jeudi 9 mai 2024
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Accueil Arts Arts de la scène <span style='color:#f9b233;'>Politique culturelle :</span></br> Le Festival de l’Opérette déchiré à Lamalou, raccommodé à Bédarieux ?

Politique culturelle :
Le Festival de l’Opérette déchiré à Lamalou, raccommodé à Bédarieux ?

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<span style='color:#f9b233;'>Politique culturelle :</span></br> Le Festival de l’Opérette déchiré à Lamalou, raccommodé à Bédarieux ?
Lamalou-Les-Bains Devant le Casino Photo DR

Quand la nouvelle municipalité de Lamalou-Les-Bains décide de sous-traiter l’organisation du Festival de l’Opérette au détriment de la famille L’Huillier qui en assure la notoriété depuis plusieurs générations, la vie culturelle locale bascule dans l’incertitude.


 

Lovénah L’Huillier a 30 ans, elle a commencé ses études musicales et chorégraphiques au Conservatoire National à rayonnement régional de Musique de Dijon où elle a obtenu avec brio tous ses diplômes. Pour la petite histoire, il faut savoir qu’elle a joué son premier rôle à l’âge de 3 ans, dans l’opéra-comique “Rip” d’Henry B. Farnie sur une musique de Robert Planquette.

Lovénah L’Huillier est la fille de Frédéric L’Huillier, lui-même fils de Fernand L’Huillier. Or Fernand et Frédéric ont dirigé avec talent depuis 1975 ce qui était devenu une légende, le Festival de l’Opérette de Lamalou-les-Bains (voir l’historique). Lovénah, enfant de la balle, combinant une prestigieuse formation professionnelle et l’expérience du terrain acquise auprès de son père et de son grand-père avec qui elle n’a cessé de travailler, avait pris en main dernièrement la suite de l’organisation du festival.

Certes, il y a eu les douloureuses périodes du confinement, du couvre-feu et de toutes les contraintes impliquées par cette redoutable pandémie. Mais les choses avaient repris avec toutes leurs magnificences et on pouvait légitimement s’attendre à retrouver les spectacles, la magie des soirées qui se terminaient toujours dans les bars du village, avec les artistes locaux, les grandes vedettes qui venaient soutenir ce qui était devenu un des événements majeurs, au niveau national, du monde de l’opérette.

Et puis non, rien ne s’est passé comme prévu. La presse locale a bien relaté les faits sur lesquels nous ne reviendrons pas, mais la municipalité a préféré sous-traiter l’organisation de l’événement avec une autre compagnie venue de Toulouse et a donc évincé la famille L’Huillier de ce festival. La belle machine mise en place au bout de quarante années de travail se trouvait donc au rebut, et avec elle tous ses artistes, ses intermittents et ses nombreux aficionados dont certains n’hésitaient pas à faire des kilomètres pour assister aux spectacles et participer à cette fête permanente, tant en été qu’en hiver avec Fêt’Opéret’ au moment du premier de l’an.

 

Lovénah L’Huillier. Photo altermidi Dr.

Est-ce que tout est perdu pour Lovénah L’Huillier ?

C’est la question que nous nous sommes légitimement posée et nous allons essayer d’y répondre. Certes, de son point de vue, on pourra regretter le beau petit théâtre à l’italienne, ses formidables décors et le cadre général de cette ville thermale. Mais, comme on le dit, la messe est dite, les jeux sont faits et les décisions sont prises. Il n’y a pour l’heure aucune solution à espérer sur place. Mais tout autour, on a bien compris le formidable enjeu que pouvait représenter cette puissante dynamique culturelle, qui est à la fois locale et historique.

 

Un nouveau départ à Bérarieux

La commune de Bédarieux a réagi tout de suite. Nous rencontrons Magalie Touet, deuxième adjointe au maire, en charge des quartiers et de l’animation :

« Bien sûr, je connaissais Lovénah, son équipe, et j’ai suivi son chemin devenu brusquement douloureux. Je l’ai très vite contactée et nous avons discuté. Pour cet été, cela arrivait un peu tard par rapport à notre programme, mais nous avons pu mettre en place toute une série de petits concerts, sur les terrasses des bars, du 10 juillet au 14 août. Le résultat est excellent. Le public a vraiment apprécié, il est venu en nombre, composé à la fois de bédariciens, de gens de partout alentour et de touristes. L’équipe réunie autour de Lovénah est très professionnelle, très agréable aussi au niveau relationnel. Nous allons donc travailler ensemble et voir ce qu’il est possible de faire, notamment avec notre salle communale, la Tuilerie, avec aussi la Communauté de Communes. Vous voyez, durant les semaines qui viennent, et nous le souhaitons fortement, c’est une toute nouvelle machine qui va tenter de se mettre en route. »

 

Photo d’archive La belle de Cadix à Lamalou. DR

 

Magalie Touet nous parlait de la Communauté de Communes Grand Orb. Nous avons donc rencontré son vice-président chargé de la culture et du patrimoine, Olivier Roubichon, maire de Villemagne-l’Argentière.

Monsieur le vice-président, quelle est votre position à l’égard des professionnels de l’Opérette venus de Lamalou-les-Bains ?

« Je suis tout à fait favorable à l’implantation de cette troupe sur notre territoire. En fait, je n’ai qu’une peur, c’est qu’ils aillent s’installer ailleurs et nous quittent. Si on ne fait rien, on va perdre non seulement toute cette énergie locale, qui s’investira ailleurs, mais aussi de grands artistes de renommée internationale et leurs amis qui venaient ici pour faire vivre la légende, pour entretenir ce véritable conservatoire de l’opérette qu’avait su créer la famille L’Huillier.

À la communauté de Communes, on essaie de faire en sorte que les choses soient rééquilibrées car cette situation risque, à terme, de mettre en péril la vie culturelle de notre petite région. Maintenant, j’insiste, pour l’instant tout est à construire, et, avec Lovenah L’Huillier, nous souhaiterions également mettre au point un programme en direction des scolaires car elle et son équipe sont aussi très bons dans ce domaine.

Je ne peux m’empêcher de dire que d’exiler cette troupe, composée en partie d’habitants, d’électeurs, de contribuables de Lamalou-les-Bains, ce n’est vraiment pas galant, et je mesure mes mots. Nous allons donc de notre côté nous réunir, les élus responsables, et prendre des décisions. À Villemagne-l’Argentières, notre salle polyvalente est en travaux, mais nous nous inscrivons pour la possibilité d’organiser des spectacles en extérieur, l’été prochain, dans le cœur du village. »

 

Lovénah L’Huillier, cette décision de la mairie de Lamalou-les-Bains vous frappe de plein fouet et par ailleurs on voit bien toutes les tensions qu’elle suscite. Que pouvez-vous nous en dire ?

« Bien entendu, cette décision divise beaucoup et durement. Au niveau de la ville, à celui de l’intercommunalité, mais aussi au sein de la communauté d’artistes. Ceci s’ajoute à un contexte difficile, ponctué de fermetures, les plus lourdes pour Lamalou-les-Bains étant celles du Casino Joa ou encore de l’Hôtel Mas. Rouvriront-ils ? C’est très incertain, mais ainsi la vie culturelle et touristique locale s’appauvrit presque inexorablement ici pour se décaler ailleurs, alors que pourtant de forts potentiels étaient et sont encore bien exploitables. »

 

Photo d’archive, le public à Lamalou. DR.

 

Par rapport au cahier des charges demandé, étiez-vous au delà du budget ?

« Pas du tout, car j’avais ajusté au plus précis ma demande avec ce qui était alors indiqué, tout en maintenant la qualité originelle de nos prestations, toujours très professionnelles, avec une distribution formidable, parfois rajeunie afin que l’âge de nos artistes soient en concordance avec les rôles interprétés. »

 

Est-il vrai que vous risquez de quitter la région et de vous installer ailleurs, comme certains le craignent ?

« Non, je n’y tiens pas, je suis d’ici, au fond de moi, et je veux y rester. Mais des propositions m’ont été faites, effectivement. J’aimerais beaucoup mieux que l’on puisse réaliser un beau projet dans notre petite région, d’autant que nous avons investi à La Tour-sur-Orb, à une quinzaine de kilomètres de Lamalou, dans des locaux qui nous permettent de stocker tous nos imposants décors. D’un autre côté, ma carrière est riche et je ne fais pas que ça. Je suis aussi formatrice répétitrice et danseuse, j’ai des tournées en cours, comme Hello Dolly, ou encore Le Pays du Sourire, et aussi, entre autres, un jumelage de notre équipe en Belgique avec la compagnie Golden 2000… »

 

Si la décision de la municipalité de Lamalou-les-Bains est une épreuve pour vous et votre équipe, au final, vous vous en sortez plutôt bien, non ?

« On peut le dire comme ça. En effet, les réactions de tous mes amis et partenaires de Bédarieux et de la Communauté de Communes Grand Orb m’ont fait vraiment chaud au cœur. Nous allons travailler ensemble à monter de nouveaux projets, et il me semble bien, effectivement, que nous sommes au moment de la naissance d’événements très forts. Et ils peuvent ici se mettre en place, on en a la preuve car on l’a essayé, en direction d’un vaste public, tous âges confondus, depuis les scolaires jusqu’aux adultes. Il ne nous reste plus qu’à travailler, et ça, nous savons le faire ! »

Thierry Arcaix

 

Photo d’archive, Lamalou un final. Dr