Le conseil d’administration du géant énergétique Engie a approuvé la vente de sa participation dans Suez, le numéro deux français de la gestion de l’eau et des déchets, à Veolia, numéro un dans ces mêmes activités.  Mis en minorité, l’État-actionnaire a mis en scène son impuissance.


 

Pour la première fois dans l’histoire d’Engie, l’État-actionnaire a été mis en minorité lors d’un conseil d’administration qui votait sur un sujet majeur, la vente de la participation dans Suez. Les administrateurs de la CFDT n’ont pas pris part au vote, accentuant le clivage entre l’État et le reste du conseil. Camouflet pour le gouvernement ou mascarade arrangée ?

Mercredi soir, au 36e étage du siège à La Défense, le conseil d’administration d’Engie démarre, le grand public n’en connaît pas encore l’issue. Mais chacun des treize administrateurs de l’énergéticien français devine déjà le jeu qui va se jouer. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, espère encore faire basculer le vote du conseil afin de bloquer la vente de la participation d’Engie dans Suez à Veolia. Les représentants de l’État au capital d’Engie ont voté contre l’opération, et ils ont perdu au vote, ce qui est un cas presque sans précédent. Trois heures avant, Bruno Le Maire essayait encore au téléphone de rabibocher tous les protagonistes, en vain. L’État n’a que 24 % d’Engie, ce n’est pas assez — on se demande à quoi sert cette participation. Il y a deux ans, l’État avait bloqué la fusion Renault-Fiat (qui a fusionné avec PSA finalement), mais cette fois il n’a pas réussi à obtenir que l’opération Engie-Veolia-Suez se fasse à l’amiable. C’est une humiliation — sauf si l’État souhaitait en réalité que l’opération se fasse tout en faisant connaître son mécontentement.

Dans cette affaire symptomatique du rôle tenu par le gouvernement face aux multinationales, tout s’est joué en coulisses. Comme le révèle Martine Orange dans son article pour Mediapart Suez-Veolia : la journée des dupes, l’État, par l’intermédiaire du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a vraisemblablement joué un double jeu. Le conseil d’administration d’Engie a approuvé la vente de sa participation dans Suez à Veolia « sans que ce dernier donne les moindres garanties sociales et industrielles, prenne le moindre engagement y compris à l’égard des actionnaires minoritaires », précise la journaliste. Le pouvoir a tout fait pour organiser son impuissance, comme si on lui forçait la main, allant jusqu’à demander aux administrateurs de la CFDT de ne pas voter.

Les administrateurs salariés CFDT sont sortis opportunément de la salle au moment du vote, ce qui a consolidé ce dernier en faveur de l’opération. À noter également, la neutralité de François Baroin, le patron des maires de France, potentiel candidat aux prochaines élections présidentielles.