Mouvement citoyen :
Les Toulousain.e.s uni.e.s contre l’extrême droite

Il y avait du monde dans la manifestation toulousaine de samedi dernier pour les libertés, contre les idées d’extrême droite à l’appel de syndicats, associations, partis de gauche, mais ce n’était pas non plus la foule des grands soirs que l’on retrouve dans les stades hors pandémie ou place Saint-Pierre en plein geuleton estudiantin. Pourtant, l’alarme est sonnée depuis longtemps, la vague ultraréactionnaire éclabousse le pays via ses relais médiatiques et numériques sans que cela provoque un raz-de-marée de protestation.

Toulouse, ancienne capitale du combat antifranquiste de l’exil républicain, a vu défiler dans son cortège du 12 juin l’internationalisme incarné par les Kurdes en lutte pour leur liberté. « La Turquie, l’Irak et l’Iran se sont mis d’accord pour nous éliminer : PKK, YPG, YPJ¹, dénonce Omer. C’est une mentalité fasciste qui nous met dans cette situation. Une fois qu’on vaincra le fascisme, on mettra en place une société égalitaire pour tous et toutes ».

La Whipala aux multiples couleurs représentant les peuples originaires d’Amérique du Sud drape le guidon de son vélo, Hector est Colombien, avec les milliers d’assassinats, de disparitions et la répression que compte son pays depuis quatre décennies, il a mille raisons de se trouver là. « L’antifascisme est une lutte internationale au même niveau que la question du climat, les batailles indigénistes, féministes, populaires et syndicales. » Sa copine, Laura, porte sur sa bicyclette le symbole du radicalisme féministe avec le poing levé. La jeune femme n’attend rien de cette « Europe raciste et colonialiste qui a causé tant de dégâts ailleurs dans le monde. Personne ne viendra nous sauver, c’est à nous de lutter et nous le faisons. Nous devons abattre les institutions du colonialisme ».

 

 

« Le fascisme c’est la gangrène »

 

 

 

Des pancartes alertent du danger : « Le fascisme c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève », « Après la droite et la police, le RN et ses milices ». La littérature d’Anna Seghers que le nazisme a poussée à l’exil devrait être enseignée dans tous les établissements scolaires. On y comprend les mécanismes de la montée de cette idéologie mortifère pour les peuples. Unies les banderoles du Droit au logement et celle des féministes. Eva exprime sa « solidarité avec les femmes du monde entier car le fascisme c’est bon pour personne ». Nina dénonce « le racisme et les discriminations dans l’attribution des HLM, des rafles organisées par la préfecture dans des hôtels », mais aussi dans la façon de gérer les villes entre « les quartiers embourgeoisés accessibles et les quartiers abandonnés où vivent les plus démunis ».

Avec son drapeau bleu et blanc, au milieu sa colombe tenant dans son bec un brin d’olivier, le Mouvement de la paix invite à empêcher les guerres en cultivant la paix. Pour Guy, militant pacifiste, « La situation actuelle prépare des affrontements. L’antifascisme c’est moi, dit Macron alors qu’il prend le train du fascisme. Le fascisme c’est l’extrême droite et Macron c’est la droite extrême ». Un panneau exige le « Retrait de toutes les lois liberticides », ce capitalisme de surveillance, le langage haineux déchaîné, banalisé, les attaques contre des propos politiques sensés (référence à Audrey Pulvar, Jean-Luc Mélenchon…), une politique d’État rude aux classes populaires, douce aux riches des classes dirigeantes et dominantes, ne serait-on pas en train de nous préparer au pire ? Dans ce contexte, s’élève le chant de résistance des Partisans et les jeunes crient en claquant des mains : « Siamo tutti antifascisti », [« Nous sommes tous des antifascistes » – Ndlr].

 

« Faché mais pas facho »

 

De l’humour, il n’en manque pas sous son chapeau de cuir, il brandit sa grosse main, recto : « T’en veux une 2^e ? Verso : Faché mais pas facho », les Gilets jaunes toulousains se situent dans le droit fil de ces nobles combats pour l’émancipation humaine.

Les sans-papiers de Réseau Éducation Sans Frontières (RESF), aux côtés de leurs enfants, mènent également une lutte pour vivre dignement. Leur demande d’asile a été rejeté. « On quitte pas le pays pour rien. Je squatte dans une maison avec ma fille de 4,5 ans et son papa. C’est ma première manifestation pour avoir des droits, pour l’égalité des droits  », témoigne Esméralda originaire d’Albanie, tout comme sa voisine Lula, kosovare, qui squatte aussi avec son fils de 10 ans.

On entend des voix affirmer le droit des Algérien.nes à la démocratie, le Hirak c’est pas fini malgré la farce électorale du 12 juin.

Bien en vue, deux drapeaux aux couleurs de la République espagnole signalent la présence d’Henri, fils de républicain.es dont le père a combattu le fascisme en Espagne puis a poursuivi son combat en France pendant la Résistance et son épouse Sidonie qui porte le tee-shirt de la Niña Bonita, l’équivalent de la Marianne française. « Il est temps de réagir contre la droitisation qui a commencé quand la gauche a piétiné le droit de vote des immigrés, explique Henri. Plus récemment, il y a eu une manifestation avec les syndicats policiers dominants préconisant la matraque. On est dans le ridicule total qui masque les violences policières contre les Gilets jaunes. Cette droitisation vampirise et vide de leur contenu la liberté et la laïcité. Ils reviennent sur « l’islamo-gauchisme« , cette façon de traiter les démocrates renvoie aux pires heures de l’Histoire quand on traitait les indésirables de judéo-bolchéviques. Ceux qui nous traitent de la sorte viennent de la droite, de l’extrême droite, mais aussi d’une certaine gauche de droite. Il est temps de stopper ces reculs ».

 

« La vraie sécurité, elle est sociale »

 

L’Histoire montre que c’est sur le terreau de la misère, de l’exclusion, de la division et de la mise en concurrence des un.es contre les autres que se répand le poison des idées d’extrême droite. C’est pourquoi la sono donne de la voix : « Emplois, salaires, services publics, la vraie sécurité elle est sociale », quand l’agenda des médias, soi-disant indépendants, tend à nous faire croire que la principale préoccupation des gens serait l’insécurité.

Le 3 juillet, ceux et celles qui veulent vivre dans une société solidaire, apaisée et juste socialement ont rendez-vous à Perpignan à 14h Place de Catalogne, pour une riposte populaire et nationale contre l’extrême droite qui tient son congrès dans la capitale catalane.

« La rabia del pueblo clamera : No pasarán ! »².

Piedad Belmonte

 

1. PKK : Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation considérée comme terroriste par les États-Unis et l’Union européenne. YPG : Unités de protection du peuple, branche armée du parti de l’Union démocratique syrien (PYD) formées en 2011 pendant la guerre en Syrie qui se sont vaillamment battues contre Daech. YPJ : Unités de protection de la femme créées en 2012. Les femmes kurdes ont été des combattantes en première ligne contre les différentes mouvances islamistes fanatiques-fascistes qui ont sévi en Syrie mais aussi en Irak.
2. « La rage du peuple : Ils ne passeront pas ! » C’est la dirigeante du PCE surnommée Pasionaria qui prononça son discours au cri de : « Les fascistes ne passeront pas! Ils ne passeront pas ! » le lendemain du coup d’État factieux du 18 juillet 1936, appelant le peuple espagnol : ouvriers, paysans, antifascistes, Espagnols patriotes, femmes, jeunes à défendre la République, les libertés populaires et les conquêtes démocratiques du peuple. Le 7 novembre 1936, devant la tentative des troupes franquistes de s’emparer de la capitale, les Madrilènes érigent des barricades, des fortifications et malgré les bombardements fascistes (de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste) gagnent la bataille antifasciste qui dure 16 jours.