Depuis le début de l’année 2018, la société EDEIS gère l’aérodrome d’Aix les Milles, ( l’ État restant propriétaire des lieux ).

L’association citoyenne « Collectif Danger Aix Avenir » ( CD2A ) lutte contre sa privatisation et fait le point sur la gestion du bassin aéroportuaire, menacé de pollutions sonores et environnementales. Dressant un bilan précis, les membres intensifient le combat pour faire appliquer les programmes publics selon les trois contraintes – cohérence économique, équité sociale et respect de l’environnement – de la Charte de l’Environnement de 2005 ( Loi constitutionnelle ).


Alors que la 2ème réunion sur les  travaux de la charte de l’environnement s’est tenue le 2 juillet à la sous-préfecture d’Aix en Provence, les membres de CD2A plantent le décor : « Nous rencontrons d’importantes difficultés pour faire passer nos demandes et idées d’un développement durable de l’aérodrome. Nous avions proposé de compléter  la charte, document sans valeur juridique contraignant par un arrêté de restriction afin d’obtenir un minimum de garantie sur les questions fondamentales (nombre de mouvements, interdiction des vols de nuit, respect des trajectoires, régulation des activités bruyantes et polluantes…). Le Sous-Préfet a refusé catégoriquement, il reste particulièrement fermé sur les questions environnementales, très à l’écoute de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) et d’EDEIS (société d’ingénierie et d’infraction des structures) sur les questions essentiellement économiques ».


Si la première charte 2007/2010 a entraîné peu d’avancées, les membres de CD2A constatent en outre que la grande majorité de ses actions n’ont toujours pas été réalisées. Ils expliquent :

Il a fallu attendre 8 ans pour actualiser cette charte, on peut comprendre nos doutes et réticences sur l’utilité d’un tel document. Quelques points majeurs en attente de solutions comme la réduction des nuisances hélicoptères (plafonnement des mouvements, plage horaire pour les essais, régulation les week-end et Jours fériés), la réduction des nuisances aviations d’affaires (trajectoire), celle du bruit (référentiel Calipso, la modulation tarifaire des taxes en fonction du bruit, étude bruit) et d’autres points comme la mesure Air, la trajectographie, le suivi des plaintes, la certification environnementale et l’état des lieux, la biodiversité

Balisage de nuit

Idem, il semblerait que le concessionnaire projette l’installation d’un balisage de nuit dans le but, selon CD2A, « d’étendre l’amplitude horaire d’ouverture sur les périodes nocturnes ». Et de commenter : « Cette demande n’est pas conforme au plan d’investissement intégré dans le contrat de concession. Il n’est pas conforme non plus aux engagements donnés par les autorités : Ministère des transports, DGAC … Nous insistons auprès de la DGAC et du ministère pour qu’ils ne donnent pas suite à cette demande. L’offre EDEIS a sans doute été retenue car son projet était sans doute meilleur que les autres soumissionnaires, mais quelle est la valeur juridique d’un contrat de concession s’il n’est pas respecté ? »

Zone dédiée à l’atterrissage des hélicoptères (FATO)

Sachant que le délégataire a également demandé l’autorisation à la DGAC de créer une 3ème piste d’atterrissage dédiée aux Hélicoptères, les citoyens informent : « Cet investissement n’est pas non plus conforme au plan d’investissement du contrat de concession et nous n’avons aucune information quant aux conséquences environnementales. Nous demandons donc le respect du plan d’investissement contractuel et avant toute action, une évaluation préalable des conséquences environnementales ».

Zone d’essai moteur avec merlon antibruit

A contrario, selon CD2A : « Le plan d’investissement contractuel intégrait en 2018, la réalisation d’un merlon antibruit autour de la zone d’essai moteur. Ce dispositif serait d’une grande utilité pour réduire les nuisances sonores causées par les multiples essais au sol. Nous insistons afin que soit respecté en priorité le contrat de concession et la réalisation de ce dispositif ».

Nomination des membres de la commission consultative de l’environnement

L’arrêté préfectoral du 13 septembre 2019 a nommé les membres des 3 collèges (Riverains, Usagers de l’aérodrome, Elus de la métropole, du département, de la région) qui siègeront à la CCE (Commission consultative de l’Environnement) durant les 3 prochaines années. Cet arrêté serait une illustration des méthodes de nature à bafouer la démocratie participative. Les membres de CD2A dénoncent : « Nous avions dénoncé de longue date, l’intégration dans le collège des riverains d’une association d’entreprises (PAAP) et d’un groupement d’employeurs (GEPA) qui ne représentent pas des riverains affectés par les nuisances sonores et dont les préoccupations sont essentiellement économiques sans rapport aucun avec l’environnement. Ces deux associations sont reconduites malgré nos réclamations. Une association environnementale, siégeant dans le conseil des riverains, absente en commission, durant les trois dernières années est également reconduite. Par contre, 1000DB, pure association de riverains qui défend assidûment les intérêts des riverains depuis vingt ans est exclue aux motifs dilatoires de son absence de participation aux travaux de la charte et de son opposition systématique à la signature d’un document non opposable ».

Si CD2A a été, elle, naturellement reconduite en tant qu’association dans sa mission c’est, présument ses membres, à l’issue de recours juridiques en instance. Quant au CIQ la Duranne, il a nouvellement intégré la CCE. Et les militants d’interroger : « Pourquoi toutes ces manœuvres ? Pour bricoler la parité des collèges ? L’objectif visé ne serait-il pas d’obtenir par tous les moyens une signature majoritaire de la charte de l’environnement pour le collège des riverains ?  Alors que ce document ne garantit aucune amélioration et permettra au contraire de cautionner le développement des activités aéronautiques… Nous apportons tout notre soutien à 1000DB et nous réfléchissons à l’éventualité d’un recours suspensif et à une demande d’annulation sur le fond de l’arrêté préfectoral auprès du tribunal administratif ».

Résultat d’exploitation 2018  de l’aérodrome et la question des subventions

CD2A a dénoncé à plusieurs reprises le modèle économique d’EDEIS(*) qui « ne peut être rentable que grâce à l’apport l’argent public par le biais de subventions ». L’étude réalisée par l’association active confirme cet état de fait car se basant sur les résultats obtenus sur 13 aérodromes (2016/2017). Selon les membres de CD2A : « Le bénéfice généré grâce aux subventions est redistribué sans aucune moralité à l’actionnaire privé. Pour Aix-les-Milles, la DGAC, EDEIS et autres nous avait assurés que le délégataire assumerait à ses risques et périls sans aucune subvention, la gestion de l’aérodrome. Pures allégations, les comptes de la Société Edeis aeroport Aix font apparaître au compte de résultat de l’exercice 2018 une « subvention d’exploitation » de 104 129 euros, ce qui permettait au délégataire de reverser des dividendes a l’actionnaire privé. Il n’y a pas d’intérêt social, économique et environnemental à financer l’aérodrome et l’aviation d’affaire polluante ».

Quelles sont les raisons du subventionnement?  Quelles sont les modalités d’application, montant, durée, conditions ? Pourquoi ne figure-t-il aucune référence aux subventionnements dans le contrat de concession? Est-ce que les autres soumissionnaires avaient connaissance du subventionnement? Autant de questions que soumettent les membres de ce collectif citoyen efficient, compte d’exploitation* 2018 à l’appui.  Et de commenter : « Mais le merlon anti-bruit (145 000€) prévu dans le plan d’investissement n’a pas été réalisé ».

Est-ce que la Délégation de Service Public est une bonne affaire pour l’état et le contribuable ?

Effectuant une simulation(**) rapide des redevances domaniales versées à l’état en 2018, sur la base du contrat de concession aboutit au résultat et de l’indice de construction d’origine, CD2A qui ne comprend pas en quoi le résultat ( – 76 860 €) est satisfaisant pour l’état, ajoute : « La concession perçoit des subventions dont le montant est largement supérieur aux redevances versées à l’état. De plus, le contrôle de la circulation aérienne sur l’aérodrome reste à la charge de l’état. Le résultat est donc passablement négatif pour l’état et le contribuable est, en somme, une bonne affaire pour EDEIS et une mauvaise affaire pour l’état et le contribuable ».

La campagne de signalements 2019

Aujourd’hui, 25 sentinelles ont déposé 340 signalements durant les mois d’avril, mai, juin, concernant les quartiers (Lieutenant Parayre, Badesse, L’enfant, Loqui, Saint-Joseph, Bouc-bel-Air, la Couronnade, Monclar, Meyreuil). Cet échantillon important, complémentaire à ceux des deux dernières années, permet de définir des nuisances types par quartier. CD2 A commente : « Nous avons sollicité M. Godeaux d’EDEIS afin de rechercher des axes d’amélioration, celui-ci à rejeté notre demande de rendez-vous sous prétexte qu’EDEIS est en cours de réorganisation. Nous allons réitérer notre demande et utiliser cette campagne afin de sensibiliser nos élus et autorités de la nécessité de prendre des mesures concrètes de recherche de solutions d’amélioration. Pour rappel, déjà en 2018, le sous-préfet avait demandé à EDEIS de traiter en priorité ces signalements. Cela n’a pas été fait ! »

Biodiversité

En Mars 2019, les membres de CD2A avaient signalé l’effarouchement sonore causé par EDEIS d’une espèce protégée, les outardes canepetières. Fin juin 2019,  a eu lieu l’essai d’un gros hélicoptère situé au-dessus de la zone outarde (4/5 mètres) durant 35 minutes. L’association citoyenne a également alerté la LPO, Le CEN Paca et déposé une main courante au commissariat d’Aix en Provence, recevant une réponse d’EDEIS qu’elle estime inacceptable : « L’essai a eu lieu à cet endroit pour des questions de sécurité (sans aucune précision) et parce-que la zone initialement prévue était occupée ».

Actions juridiques

Le recours juridique déposé par CD2A devant le tribunal administratif de Marseille, en annulation de la DSP (délégation de service public) suit son cours. Les membres de l’association précisent :  » Nous avons reçu le mémoire en défense d’EDEIS avec de nombreuses informations contradictoires et notre avocat a répliqué. Nous attendons maintenant le mémoire en défense de la DGAC « .

Trajectoire Ouest-est des lignes régulières en provenance de Marseille-Provence

Cet été, de nombreux riverains des quartiers : Calas/Le Réaltor, Les Milles, Montaiguet, La Parade se sont plaints des nuisances sonores générées par les avions de ligne en provenance de Marseille-Provence en direction Ouest-Est. Pour CD2A : « La question est de savoir s’il y a eu ces 2 ou 3 dernières années des modifications de trajectoire qui occasionneraient ces nuisances. Nous allons questionner la DGAC ».

Fouga-magister de retour

Enfin, durant le week-end des 5 et 6 octobre, le Fouga-Magister (avion à réaction subsonique) était de retour pour la 4ème année consécutive et ce, évoque CD2A « malgré les engagements discutés longuement pour rechercher des solutions ». Et de rappeler : « Le tarif promotionnel d’un vol de 30 minutes est de  2150 € et une vingtaine de personnes vont pouvoir polluer à souhait pendant les Week-end d’octobre : 1000 L de Kérosène à l’heure. On est bien loin des préoccupations de  l’urgence climatique ! »

Avant d’interpeller les consciences :  « A un moment, ou au niveau national, on multiplie les débats afin de consulter les citoyens, on évoque le réchauffement climatique, l’urgence climatique. Il est donc curieux que les commissions environnementales locales soient si peu démocratiques et soient l’objet de manœuvres pour étouffer la démocratie participative. Nous sommes étonnés de la position des autorités locales qui devraient naturellement amener tous les acteurs -et notamment aériens- à prendre des mesures concrètes diminuant les pollutions ».

 

Propos recueillis par H.B.

 


Notes:

(*) Compte d’exploitation 2018 : CA : 568 481 € , bénéfice : 81 619 € , dividendes distribuées : 41 619 € (+ 40 000 € en réserve légale), subventions d’exploitation : 104 129 €, résultat d’Exploitation – Subvention : 12 062 €).

(**) Redevance domaniale fixe 6€ l’Hectare x 110 ha = 660 €, Redevance domaniale variable sur CA  = 26 609 €, Total redevance versée à l’état = 27 269 €, Subventions reçues de l’état = 104 129 €, Redevances – Subventions = – 76 860 € ».

Collectif Danger Aix Avenir, 140 Avenue E. Brondino. 13290 Les Milles cd2a.aix@gmail.com  http://danger.aerodrome.aix.monsite-orange.fr


 

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».