Au Mucem, l’exposition Ferdinandea, l’île éphémère de Clément Cogitore, qui ouvre ses portes aujourd’hui, invite à embarquer vers une île fantôme née d’une éruption de 1831. Une terre fulgurante, convoitée puis engloutie, dont l’artiste ravive aujourd’hui la mémoire et les mirages à travers un voyage où se mêlent géologie, politique et fictions méditerranéennes.


Il existe des histoires dont la vérité dépasse la fable. Celle de Ferdinandea — ou Julia, ou Graham, selon les ambitions qui se disputaient son destin — en fait partie. À l’été 1831, une déflagration sous-marine ouvre un passage dans les profondeurs du canal de Sicile. Des remous obscurs, une terre neuve émerge : d’abord quelques mètres carrés volcaniques, bientôt une île que personne n’attendait.

Autour de cette apparition, tout s’emballe : les pêcheurs s’inquiètent, les scientifiques affluent, les empires s’agitent. Sur cette excroissance basaltique, tout juste stabilisée au-dessus du large, se projettent alors fantasmes de puissance et conquêtes stratégiques. Mais la Méditerranée, patiente et souveraine, referme la parenthèse six mois plus tard. Ferdinandea s’efface, laissant sous la surface un haut-fond encore surveillé par les sismologues, comme le vestige battant d’un prodige susceptible de revenir.

Avec Ferdinandea, Clément Cogitore — pour qui le visible n’est jamais la limite — recompose ce récit à la lisière du réel et du mythe. Films, archives, photographies, vidéos : près de quarante œuvres tissent un parcours à la fois sensible et spéculatif. L’exposition déploie non seulement l’histoire d’une disparition, mais les échos qu’elle renvoie à notre présent : rivalités d’hier, imaginaires d’aujourd’hui, et cette Méditerranée devenue l’un des espaces les plus scrutés du monde, où chaque secousse raconte déjà une géopolitique en mutation.

En invitant à arpenter une île qui n’existe plus — ou pas encore — le Mucem propose une odyssée où le territoire lui-même devient fiction, et la fiction un moyen de comprendre le territoire.

Exposition Clément Cogitore.

Ferdinandea, l’île éphémère au Mucem jusqu’au 17 mai 2026


À écouter

Une courte présentation sonore de Clément Cogitore, captée sur le vif mardi 9 décembre à Marseille, où l’artiste revient sur la manière dont Ferdinandea continue de hanter notre regard.

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.