À l’aube des élections départementales et régionales qui se tiendront probablement en juin, la présidente Françoise Laurent-Perrigot, élue de justesse fin novembre 2020 pour succéder à Denis Bouad appelé au sénat, se voit consacrer dans sa mission. À l’occasion du vote du budget du Conseil Départemental du Gard, la droite et le centre se sont abstenus hier à Nîmes, permettant à la majorité de gauche plurielle de valider un budget contraint par la crise.


 

C’est sous des hospices pacifiés que s’est tenu hier le vote du budget primitif. Politiquement, la majorité fragile PS-EELV-PCF gouverne dans l’absolue nécessité de faire consensus et l’opposition de droite républicaine ne cherche pas la division. Et c’est sans doute le cadre le plus approprié pour satisfaire tous les gardois car on n’ose à peine imaginer l’effet dévastateur que produirait sur les citoyens les polémiques politiciennes dans le contexte d’urgence des crises actuelles.

En chiffre, le budget primitif s’élève à 1 156 518 987€ avec 896 167 179€ en fonctionnement et 260 351 807€ en investissement. Les grandes lignes de la mandature sont maintenues mais on sait qu’il faudra réinventer les politiques pour passer la tempête qui s’annonce durable. Au diptyque volontariste, solidaire, s’ajoute désormais le mot responsable que la nouvelle présidente entend incarner.

Au cours de la séance plénière, les critiques formulées par l’opposition sont restées globalement mesurées. Le conseiller départemental RN du canton de Vauvert, Nicolas Meizonnet, a concentré sa charge sur le poids de la dette en s’appuyant sur le ratio de la capacité de désendettement. Après avoir connu une nette embellie au cours de la mandature, en passant de 14 ans à 4 ans, celui-ci est désormais reparti à la hausse pour s’établir à 10 ans.

L’élu d’extrême droite a tenté de porté un jugement sévère sur la majorité en ayant recours au stéréotype de « la gestion laxiste des socialistes et de leurs alliés communistes et écologistes », pointant dans son analyse les mineurs non accompagnés et l’augmentation des charges sociales, comme le RSA pour 10M€, tout en usant de formules peu précises du type « inutile de rentrer dans les détails, tout le monde sait de quoi je parle… ». Le député du Rassemblement national s’est cependant déclaré satisfait du maintient du budget d’investissement de la collectivité, ne se privant pas de faire un nouvel appel du pied à l’UDI et au Républicains  : «  allez-vous continuer à vous abstenir ? », mais sans succès ; son groupe sera le seul à voter contre le budget.

 

 

Pour l’UDI, Thierry Procida s’est inquiété du recours à l’emprunt décidé par la majorité : « On va se retrouver avec une dette de 552,1 M€, près de la moitié du budget global ! ». Face à la croissance endémique des aides sociales « qui représentent un cinquième du budget  » le centriste enjoint la majorité à solliciter le Premier ministre pour que l’État s’acquitte de sa dette auprès de la collectivité1. «  L’UDI s’y associera et sera vigilant sur les compensations liées aux nouvelles compétences ».

Sur le dossier des mineurs non accompagnés (10 M€) dont le département a la charge, Thierry Procida s’est enquis de savoir si le département avait bien signé la convention avec la préfecture pour le partage des données du fichier biométrique Eurodac2 »

Dans sa réponse, la présidente a tenu à préciser que le budget consacré aux mineurs non accompagnés avait enregistré une baisse de 1,6M€ cette année, liée à un contrôle précis. « La mise en place du comité de suivi a permis une diminution des MNA sur le territoire. Je me suis renseignée, l’utilisation du fichier biométrique est en vigueur. »

Le chef du groupe a qualifié l’abstention de l’UDI « d’opposition constructive ». Même position chez les républicains ; si Laurent Burgoa butte sur les 142 M de masse salariale3 et se projette aux manettes de la collectivité « nous baisserions les dépenses de fonctionnement et augmenterions l’investissement », il s’étonne « de la stabilité du budget de l’insertion alors que nous avons 1 000 bénéficiaires du RSA en plus ! » mais il refuse toutefois « de céder à la démagogie politicienne en bloquant la maison Gard à six mois des élections ».

 

Un débat sans démagogie

 

Pour EELV, Berengère Noguier a elle aussi souligné que dans le contexte de crise les avances remboursables signifient que l’accompagnement de l’État est bien insuffisant. Sans céder au pessimisme elle a rappelé un des grands défis d’avenir : « La transition écologique est la réponse la plus adaptée pour dégager de nouvelles marges de manœuvre dans nos politiques publics. La force de notre administration ce sont nos ressources humaines », précisera le communiste Christian Bastide pour répondre à Laurent Burgoa, « ce n’est pas en compressant que nous avancerons. Nous avons au contraire besoin de nos personnels qui sont en contact avec les citoyens. »

Son collègue de groupe, Jean-Michel Suau, explicitera les difficultés des salariés de l’entreprise Crouzet automatismes, menacés de licenciement. Impacté par l’effondrement du secteur mais enregistrant de bons résultats, l’industriel repris par un fond de pension pourrait réorganiser son activité en fermant son antenne à Alès et supprimer 64 des 72 emplois. La situation a donné lieu à un vœu pour le maintien de l’entreprise à Alès voté à l’unanimité.

En guise de mot de la fin, la magnanime présidente Françoise Laurent-Perrigot a su valoriser le travail collectif. « Ce contexte particulier doit aussi nous amener peut-être à moins critiquer et surtout à imaginer des solutions aux problèmes auxquels nous sommes tous confrontés avec des résultats concrets. C’est obligatoire et d’ailleurs l’attitude aujourd’hui digne de l’ensemble des membres de nos assemblées le montre. Je dois dire que j’en suis très satisfaite. Toutes et tous nous devons nous préparer aux défis de demain pour en sortir beaucoup plus forts. »

Une bonne entrée en matière qui évoque l’image politique célèbre de « La force tranquille ».

Jean-Marie Dinh

Notes:

  1. Ce débat de longue date concerne le décalage constaté entre les dotations de l’État et l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des départements. La collectivité gardoise considère comme beaucoup d’autres départements que les contraintes imposées par l’État vont à l’encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales
  2. Eurodac est un système d’information à grande échelle contenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile et de protection subsidiaire, et immigrants illégaux se trouvant sur le territoire de l’UE.
  3. Le budget 2021 enregistre une sensible augmentation de dépenses liées aux personnels concernant la revalorisation des CDD et la revalorisation du SMIC au 1er janvier pour les 465 assistants familiaux qui s’occupent des droits des enfants. Et une diminution des frais de déplacements du personnel de 5%.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.