Comme chaque année au mois de novembre, le département du Gard s’est mobilisé dans un contexte un peu particulier pour faire connaître aux Gardois les initiatives des acteurs de l’Économie sociale et solidaire. Retour sur l’édition 2020 avec Bérangère Noguier, conseillère départementale du canton d’Uzès, déléguée à l’Économie sociale et solidaire.


 

 

Ces entreprises, mutuelles, coopératives, associations qui ont choisi de s’engager dans un mode de gouvernance responsable, solidaire et respectueux du bien-être de leurs salariés constituent plus de 10 % du Produit Intérieur Brut (PIB ) du Gard et près de 11 % de l’emploi dans le département, avec 2 730 établissements employeurs et 23 200 salariés.

Grâce aux structures de l’ESS, en coopération avec les autres collectivités publiques, le Département peut déployer une grande partie de ses missions. Certaines mettent en œuvre des actions relevant du Programme Départemental d’Insertion (PDI) et répondent aux priorités du Schéma de la culture. D’autres sont présentes dans les domaines de l’accompagnement de l’enfant et dans la prise en charge en établissement ou à domicile des personnes dépendantes. Enfin, l’ESS est également répandue dans les activités agricoles (remplacement des exploitants en congés, accès aux emplois pour les salariés agricoles et accompagnement à la consolidation des activités agricoles), dans la transition énergétique, ainsi que dans la préservation et la valorisation des espaces naturels gardois.

 

Entretien avec Bérangère Noguier, conseillère départementale

 

Quelle a été la contribution du département au mois de l’ESS qui s’est tenu en novembre ?

Avec le confinement cela n’a pas été simple mais l’ESS est un lieu où l’on s’adapte aux circonstances de l’évolution. Le département est à l’origine de deux tables rondes agrémentées de reportages sur le terrain qui se sont tenues les 27 et 30 novembre et d’une conférence interactive qui a eu lieu le 1er décembre.

 

Sur quels thèmes portaient les contenus ?

Lors de la première table ronde, nous avons évoqué les outils numériques et leur utilisation en termes d’enjeu social et économique. Le Gard se fixe pour mission d’assurer l’équilibre entre les zones urbaines et rurales. Pour y parvenir, le Département déploie le très haut débit dans les zones rurales. Il est aussi actif là où le besoin se fait sentir, notamment en matière de formation.

La seconde table ronde était consacrée aux commerces de l’ESS et aux circuits courts qui connaissent de réelles difficultés en période de pandémie. À l’occasion de chaque grande crise, l’ESS illustre sa capacité à répondre aux grands défis qui surgissent. Avec la pandémie, on a pu mesurer le désir et la nécessité de relocaliser l’économie.

 

L’ESS apparaît certes mieux armée mais ses acteurs sont bien dispersés pour fonder une réelle alternative à l’économie classique en pleine crise…

En effet, on retrouve d’ailleurs le même type de problématique lorsqu’on parle d’écologie. Une des solutions se trouve à mon sens dans les actions de proximité conduites de manière pragmatique. On ne peut pas seulement porter une parole institutionnelle, nous avons besoin d’entendre celles des acteurs pour trouver un ensemble de solutions. La conférence interactive du 1er décembre avait pour objet de croiser les regards et de souligner l’importance pour les acteurs de l’ESS de s’appuyer sur un réseau dynamique privilégiant l’échange de connaissances et le partage d’informations.

 

Susciter les échanges d’expériences, la co-construction de projets et partager cela avec les représentants des institutions est un parcours de longue haleine. Comment vous y prenez-vous concrètement ?

Je suis en charge du secteur depuis 2015, la première étape a été de sillonner le département pour se faire connaître des structures et repérer celles qui nous étaient méconnues. En 2019, nous avons lancé une grande consultation pour recueillir et évaluer le besoin des acteurs de l’ESS sur le territoire. À l’issue de ces actions, le Département s’est engagé dans l’élaboration d’un Livre Blanc visant à promouvoir l’Économie Sociale et Solidaire comme solution alternative pour répondre aux enjeux de la société de demain.

 

Quels sont les grands axes qui ressortent et quel plan d’action ?

Nous avons retenu collectivement plusieurs champs d’action comme : la structuration des réseaux et la nécessité de faire connaître les acteurs, le soutien au développement de l’activité économique et le développement de l’emploi, l’accompagnement et l’aide aux projets et aux initiatives émanant de l’ESS. Pour mettre en œuvre tous ces objectifs, le Département n’est pas le seul mais il accompagnera. C’est déjà le cas avec des actions dans les collèges pour informer et sensibiliser les jeunes. Ou encore en matière économique, avec l’implication du Conseil départemental pour organiser une édition gardoise de Coventis, le salon d’affaires dédié à l’Economie sociale et solidaire.

 

Pensez-vous que les acteurs de l’ESS doivent réaffirmer leurs pratiques entrepreneuriales et leur engagement au niveau politique ?

C’est une vraie question. Beaucoup d’initiatives de l’ESS s’élaborent dans le système D. Elles sont souvent liées à une recherche de liberté, à une prise en compte des enjeux environnementaux et elles voient le jour dans un système qui ne leur est pas favorable. Le ministère de l’Économie prend certes en compte le secteur de l’Economie sociale et solidaire, mais l’on voit bien que l’ESS n’est pas du tout le type d’économie que notre gouvernement souhaite promouvoir. Cela ne correspond pas à ses valeurs. C’est pourquoi je n’attends pas grand chose d’une action sincère de l’État dans cette direction. Je pense qu’il est important pour les acteurs de rappeler les valeurs de l’ESS, parce que le sens de ces valeurs apparaît comme le meilleur garde-fou face aux crises que nous traversons. La nature du changement qui est à l’œuvre n’est pas liée au fait de faire marche arrière mais plutôt à faire un pas de côté.

 

Quel rôle tiennent les collectivités territoriales dans ce processus ?

Les territoires sont en capacité de faire la différence. La Région Occitanie développe une stratégie affirmée pour le développement de l’ESS. On le mesure dans le détail. Les appels à projets sont pertinents, bien pensés, ils démultiplient les effets sur le territoire. Plus globalement, je pense que les collectivités territoriales doivent mener une action plutôt ascendante que descendante. Les EPCI1, les départements et les régions qui sont à l’écoute des acteurs de leur territoire apportent des réponses qui s’additionnent. Elles préparent et construisent une autre façon de voir le monde et de le vivre, cela se joue sur des bassins de vie, dans un rapport de proximité avec les citoyens.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Le tiers-lieu « Le 21 », à Uzès, labellisé cette année « Fabrique de territoire ».

Les tables rondes et la conférence en ligne vous sont toujours accessibles en ligne sur le site du Conseil départemental du Gard.

Notes:

  1. EPCI : Établissement public de coopération intercommunale
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.