Questions à Martin Delord, vice-président en charge des finances du Conseil Départemental du Gard, à l’issue du vote du budget primitif 2021.


 

 

Que traduisent les grandes lignes du Budget 2021 ?

 

Nous avons maîtrisé la progression des dépenses de fonctionnement avec une augmentation des dépenses contenue à 1,14 %, ce qui est tout de même assez peu compte tenu des contraintes sociales que nous avons connues cette année. Le département tient à assumer son rôle de bouclier social, c’est sa vocation, ceux sont ses compétences. Certes, en ayant recours à l’emprunt pour une partie mais la plupart de nos compétences sont d’ordre social. Cela représente plus de 60 % du budget de fonctionnement et en même temps un département doit faire des investissements quasiment obligatoires, pour les collèges et l’éducation des jeunes par exemple. Il participe aussi aux investissements communaux avec les contrats territoriaux, à l’entretien des routes et de ses propres bâtiments. Et j’ajouterais une chose qui n’était pas obligatoire mais très attendue, c’est l’investissement sur la fibre optique qui représentera 82 M€ d’investissement cette année.

Par ailleurs, on maintient le niveau d’investissement à hauteur de 260 M€ ce qui représente 130,7 M€ d’investissement réel (hors dette) et se situe dans la continuité des années précédentes.

 

Une partie des investissements sera-t-elle consacrée à la relance économique du territoire ?

 

Le département fait ce qu’il peut. Ce n’est pas son activité principale puisque cette compétence relève maintenant des Régions. Mais par contre, au travers du budget d’investissement que l’on produit et dans la continuité de ce qui a été fait ces dernières années, on participe à l’activité économique et donc à l’emploi. Effectivement nous participons au plan de relance au travers de notre capacité d’investissement qui est à peu près constante d’une année sur l’autre, auquel s’ajoute depuis presque deux ans les investissements pour la fibre optique qui représente un budget important sur plusieurs années. On y participe aussi lorsqu’on permet à des gardois qui sont en grande difficulté de bénéficier du bouclier social ; cela les met dans de meilleures dispositions pour rebondir de façon individuelle et donc de participer à la relance générale.

 

Sur l’organisation du plan de relance, la relation entre l’État et les collectivités territoriales n’a pas été un long fleuve tranquille…

 

Particulièrement avec les départements qui figurent un peu comme les sacrifiés de tous les projets gouvernementaux — d’ailleurs pas uniquement de ce gouvernement — au bénéfice des communes. Notre gouvernement s’appuie davantage sur les communes, même plus que sur les communautés de communes et d’agglomérations. Aujourd’hui les communautés disposant de plus de capacités d’action et qui sont le mieux soutenues par l’État, ce sont les Régions. Nous ne sommes pas jaloux, mais il faut reconnaître que cela devient difficile pour les collectivités comme les départements de jouer ce rôle dans le domaine social avec des ressources en diminution, alors même que les crises successives font que les gens ont de plus en plus de besoins.

 

Concernant la crise sanitaire, avez-vous pu chiffrer le manque à gagner pour le département et comment cela se réparti ?

 

Nous n’avons pas un manque à gagner énorme cette année. Entre l’augmentation des dépenses sociales et la baisse de certaines recettes on peut parler d’un gap aux alentours de 20M€. Par contre l’inquiétude se situe sur l’augmentation des dépenses sociales pour le budget prochain car c’est vraiment en 2021 que vont se faire ressentir les effets de cette crise avec les faillites, donc l’augmentation des dépenses sociales et la baisse de l’activité économique conduisant à une baisse de nos ressources (Taxe sur l’électricité ou le CDAE). C’est un peu tôt pour le chiffrer mais ce que j’ai dit tout à l’heure en assemblée c’est que nous devons anticiper. Il ne faut pas attendre le mois de septembre pour préparer le budget 2022, même s’il y a les échéances électorales qui risquent de modifier la donne ; il faut s’en occuper dès maintenant. Déjà en essayant de ne pas dépenser plus que ce que nous avons prévu et en dégageant un peu de marge de manœuvre pour pouvoir le reporter sur le budget de 2022.

 

Le poids de la dette ne pèse-t-il pas trop lourd ?

 

Il pèse trop. Ce qui compte dans une dette ce n’est pas la somme en tant que telle, c’est la capacité que vous avez à la rembourser. Dans les économies (qu’on appelle l’épargne brute) qu’un département peut faire chaque année, on divise ces économies par la dette et l’on estime que si la dette est remboursable en moins de 10 ans, la collectivité ne présente pas de risque particulier. En cours de mandat, nous étions descendu à 4 ans de capacité de désendettement, c’était excellent mais compte tenu de la crise, des baisses de recettes et du manque de compensation par l’État, on est monté à 10 ans. Parce que nous voulons maintenir une capacité d’investissement.

On est un peu tendu au niveau de l’endettement. Je pense qu’il faut le reconnaître mais cela reste du domaine du maîtrisable. Le moyen de diminuer la dette ça serait de dire « on arrête d’investir, ce n’est pas possible ». Donc effectivement, il faudrait une compensation de l’État parce que nous ne souhaitons pas augmenter les impôts. Nous pouvons peut-être faire encore quelques économies sur le budget de fonctionnement mais ça ne suffit pas, et le budget de fonctionnement c’est 60 % de dépenses sociales. Les 1,14 % d’augmentation de cette année ne sont pas significatives, elle sont en deçà du coût de la vie. Je pense que d’une manière générale c’est à l’État de mieux considérer les missions du département et d’admettre qu’ils ont un rôle très important dans la vie des citoyens et donc de les aider. Ce n’est pas le département qui demande à être aidé ce sont les citoyens qui ont besoin de la collectivité.

 

Sur la compensation de l’État vous avez été interpellé par l’opposition afin d’agir auprès du Premier ministre, c’est un peu paradoxal…

 

Oui, mais c’est la règle du jeu. Il n’y a pas plus à dire.

 

Recueilli par Jean-Marie Dinh

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.