culture. Sylvie Retailleau, présidente de l’Université Paris-Saclay, est la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Alors que les attentes sont multiples après la gestion controversée de Frédérique Vidal, le programme d’Emmanuel Macron en matière d’enseignement supérieur évoque surtout la création de postes dans les filières courtes et professionnalisantes en deux et trois ans. Amélie Oudéa-Castéra, ancienne directrice générale de la Fédération française de tennis, prend le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Elle doit gérer le fiasco international du stade de France lors de la finale de la Ligue des champions. Elle est mariée à Frédéric Oudéa, le DG  de la Société Générale en lien avec Banco Santander partenaire de l’UEFA Champions League.

Isabelle Rome, inspectrice générale de la Justice et magistrate, est nommée ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes, tandis que Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, remplace Adrien Taquet comme secrétaire d’État chargée de l’Enfance.

Du côté des politiques, Damien Abad, ex-président du groupe LR à l’Assemblée, devient ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées en dépit d’un signalement pour des faits présumés de viols adressé à LREM et LR par l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Il conteste les faits.. Christophe Béchu, maire d’Angers, membre du parti Horizons et proche d’Édouard Philippe, est nommé ministre délégué chargé des Collectivités territoriales. Justine Benin, députée du MoDem, est la nouvelle secrétaire d’État chargée de la Mer. Stanislas Guerini, patron de LREM, remplace Amélie de Montchalin à la Fonction publique. Yaël Braun-Pivet, présidente LREM de la commission des Lois à l’Assemblée, devient ministre des Outre-mer. Enfin, Chrysoula Zacharopoulou, eurodéputée LREM, est secrétaire d’État au Développement, à la Francophonie et aux Partenariats internationaux.

 

La balance penche à droite avec la parité en vitrine

Mais dans ce nouveau gouvernement, les ministères régaliens restent dans le giron de la droite. Les deux poids lourds venus de LR, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, sont confirmés dans leurs fonctions, respectivement à Bercy et à Beauvau. Ils sont rejoints par la seule « prise de guerre » du gouvernement Borne : Damien Abad, qui vient de quitter la présidence du groupe LR à l’Assemblée nationale pour le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.

Catherine Colonna, la nouvelle hôte du Quai d’Orsay, est étiquetée à droite puisqu’elle a été porte-parole de la présidence de Jacques Chirac de 1995 à 2004 puis ministre déléguée aux Affaires européennes du gouvernement Villepin de 2005 à 2007. D’autres ministres doivent leur ascension à Emmanuel Macron mais viennent aussi historiquement de la droite, comme Amélie de Montchalin ou Franck Riester, président du parti Agir.

La gauche semble, une fois de plus, la jambe faible d’Emmanuel Macron puisqu’aucun entrant issu d’un parti de ce bord politique n’est à relever. Pap Ndiaye, qui incarne cette tendance, n’est pas issu du sérail politique.

Ce nouveau gouvernement affiche une parité femmes-hommes respectée : il compte 14 femmes et 14 hommes nommés. Neuf femmes et neuf hommes occupent des ministères de plein exercice et cinq femmes et cinq hommes sont nommés ministres délégués ou secrétaires d’État.

En revanche, du côté des ministères régaliens, il y a davantage d’hommes que de femmes. L’Intérieur, la Justice, les Armées et l’Économie échoient à des hommes. Une seule femme, Catherine Colonna aux Affaires étrangères, occupe un ministère éminent.

 

Photo. La technocrate Agnès Pannier-Runacher nommée ministre de la transition énergétique

 

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