Zena ASSI –  »This is our land »

 

Samedi 26 octobre, au lendemain du discours du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a tenté de discréditer le mouvement sans précédent de contestation anti-pouvoir, les Libanais se sont mobilisés de nouveau, à travers tout le Liban. Les manifestants ont répondu pour la dixième journée consécutive à l’appel de la rue. La mobilisation du « samedi des places publiques » a attiré des centaines de milliers de personnes. Dans toutes ces régions, les manifestants ont déclaré qu’ils resteraient dans la rue jusqu’à ce que leurs revendications soient entendues et que le gouvernement présente sa démission.

« La démission de Saad Hariri va finir par arriver. Nous savons que la situation est très mauvaise, que l’aggravation de la crise est en partie cachée par la fermeture des banques (depuis le début du soulèvement le 17 octobre, ndlr). Nous savons que l’on risque un effondrement économique. Mais avons-nous un autre choix que de manifester ? », lançait, pour sa part, Amine, posté sur le ring, que les forces de l’ordre ont tenté, en ce samedi matin, de rouvrir. « Nous nous sommes habitués au manque d’électricité, au manque d’eau, au multiples factures d’eau, d’électricité etc… Puis il y au la crise des déchets, en 2015. Et il y a dix jours, ces incendies qui ont ravagés le Liban, et pendant lesquels les hélicoptères canadair sont restés cloués au sol. et enfin, le 17 octobre, cette taxe whatsapp, qu’on a encore voulu nous coller dessus. Nos dirigeants n’ont plus aucune limite. Alors nous n’avions plus d’alternative, il fallait que nous descendions dans la rue », ajoutait-il, interrogé par la journaliste de L’Orient Le Jour sur place, Suzanne Baaklini.

 

Meuh le graffeur. Pierre de Rouge

 

Dans sa dernière livraison, Orient XXI interroge le chercheur Joseph Bahout qui travaille sur le développements politiques au Liban et en Syrie pour essayer d’y voir plus clair sur l’espoir suscité par ce mouvement citoyen.

« Quant à savoir ce qu’il faut faire, c’est un débat politique, comme dans tous les pays du monde. Est-ce qu’on applique une politique plutôt centralisatrice et socialisante ? Est-ce qu’on va vers plus de libéralisme ? Est-ce qu’on applique le paquet de la conférence CEDRE tel qu’il est : un train de mesures réformatrices aussi, mais qui peuvent faire mal à certaines couches populaires ? Ce sont des choix que les politiques doivent faire, comme dans n’importe quel pays du monde. Parce que l’autre agenda d’un gouvernement de sortie de crise sera d’assainir la vie politique, en préparant tout d’abord à des élections législatives selon une loi acceptable par tous — pas seulement par les membres du club politique fermé —, et à même d’ouvrir réellement la participation aux élites alternatives issues de la contestation, et qui sont exclues savamment par l’ingénierie électorale entièrement maîtrisée par ce même système. »

Oui, on est dans une impasse. Le gouvernement semble vouloir se maintenir. Sauf si des tiraillements internes l’en empêchent, entre Saad Hariri et Walid Joumblatt, Hariri et les aounistes, Hariri et le Hezbollah, etc. Sinon le gouvernement va rester affaibli, criblé de problèmes, paralysé, prenant des mesures qui au fond ne convainquent personne et qui finalement ne veulent rien dire. Baisser les salaires des ministres, c’est un geste populiste qui ne prête pas à conséquence. Il est destiné à faire taire les pauvres gens qui ne comprennent pas les mécanismes économiques. Les ministres ne vivent pas de leurs salaires ministériels, mais de l’affairisme qui les enrichit par ailleurs.

Quelles perspectives ? Le gouvernement peut continuer sur sa lancée. Une partie de la population peut être tentée de rester dans la rue, une autre se lasser et rentrer chez elle. Le gouvernement mise probablement sur l’épuisement du mouvement. D’autres peut-être sur la violence, pour effrayer les manifestants. Le problème sera renvoyé à plus tard ; on n’aura pas avancé. C’est un premier scénario. Le deuxième scénario est que le mouvement reste solide pour une raison inconnue et avec une certaine cohésion, se maintienne dans la rue. Dans quelques jours certaines forces, par exemple les joumblattistes constateraient alors qu’en réalité les réformes annoncées n’ont pas vraiment de sens, et ils se retireraient du gouvernement. À ce moment Saad Hariri démissionnerait. Peut-être qu’alors un gouvernement dit « de salut public » serait envisageable, mais c’est le scénario rose.

Une autre version de ce scénario serait que le Mouvement du 8 mars1 prenne totalement les rênes du pays, forme un gouvernement à lui seul, entre le Hezbollah, Michel Aoun et alliés. Le Liban entrerait dans une sorte de confrontation avec la communauté internationale et la crise s’envenimerait, parce que l’économie serait davantage bloquée.

Voilà les perspectives qui se dessinent. Pour l’instant le scénario le plus probable est le premier, c’est-à-dire le pourrissement et le report de la crise à plus tard.

 

 

Sources : L’Orient Le jour « Aujourd’hui, nous reprenons espoir ! » 26/11/2019. Orient XXI : Liban. « La rue n’a pas son propre plan économique » 22/11/2019

 

Avatar photo
Vues et Revues : Compte de la rédaction altermidi dédié à la revue de presse, la curation de contenu, la vérification et/ou le montage d'informations issues de différents médias ou communications susceptibles d'être republiées ou citées. Outil de veille.