A l’occasion des élections des représentants des locataires dans les conseils d’administration des bailleurs HLM, Eddie Jacquemart , le président de la CNL dénonce le « rapt financier » du gouvernement.
Un moment fort pour la CNL (Confédération nationale du logement) dont les militants, comme le rappelle Eddie Jacquemart, le président national, venu rappeler les grands enjeux aux militants vauclusiens et à la presse – « sont toute l’année dans les cages d’escalier ». Une rencontre à la rocade à Avignon en début d’après midi et une à Carpentras en fin, pour mobiliser les troupes et réaffirmer une défense des locataires basée sur le droit au logement pour tous.
Pour le président national de la CNL, en visite dans le Vaucluse, les élections qui se déroulent du 26 octobre au 29 novembre, sont « l’occasion de se réapproprier le vote, de réapprendre à voter », allusion au fort taux d’abstention des dernières élections politiques, Pourtant, comme il le rappellera, la participation pour élire les représentants des locataires est de 20% d’électeurs mobilisés en moyenne sur toute la France. En Vaucluse c’est un peu moins, et cela dépend des bailleurs.
En cause ? Le peu de communication autour de ces élections de la part de l’État, « le budget de ces élections qui concernent 11 millions de locataires, n’est que de 200 000 euros, soit un peu moins de 20 centimes par locataire, Et cette année il serait divisé par deux. » Pour pallier à ces insuffisances, les associations font des campagnes de proximité, avec leurs propres moyens.
Concernant le gouvernement, Eddie Jacquemart rappelle que « La CNL n’a cessé de se battre contre les projets du gouvernement en matière de logement. Nous avons appris à l’été 2017 par une annonce que les loyers et les APL allaient baisser dans le parc social. Pour nous c’est un rapt financier. C’est faire supporter aux locataires des HLM la solidarité nationale… C’est la loi de finances 2017 qui a prévu ce rapt de 2 milliards d’euros. Cela assèche les budgets des organismes HLM. Même étalé sur trois ans, ce détournement montre que les 20 millions d’euros de loyers gérés par le secteur administré doivent être selon M Macron, dans le circuit commercial. »
- La CNL Vaucluse motivée pour défendre les droits des locataires
Elan, une loi de reculs
L’offensive selon le président de la CNL, se fait en trois actes : « assèchement du budget des bailleurs, puis loi Elan qui structure ces mauvaises nouvelles, et enfin désengagement financier massif de l’État par la mise en cause des aides à la pierre. »
Concernant la loi Elan, la CNL mène la bataille. Nous sommes allés à la rencontre des habitants pour leur demander ce qu’ils veulent pour le logement demain, afin de proposer une alternative. Cela ne va évidemment pas dans le même sens que la loi du gouvernement. Celle ci est nettement une financiarisation du logement social, et les bailleurs devront se débrouiller pour se financer, avec une possibilité plus importante de vente de logements, 40 000 par an. Nous sommes opposés à ces ventes, alors que deux millions de personnes sont en attente de logement. Les HLM sont notre patrimoine commun depuis 1912. c’est un bien commun financé par les loyers. Nous avons déjà des exemples de locataires qui ont acheté et se retrouvent surendettés, et parfois avec un appartement devenu invendable ! » Pour la CNL il s’agit là ni plus ni moins qu’une privatisation déguisée des HLM.
Enfin, l’injonction faite aux petits bailleurs (moins de 12 000 logements) de fusionner – voire d’être absorbés – avec des plus importants (comme c’est le cas pour les deux bailleurs publics en Vaucluse) inquiète aussi la CNL, « c’est moins de proximité avec les locataires, et bien sur moins de représentants dans les conseils d’administration. Il y a la possibilité de créer des outils commun, comme des sociétés anonymes de coopération (SAC). Là, il nous reste à gagner une représentation des locataires dans ces SAC qui permettent la mise en commun des moyens techniques et financiers entre petits bailleurs. »
Précarité des baux
Autre raison d’inquiétude, une précarisation du bail locatif. « On passe du CDI au CDD, Tous les trois ans, la situation du locataire sera examinée, avec nouveau passage en commission d’attribution. On regardera si la situation est adaptée au HLM, revenu, taille de l’appartement… avec risque d’application d’un surloyer et après plusieurs années avec un surloyer, l’invitation à quitter l’appartement. Et puis il y a le bail mobilité pour le privé, Ce sont les agences immobilières qui vont être contentes, avec un bail à l’essai pour dix mois. Ce bail exclut tout recours à la commission de conciliation. De fait cette loi remet en question le seul amortisseur de la crise du logement. Rappelons que nous avons encore 10 millions de mal logés dans le pays . On organise ainsi un monopoly du logement avec des HLM pas cher pour les pauvres et les autres dans le privé. Ceux qui peuvent s’endettent pour 30 ans. Nous sommes entrés en résistance, et lors de la conférence de consensus, tous les acteurs du logement social ont pu dire au ministre qu’il était le liquidateur du logement social, en faisant aujourd’hui ce que Thatcher a fait dans les années 80. »
Pour des logements dignes
A Carpentras, la question du logement indigne, des logements indécents ou insalubres est venue dans la discussion, Si la CNL se réjouit que la loi Elan donne des moyens d’agir aux maires, chacun pouvait témoigner ici que peu de choses étaient faites contre les marchands de sommeil, Pour aider les militants, la CNL est en train d’éditer une brochure informative. L’idée, connaître ce que sont logements indécents, insalubres voire indignes, afin de réagir et faire connaître les situations, et les cas échéant les dénoncer,
Christophe Coffinier
Qui habite dans les logements sociaux ?
Le parc social comprend 4,5 millions de logements, soit 16 % de l’ensemble du parc de logements occupés. Les logements sociaux sont relativement plus présents dans les grandes unités urbaines de plus de 200 000 habitants, qui concentrent 57 % du parc social.
Le taux de pauvreté est plus élevé chez les locataires du parc social que pour les autres catégories d’occupants : il atteint 35 %, contre 23 % pour les locataires du secteur libre et 7 % chez les propriétaires occupants. Les locataires HLM ont un niveau de vie inférieur au reste de la population ; Les familles monoparentales sont très présentes dans les logements sociaux ; un tiers des ménages dont la personne de référence est née à l’étranger habite dans le parc social, + lien
Démolition de logement sociaux à Avignon
Avec Michel Mus, président de la CNL 84, c’est le point sur l’application au niveau local. « A la Rocade, dans le cadre du renouvellement urbain, des logements vont être détruits, sans que les locataires puissent se prononcer. Les conseils citoyens n’ont eu que la présentation de projets. » Sur l’ensemble des quartiers concernés ce seraient 600 démolitions de prévues, « On prévoit de reconstruire, mais pas forcément du HLM alors que les besoins restent criants. Et ce serait au nom de la mixité sociale… »
Eddie Jacquemart invite la CNL départementale à capitaliser surs combats lors de ces élections, qui verront élire moins de représentants du fait de la fusion de Grand Avignon résidences et de Mistral habitat. Michel Mus rappelle que la CNL s’est battue à Avignon « pour le maintien de la poste à St Jean et nous avons gagné. A Catelas, nous nous sommes battus pour que la rénovation ne pèse pas trop sur les loyers après le rachat par Grand delta Habitat. Il n’y aura pas d’augmentation de loyers. A la bussière nous avons obtenu 40 euros d’augmentation au lieu des 70 prévus. A l’oseraie, la rénovation prévoyait 20 euros de plus à vie sur les loyers, nous avons fait baisser à 15. A Carpentras nous nous sommes mobilisés contre les expulsions locatives avec le soutien des organisations politiques de gauche. Car nous devons rappeler que le logement est un combat politique. »
Pour gagner les élections, la CNL propose ni plus ni moins qu’une sécurité sociale du logement. Une hausse des plafonds de revenu pour une mixité sociale, Aujourd’hui avec 1200 euros, le plafond exclut par exemple une infirmière en début de carrière. Comme le signalera une locataire de la Rocade « on a des quartiers entiers ou personne ne travaille, et tous vivent avec les minima sociaux ». partant du principe que développer le logement social permettrait aussi de développer l’économie, la CNL propose une caisse de solidarité, abondée par les cautions placées sur des livrets rémunérateurs, afin de garantir le maintien des locataires dans le logement.
Octobre 2018. Source La Marseillaise en Commun