Coalition ou élections : les risques de l’investiture en Espagne


Les prétentions de Pedro Sánchez de gouverner seul paralysent les négociations avec Podemos


En avril dernier, la nuit électorale au siège du PSOE fut une fête. En nette progression (123 sièges) même s’ils étaient loin d’obtenir la majorité absolue aux Congrès des députés, les socialistes venaient d’infliger un revers ravageur au conservateurs du Parti populaire (PP) en pleine dégringolade. Avec 66 sièges, deux fois moins que les socialistes, le PP sombrait à son plus bas score historique. Une victoire claire pour le PSOE mais loin des 176 sièges sur les 350 que compte le congrès pour disposer de la majorité.

S’ouvrait la délicate période des alliances pour assurer un gouvernement pour les quatres prochaines années. Des sympathisants anonymes criaient : “Avec Rivera [leader du parti libéral Ciudadanos], non”, poussant Pedro Sánchez à choisir l’issue d’un pacte avec la gauche radicale de Unidos Podemos. Or, les deux partis avaient des plans radicalement différents : le PSOE veut un pacte d’investiture et un gouvernement monocouleur, tandis que Pablo Iglesias considère qu’un gouvernement de coalition implique des ministères pour son parti, et il ne renoncera pas à cette option. À ce jour, les négociations sont bloquées et la menace de nouvelles élections en novembre semble de plus en plus probable.

Comment en est-on est arrivés là ? D’un point de vue idéologique, les programmes politiques des deux partis de gauche ont beaucoup en commun. Par ailleurs, le PSOE et Podemos ont montré leurs capacités à trouver des convergences sans beaucoup de problèmes. L’année dernière, ils ont réussi à se mettre d’accord pour élaborer un budget commun et ont voté ensemble presque toutes les mesures du gouvernement minoritaire de Sánchez. Lors de la dernière législature, leur seul point de friction a porté sur la politique du logement, un sujet clé pour Podemos qui a demandé aux socialistes un contrôle public du prix des loyers sans jamais pouvoir l’obtenir.

Sanchez joue la montre

Mais, après les moments initiaux d’optimisme, tout s’est effondré. Podemos a obtenu un mauvais résultat aux élections des communautés autonomes et aux municipales, ce qui a limité son pouvoir de négociation. Le PSOE, réticent depuis le début à une coalition gouvernementale, a décidé de fermer la porte à la possibilité d’accueillir des ministres de Podemos. Les représentants du parti de gauche radicale ont commencé à accuser les socialistes de vouloir s’allier avec les libéraux et de se soumettre ainsi au pouvoir économique et aux grandes entreprises. Sánchez a décidé de jouer la montre — une stratégie qui a beaucoup rappelé le style de l’ancien premier ministre conservateur, Mariano Rajoy — en misant sur les pressions médiatiques, économiques et sociales pour que les autres partis se rapprochent de lui.

La date de la session d’investiture a été fixé pour le 23 juillet, mais les négociations pour fonder un gouvernement sont toujours à la case départ. Pedro Sánchez va participer à ce débat sans avoir encore obtenu le soutien nécessaire pour être réélu et aura encore quelques jours avant la plénière pour tenter de l’obtenir. Le leader du PSOE a besoin de la majorité absolue lors du premier vote et d’une majorité simple lors du second, le 25 juillet, 48 heures après le premier. S’il n’est pas investi, le candidat disposera d’une période de deux mois pour obtenir les suffrages manquants ou dissoudra les Parlement et de nouvelles élections seront déclenchées pour le 10 novembre.

Une répétition des élections générales, selon les sondages, pourrait favoriser le PSOE et le PP et porter préjudice à Ciudadanos, Unidas Podemos et Vox. Mais ce serait la quatrième fois que des citoyens seraient convoqués aux urnes pour un scrutin général en quatre ans et leur ennui éventuel rend difficile la prévision du résultat.

Madrid par Nicolás Pan-Montojo 


Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Espagne, Élections Espagne. Opportunité ou saturation ?,


 

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(Madrid, 1994). Journaliste et politologue, spécialisé dans la politique internationale et l'environnement. Je m'intéresse à pratiquement tout, de la musique et du cinéma aux droits de l'homme et à l'économie, mais surtout je crois au journalisme engagé, qui dénonce les inégalités et essaie de trouver les clés aux problèmes actuels.