Festival Voix Vives à Sète : la poésie contre le silence au temps du Covid
Voix Vives, le festival annuel de poésie sétois commence demain, samedi 18 juillet. Malgré les restrictions imposées par la crise sanitaire liée au covid, l'événement culturel s'évertue à maintenir son identité.
Lydie ouvre sa chambre #7 – La Grande Sortie.
Dans ma chambre, le dernier jour du Grand Confinement, un escargot est apparu sur la vitre du battant gauche de la fenêtre. Vers cinq heures, quand nous sommes sortis juste après la pluie dans le paysage détrempé, tu m’as dit, le ciel est devenu fou.
Lydie ouvre sa chambre #6 – Tripalium.
C'est la fête du « tripalium », cet instrument de torture moyenâgeux à trois pals auquel nous sommes si attachés. Ce « tripalium », qui est la mesure de notre vie, qui nous fait tant souffrir alors qu’il pourrait nous transformer en creators, faire en sorte que notre liberté ne soit pas une liberté vide.
Lydie ouvre sa chambre #5 – Mur du temps.
Plus tard il faudrait expliquer qu’on ne nous avait pas enfermés pour mourir, mais pour vivre. Seulement voilà, au début on avait laissé planer...
Lydie ouvre sa chambre #4 – Une porte à soi
Dans un silence assourdissant, une formation en V de seize oiseaux s’avance d’est en ouest dans le ciel gris plombé avant de se dissoudre, les oiseaux se laissent glisser dans l’air, volupté, ils ne volent pas, ils dansent. On dirait de petites mouettes, mais des mouettes qui se taisent, je n’ai jamais vu ça, sauf dans les grandes marées, assez violentes pour étouffer leurs cris.
Lydie ouvre sa chambre #3.5 – Désir et besoin
Et je me dis : Leurs ventres avaient-ils besoin d’être si pleins pour créer tant de vide ? La peur de manquer s’est ajoutée aux peurs que nous avions déjà. Elle s’est ajoutée aux peurs légitimes, aux peurs pour notre survie. Elle a été créée de toutes pièces par le Grand Confinement.
Lydie ouvre sa chambre #3 – Joie d’animal
Dans ma chambre, pour la première fois depuis Le Grand Confinement, un oiseau est tombé du toit ce matin, j’ai regardé en bas, rien, la mésange a rejoint l’arbre de Judée couvert de fleurs roses depuis deux jours, elle convole avec une autre mésange, sans doute un couple qui niche dans la toiture. Hier tu m’as dit, as-tu remarqué que l’arbre de Judée vient de fleurir ? Je n’avais rien vu.
Lydie Parisse ouvre sa chambre #2 – Le lointain proche
Lydie Parisse confinée signe un second texte de sa chambre. Comme une bouffée d'air circulant de l'intérieur vers l'extérieur ou dans l'autre sens. Les mots de l'écrivaine nous hissent à la hauteur où l'on peut voir et sentir quelque chose de ce monde.
Lydie Parisse ouvre sa chambre #1 – Le Grand Confinement
Dans ma chambre, pour la première fois, depuis Le Grand Confinement, je me dis que nous voici tous mis à la retraite en pleine crise contre la réforme des retraites, nous voici astreints à un rythme de retraités, à un horaire sans horaires. Retraités, en attente d’être couronnés. Mais contrairement à la peste, contrairement à Tchernobyl, à Fukushima, on nous dit qu’on peut échapper à ce virus en forme de couronne (...) Dans ma chambre, ma solitude est peuplée des voix des vivants et des morts.
L’écrivain Annie Ernaux adresse une lettre ouverte au président
Annie Ernaux est écrivain. Son oeuvre oscille entre l'autobiographie et la sociologie, l'intime et le collectif. Elle écrit au président de la République, et dénonce une politique qui a conduit le pays dans une situation d'extrême urgence sanitaire. Dans cette lettre adressée à Emmanuel Macron, elle interroge aussi la rhétorique martiale du Président. Un repère à ne pas perdre de vue.