Les marches « Pour une vraie loi climat » vont se tenir un peu partout en France le dimanche 28 mars, à la veille du début de l’examen de la loi « Climat et résilience » à l’Assemblée nationale. Illustration à Martigues où 23 associations ou syndicats appellent à participer à cette initiative.
Emmanuel Macron avait promis de soumettre « sans filtre » les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, (CCC) « soit au vote du Parlement, soit par référendum, soit pour une application directe », précise Marc, militant d’ Alternatiba Ouest étang de Berre. En fait, seule une petite partie de leurs propositions est reprise dans le dit projet de loi « Climat et résilience »…puisque désormais il faut mettre la résilience à toutes les sauces. Décidément, le mensonge est l’art des gouvernements et particulièrement de celui-là. Capucine Carrelet, de la MJC de Martigues, structure qui se joint à l’initiative, évoque le « rapt démocratique de la Convention citoyenne pour le climat », soit le fait de « réduire à néant le travail et l’implication des citoyens ».
L’observatoire des multinationales, Lobbys contre citoyens, a élaboré un tableau édifiant sur 19 propositions faites par la Convention citoyenne et le sort qui leur a été réservé dans le projet de loi. Entre « réduite à rien », « absente du projet de loi », « repoussée », « amoindrie » et « très amoindrie », une poule élevée en batterie n’y retrouverait pas ses poussins. D’ailleurs, la proposition d’interdiction de financement de nouveaux élevages agro-industriels est absente du projet de loi, comme la mise en place d’une éco-conditionnalité des aides publiques versées aux entreprises, l’interdiction de la publicité pour la « mal bouffe », le plan d’investissement massif pour le ferroviaire… Pour ceux qui croiraient encore que luttes syndicales et luttes environnementales sont incompatibles, le dernier point est révélateur. Depuis des années, les syndicats de cheminots demandent de freiner la proportion de marchandises acheminées par la route et militent pour le développement du fret ferroviaire, la relance des petites lignes… Rien n’y a fait jusqu’ici.
À Martigues comme ailleurs, la présence de l’Union locale CGT, de la FSU, de Solidaires 13 ou de la CFDT 13 interco parmi les organisations appelant à participer à cette marche est un signe. « Le fait que ça ne peut pas aller sans justice sociale devient de plus en plus concret », se réjouit Catherine Bonafé, d’Alternatiba Ouest étang de Berre, qui fait volontiers référence au rapport « Un million d’emplois » signé en 2017 par la FSU, Solidaires, le Mouvement national des chômeurs et des précaires, la Confédération paysanne comme par Attac, les Amis de la Terre, Greenpeace, Alternatiba…
Pour l’Union locale CGT, « depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, le constat est sans appel : le système capitaliste prédominant dans le monde amène à la destruction de notre écosystème » et le projet de loi Climat et résilience « ne rompt d’aucune manière avec le modèle de croissance capitaliste des dernières décennies qui a pourtant montré ses limites sociales et écologiques, notamment dans la gestion de la crise sanitaire mondiale ».
Mille et une raisons de manifester
Et le rassemblement local autour de ce rendez-vous se décline en mille et une raisons de manifester (les organisateurs précisent que « la manifestation est déclarée et dans le respect des gestes barrières ») pour les différentes organisations. « Les petites associations sont aussi importantes pour nous que la FSU, la MJC [près de mille adhérent.es, Ndlr] ou Les Vélos des étangs, il n’y a pas de petites ou de grosses associations », souligne Catherine Bonafé. À partir de son domaine d’action, chacune a sa motivation pour participer le 28 mars, du CCFD-Terre solidaire au Mouvement de la Paix, de France-Amérique latine à Amnesty international. Par la voix d’Antoinette Filippi, le CCFD « dénonce les fausses solutions des marchés carbone et de la séquestration du carbone » dans lesquelles l’association voit « deux risques majeurs en termes de droits humains : l’augmentation de la financiarisation des terres et leur accaparement ».
L’association France-Amérique latine, elle, mène des actions de solidarité avec les peuples d’Amérique latine, notamment avec les Mapuche du Chili, « spoliés par les compagnies minières et forestières et considérés, selon une loi de Pinochet toujours en application, comme des terroristes », souligne Jean-Marie Paoli1. FAL soutient ainsi une coopérative agro-écologique : « Une famille de quatre personnes arrive à vivre avec un hectare et à produire un surplus vendu sur un marché paysan ».
Le Mouvement de la Paix qui a édité une brochure sur le thème Paix et climat met, lui, l’accent sur une question occultée : « L’armement et la défense ne sont pas compris dans les études sur le réchauffement climatique, la France dépense plus de 5 milliards par an pour moderniser ses armes nucléaires alors que l’armement pollue l’eau, l’air et la terre : on retrouve encore des obus de la guerre de 14, les terres ne sont toujours pas cultivables », indique Élizabeth Grand du comité de Martigues. Dernier exemple en date, les récents épisodes de vent venu du Sahara qui ont ramené des particules radioactives, résultat des essais nucléaires menés par la France dans le désert algérien. Un retour à l’envoyeur qui doit effectivement interpeller sur les conséquences à long terme des actions anti environnementales.
Les Gilets jaunes citoyens du Pays martégal se joignent aussi à cet appel : « C’est réjouissant parce qu’ils étaient présentés au départ comme des forces anti-environnementales, cela prouve que « fin du monde, fin du mois » est devenu un mot d’ordre populaire », considère Nanie Bellan, d’Alternatiba. « Aucun pays d’Europe ne respecte les engagements pris lors de la Cop 21 à Paris », déplore Fabienne, syndiquée à la FSU, « les questions climatiques sont intimement liées aux questions sociales : les 10 % les plus riches émettent 50 % des gaz à effet de serre ».
L’art du grand écart
Associations et syndicats mesurent aujourd’hui le grand écart entre la question posée à la Convention citoyenne pour le Climat (Comment réduire d’au moins 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans le respect de la justice sociale ?), les 149 propositions de la convention… et ce qu’il en reste dans le projet de loi. Et d’autres voix, beaucoup moins militantes, pointent aussi les insuffisances : le très officiel Haut Conseil pour le Climat conclut que « ces mesures ne permettraient pas à la France de rattraper son retard dans la transition bas carbone ». Le Conseil économique social et environnemental (CESE) juge les mesures « souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ». Jusqu’au Conseil d’État qui souligne que l’étude d’impact est « trop superficielle ». Sans compter le Tribunal administratif de Paris qui, le 3 février, a donné raison aux signataires de L’affaire du siècle2 en condamnant « l’inaction climatique ». C’est d’ailleurs, entre autres, derrière une banderole « Pour une vraie loi climat, Non à l’inaction de l’État » que défileront les manifestant.es le dimanche 28 mars.
Les 150 personnes qui ont pris part aux travaux de la Convention citoyenne, souvent dans l’enthousiasme, n’ont pas caché leur déception et l’impression d’avoir été bernés. La note de 2,5 sur 10 a été attribuée à la question « dans quelle mesure les décisions du gouvernement relatives aux propositions de la CCC permettent-elles de s’approcher de l’objectif fixé ?« . C’est d’ailleurs à leur initiative que se tiendront ces marches. Vendredi, 619 organisations partout en France avaient rejoint l’appel.
Elles seront nombreuses ce dimanche en Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille, Aix-en-Provence, Arles, Martigues, Salon, (13) Manosque, Forcalquier (04), Avignon, Apt (84)… En Occitanie également, à Toulouse (31), Montauban (32), Montpellier, Sète, Olargues (34), Nîmes (30), Narbonne, Carcassonne (11), Rodez (12), Perpignan, Argelès-sur-Mer (66), Mende (48). Pour que les parlementaires se souviennent que l’urgence climatique est… une urgence à laquelle la loi Climat et résilience ne répondra pas.
J-F Arnichand
Pour en savoir plus :
Rapport final : https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf
L’observatoire des Multinationales Lobbys contre citoyens, qui veut la peau de la Convention Citoyenne pour le Climat ?
https://multinationales.org/IMG/pdf/rapp_2.pdf
Réseau Action Climat : Les 15 mesures structurantes de la Convention Citoyenne pour le Climat :
Notes:
- Président des comités Bouches-du-Rhône et Pays de Martigues de l’association FAL
- L’Affaire du siècle est une campagne de justice climatique en France initiée par quatre associations le 17 décembre 2018 visant à poursuivre en justice l’État pour son inaction en matière de lutte contre le réchauffement climatique.