Près de trois ans après les faits, l’IGPN rend son rapport. Le CRS auteur du tir et son superviseur ont été finalement identifiés. La Direction générale de la police nationale estime qu’il n’y a pas de faute grave et ne prononce aucune sanction administrative à leur égard. L’information judiciaire se poursuit.


 

Le 2 décembre 2018, Zineb Redouane, âgée de 80 ans, décède sur la table d’opération à l’hôpital à Marseille. Elle a été frappée la veille à la cage thoracique et au visage par une grenade lacrymogène lancée à 97,2 km/h en marge d’une manifestation, alors qu’elle voulait fermer les volets de son appartement dans le centre ville de Marseille. L’expertise médicale conclut à une « mort accidentelle » et à « un choc opératoire ».

L’enquête, confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), permet d’identifier l’heure du tir, l’arme utilisée et la compagnie de CRS. Sur les soixante-quinze CRS de la compagnie, seuls cinq des policiers sont armés d’un lance-grenades de type Cougar. Les fonctionnaires entendus ne reconnaissent aucune implication. Le rapport d’expertise conclut à un tir réglementaire dit « en cloche » qui met le tireur hors de cause. La seule caméra qui aurait pu permettre de l’identifier était en panne ce jour-là.

 

Une contre-expertise contredit la version policière

 

La contre-expertise indépendante, menée l’année dernière par le média d’investigation Disclose avec le soutien de Forensic Architecture, a permis de reconstituer les faits en suivant la chronologie, à travers une démonstration vidéo réalisée en 3D à partir du rapport balistique et d’éléments inédits. L’expertise contredit la version de la hiérarchie policière et démontre qu’il s’agissait d’un tir « tendu », strictement interdit, et non pas « en cloche » comme la législation l’exige.

Par ailleurs, Disclose souligne : « la grenade de type MP7 est normalement prévue pour atteindre une cible située à 100 mètres. Or au moment du tir, l’immeuble de Zineb Redouane est situé à 37 mètres ». En se basant sur les images, il apparaît que le policier a suivi de façon certaine la trajectoire de son tir : « après avoir tiré la grenade, ce dernier recule pour laisser passer un véhicule, avant de lever les yeux en direction de son tir. Douze secondes après, il regarde toujours dans la même direction avant de quitter les lieux accompagné de ses collègues ».

Les nouveaux éléments fournis par l’expertise indépendante de la partie civile ont jeté le trouble sur une enquête déjà controversée. Le dossier a été délocalisé à Lyon en 2019, car l’information judiciaire avait révélé la présence sur le terrain au moment des faits du vice-procureur de Marseille, André Ribes.

 

Près de trois ans plus tard, l’auteur du tir est identifié

 

Alors que l’enquête judiciaire est toujours en cours, l’IGPN remet, en mai dernier, son rapport administratif. Les données recoupées permettent finalement d’identifier l’auteur du tir et son superviseur. La police des polices considère que le tir était réglementaire sur le principe. Les CRS manquaient de visibilité, dans un contexte de « tension » et de « fatigue ». Le document précise que les deux policiers ont « manqué à l’obligation de discernement par une action manifestement inadaptée », mais que le tireur n’a pas visé délibérément la victime. Brigitte Jullien, directrice de l’IGPN, préconise un passage en conseil de discipline pour les deux policiers.

Frédéric Veaux, Directeur général de la police nationale (DGPN), estime, en juillet, que le rapport ne met en avant aucune faute grave de la part des CRS, en regard de la « nécessité légalement établie de tirer » et des circonstances énumérées.
Aucune sanction administrative n’est prise à l’égard de l’auteur du tir et de son superviseur. Les policiers suivront un stage de formation pour leur rappeler « les consignes en vigueur sur l’emploi des moyens de défense ».

L’enquête administrative est désormais clôturée, mais l’information judiciaire se poursuit avec deux expertises contradictoires. Les conclusions du rapport de l’IGPN ont été transmises au juge d’instruction lyonnais en charge du dossier.

« Nous n’attendons rien de la hiérarchie policière », a déclaré à l’AFP Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille de Zineb Redouane, « le plus important est que le CRS comparaisse en cours d’assises pour meurtre ».

La nouvelle soulève une vague de protestations sur les réseaux sociaux. Une manifestation en hommage à Zineb Redouane a eu lieu à Marseille, ce samedi 30 octobre.

Sasha Verlei

 

D’après les révélations de France Inter, source AFP

Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.