Genève, le 18 octobre 2019 – La 5ème session de négociations du groupe de travail intergouvernemental de l’ONU chargé d’élaborer un traité contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement vient de s’achever. Si les interventions, notamment côté européen, ont été cette année plus constructives, il est temps pour tous les États de se montrer plus ambitieux et de renforcer le texte.
De la rupture du barrage à Brumadinho au Brésil à l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, l’année 2019 a été une fois de plus marquée par les impacts sociaux et environnementaux néfastes de l’activité des multinationales. La Coalition française pour un traité ONU (1) appelle donc les États à jouer pleinement leur rôle. L’Union européenne doit sortir de son attentisme et arrêter de se cacher derrière l’absence d’une position commune. Alors qu’elle a toujours été moteur du processus, la société civile a vu la continuité de sa participation dangereusement remise en cause par la Chine, le Brésil et la Russie le dernier jour des négociations.
Cette semaine, les États ont poursuivi les négociations sur le contenu détaillé du traité. L’Union européenne (UE), qui avait multiplié les stratégies d’obstruction ces dernières années, ne conteste plus la légitimité du processus. Elle a toutefois utilisé l’absence de mandat de négociation comme prétexte pour rester muette sur le fond. Or il y a urgence, comme l’expriment les 660 000 signataires européens de la pétition “Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales” (2). La France, l’Espagne et la Belgique ont rompu avec l’immobilisme de l’UE en prenant la parole à quelques reprises pendant les discussions article par article. Les interventions des États en faveur du Traité sont d’autant plus importantes que nombre de pays demeurent des opposants fermes.
Quoi qu’il en soit la version actuelle du traité reste très insuffisante face aux enjeux : réguler les multinationales, prévenir les violations tout au long de leur chaîne de valeur et garantir l’accès à la justice des personnes affectées. Des amendements de fond doivent être poussés et il est essentiel que les États se saisissent en ce sens des recommandations de la société civile et s’appuient sur leur expertise et la voix des communautés affectées (3).
Ainsi, pour Juliette Renaud des Amis de la Terre France, « Ce projet de traité se centre sur les seules obligations des États, et nous dépendrons donc de leur volonté politique et de leur capacité pour le mettre en œuvre au travers de lois nationales. Nous demandons au contraire que le traité impose des obligations directes pour les multinationales, pour que les juges puissent s’en saisir dès sa ratification ».
« Pour que les personnes et communautés affectées obtiennent réparation, celles-ci doivent pouvoir accéder à la justice également dans les pays d’origine des multinationales. Le traité doit aussi contenir des mécanismes de recours au niveau international, par exemple au travers d’une Cour internationale à même de juger les multinationales », ajoute Chloé Stevenson d’ActionAid France.
Pour Swann Bommier, du CCFD-Terre Solidaire, « Il est indispensable que ce traité consacre la primauté des droits humains et de l’environnement sur les droits accordés aux investisseurs et aux multinationales dans les traités de commerce et d’investissement. Il est temps que soient abolis les tribunaux d’arbitrage ».
« En tant que syndicalistes, nous constatons que les pays qui cherchent à affaiblir le traité sont ceux qui répriment les manifestations dans la violence et emprisonnent les opposant-es. La Chine, la Russie et le Brésil se sont particulièrement illustrés sur ces points. » déclare Stéphane Enjalran pour Solidaires.
La Coalition française pour le traité ONU appelle la France à renforcer son engagement, et à agir pour que les États européens prennent leurs responsabilités, individuellement et collectivement, en prenant une part active dans les négociations qui vont se poursuivre en 2020.
NOTES :
(1) La coalition française sur le traité ONU est composée de ActionAid France, AITEC, Amis de la Terre France, ATTAC France, CCFD-Terre Solidaire, CGT, Collectif Éthique sur l’étiquette, France Amérique Latine, Ligue des Droits de l’Homme, Sherpa, Union syndicale Solidaires
(2) Cette campagne est portée pas plus de 200 organisations, syndicats et mouvement sociaux en Europe. La pétition est disponible sur le site stop-impunité.fr
(3) La Coalition française a réalisé plusieurs interventions en plénière en ce sens, disponibles sur demande.
Voir aussi : Reprendre le pouvoir confisqué par les multinationales