vendredi 22 novembre 2024
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Une proposition de directive imposant une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes

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Dessin Lardon

Coup de tonnerre, dans l’arène bruxelloise : la Commission publie une proposition de directive imposant une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques.


 

Face aux procédures judiciaires et aux interrogations des États membres, la Commission européenne s’est saisi de la question du statut des travailleurs exerçants sur les plateformes numériques. Un projet de directive est présenté jeudi 9 décembre 2021 qui établit une présomption de salariat. Uber, Deliveroo, Bolt et toutes les autres entreprises dont le modèle économique repose sur des indépendants semblent visés par cette réglementation.

Plusieurs défis concernent le statut des personnes exerçant via ces plateformes, dont le manque de transparence et de prévisibilité des dispositions contractuelles ainsi que les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, de même que l’accès inadéquat à la protection sociale.

Lorsque la plateforme exercera un certain niveau de contrôle sur les personnes effectuant un travail par son intermédiaire, elle sera présumée être un employeur. La Commission ajoute que cela doit s’appuyer sur les faits (influence de l’algorithme, rémunération, horaires de travail, etc.) et non pas sur la façon dont la plateforme définie la relation avec le travailleur dans son contrat.

Les critères sont : déterminer le niveau de rémunération ou fixer des plafonds ; superviser l’exécution du travail par des moyens électroniques ; restreindre la liberté de choisir ses horaires de travail ou ses périodes d’absence, accepter ou de refuser des tâches ou de faire appel à des sous-traitants ou des remplaçants ; fixer des règles contraignantes spécifiques en ce qui concerne l’apparence, la conduite envers le destinataire du service ou l’exécution du travail ; restreindre la possibilité de se constituer une clientèle ou d’effectuer des travaux pour un tiers.

Cette présomption de salariat est réfragable, ce qui signifie qu’elle peut être contestée. Mais désormais, c’est la plateforme qui aura la charge de la preuve. Ce texte étant une directive, s’il est adopté, les États membres devront le retranscrire dans leur droit national. Les directives laissent une marge d’interprétation aux législateurs nationaux, mais la Commission demande ici que cette présomption de salariat s’applique dans toutes les procédures administratives et judiciaires.

La directive vise également à conférer des droits aux personnes dont le travail dépend d’algorithmes de gestion. Ces algorithmes sont définis comme des systèmes automatisés de surveillance et de prise de décisions basées sur les technologies de l’information (attribution des tâches, évaluation du travail, octroi d’incitations, sanctions, etc.). La directive souhaite que les travailleurs puissent comprendre la façon dont les tâches sont attribuées et comment ils sont évalués (ou bannis) de la plateforme.

Une obligation d’information sur ces algorithmes, sur la façon dont les décisions sont prises et dont cela affecte les conditions de travail est donc fixée (comment les travailleurs sont suivis et évalués, comment l’évaluation de la clientèle est prise en compte, etc.).

Cette directive s’applique à l’ensemble des plateformes numériques définies comme des entreprises basées sur Internet qui se positionnent comme des intermédiaires entre des travailleurs et des clients, et qui organisent le travail des premiers. Ces plateformes ont un modèle commercial qui repose sur des algorithmes. Les revenus de l’économie de plateforme dans l’UE sont estimés à 20 milliards d’euros.Plus de 28 millions de personnes dans l’UE travaillent via des plateformes numériques. D’ici 2025, leur nombre devrait atteindre 43 millions. Environ 55 % de ces personnes gagnent moins que le salaire minimum en vigueur dans les pays où ils travaillent. Et 5,5 millions des individus exerçant sur ces plateformes pourraient être actuellement mal classifiés (être des indépendants plutôt que des salariés).

Reste à ce que le texte soit adopté par le Parlement européen puis retranscris dans le droit national de chaque État membre. Une affaire à suivre…