Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, Catégorie A, ABC – France métropolitaine
Du 1er trimestre 1996 au 3e trimestre 2020.
Géraldine Gay travaille dans le Minervois pour une association intermédiaire. elle a accepté de répondre à nos questions concernant les effets de la convention chômage sur les publics qu’elle suit.
Qu’est ce qu’une association intermédiaire ?
Une structure d’insertion par l’activité économique1 L’économie et l’entreprise sont utilisées comme outils de socialisation et de pédagogie dans la construction du parcours professionnel où nous mettons à disposition des personnes éloignées de l’emploi pour des raisons sociales et/ou professionnelles auprès de particuliers, collectivités ou entreprises. En fonction de leurs situations face à l’emploi (compétences, expériences…), de leurs situations personnelles et de leurs parcours au sein de notre structure, nous pouvons les mettre à disposition pour des temps très courts, des contrats ponctuels ou sur des contrats plus longs. Nous cherchons à nous adapter aux personnes afin de les accompagner dans leur reprise d’une activité professionnelle plus pérenne.
Quelles conséquences aurait cette réforme qui agit sur le mode de rémunération ?
Il y a quelques années, le gouvernement avait déjà réformé l’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique). C’est une allocation qui concerne les demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs droits, donc des demandeurs d’emploi longue durée. Depuis, les demandeurs d’emploi qui travaillent 3 mois (3 contrats consécutifs ou non) pendant la période de leur ASS, ne touchent absolument plus leur allocation le 4e mois, ce qui pose un problème moral pour nos structures.
Comment faire travailler des personnes de façon ponctuelle sachant qu’on risque de les laisser totalement démunies une fois le contrat terminé ? Les demandeurs d’emploi, à juste titre, sont devenus très prudents dans leur reprise d’activité et nous, nous hésitons à les faire travailler alors que nos structures sont faites pour accompagner ces chômeurs longue durée dans leur retour à l’emploi. Ce principe est totalement aberrant car souvent ces personnes ne sont pas en capacité de reprendre une activité à temps plein ou à un rythme trop soutenu.
« Nous devenons les témoins impuissants de la dégradation des conditions de vie »
D’après vous, cette réforme pénaliserait les plus précaires ?
Les demandeurs d’emploi qui pourraient trouver des missions de travail pour les aider à monter en compétences, ou tout simplement les aider financièrement, y réfléchiront à deux fois avant d’accepter.
D’une part, l’ouverture des droits ou le rechargement de ceux-ci seront soumis à des périodes travaillées de 6 mois sur les 24 derniers mois (contre 4 mois précédemment) ; cette mesure laissera de nombreuses personnes de côté.
D’autre part, la réforme induit un changement de mode de calcul du salaire journalier qui sert de base pour l’estimation des allocations. On divisera le salaire par le nombre de jours de la période de référence (jours travaillés et jours chômés). Par exemple, si la personne a travaillé 2 jours dans le mois, avant on divisait son salaire par 2 (nombre de jours), maintenant on le divisera par 30 jours. Vous pouvez imaginer que le résultat ne sera absolument pas le même.
Donc les personnes précaires que nous accompagnons, mais aussi les saisonniers, se retrouvent extrêmement pénalisés en acceptant ce type de mission où les périodes d’activité alternent avec des périodes de chômage, explique la responsable de la structure d’insertion. Il est sans doute préférable pour eux de ne plus avoir l’ARE avant de reprendre une activité, mais ils tombent alors dans l’ASS et la spirale infernale se poursuit. En outre, au vu de la crise actuelle et du contexte économique, les employeurs sont peu enclins à s’engager sur du long terme et de gros volumes horaires.
Pour une structure comme la mienne, le travail devient extrêmement difficile car nous devenons les témoins impuissants de la dégradation des conditions de vie de ces personnes et de la mise en place de leur précarisation. C’est comme si on nous forçait à n’intervenir que quand la situation devient désespérée alors qu’il y aurait tant de belles choses à mettre en place dès à présent.