L’ensemble montpelliérain de jeunes choristes dirigé par Jérôme Pillement est récompensé pour ses qualités et pour ses choix de créations


 

Ce n’est pas la première fois qu’Opéra Junior, chœur fondé en 1990 et rattaché à L’Opéra de Montpellier depuis 2013, remporte un prix d’excellence… Auparavant, en 2019, c’était un prix du Syndicat de la Critique récompensant la « Meilleure initiative pour le rayonnement musical ». Voici un nouveau succès pour cet ensemble et pour son directeur, Jérôme Pillement !

Le Prix Bettencourt pour aller plus loin

Mercredi dernier, à Paris à l’Institut de France, le prix Liliane Bettencourt consacré au chant choral a été remis à Opéra Junior par l’Académie des Beaux-Arts qui tient à récompenser le travail de ce chœur si particulier en apportant une aide à ses projets. Une cinquantaine de prix artistiques ont été décernés, et Opéra Junior a eu son moment privilégié, qui lui a permis d’interpréter des pièces contemporaines, « Kondalilla » de Stephen Leek et des extraits de « Mass » de Steve Dobrogosz, dirigés par Albert Alcaraz et accompagnés au piano par Valérie Blanvillain. Au milieu des académiciens nombreux en « habit vert », Coline Serreau, la présidente, et Laurent Petitgirard, secrétaire perpétuel, n’ont pas manqué de féliciter Jérôme Pillement, ainsi que Valérie Chevalier, la directrice de l’Opéra de Montpellier. Françoise Bettencourt Meyers, présidente de la Fondation Bettencourt Schueller, fondée par la femme la plus riche du monde (!), salue « l’exigence, la créativité et la transmission », valeurs incarnées par Opéra Junior, qui offrent à chaque jeune « l’opportunité unique de créer ensemble, et de se dépasser ».

Rien n’était pourtant gagné d’avance. Il a fallu envoyer dossier, enregistrements, videos. Le jury compte plusieurs célébrités, des artistes en exercice, des permanents, comme les compositeurs Thierry Escaich et Régis Campo. Sa présidence change tous les ans pour plus d’indépendance, et cette année c’est la cheffe d’Avignon-Provence, Debora Waldman, qui mène le jeu. Comme l’explique Jérôme Pillement, l’esprit n’est pas à la compétition mais plutôt aux échanges et au rapprochement, d’ailleurs les liens sont proches avec les conservatoires de Montpellier, Lyon, Paris et des compagnies comme l’ARCAL. Mais ce prix est une récompense, qui réjouit l’ensemble, ses musiciens, son chef : « Surtout, cela nous donne de l’espoir ! Car les difficultés financières conduisent à réduire le nombre de jeunes chanteurs, et même si les collectivités participent, et si depuis une douzaine d’années l’ensemble fait partie intégrante de l’Opéra, comment conserver des tarifs compétitifs, ne pas faire monter les inscriptions à des centaines d’euros ? » Actuellement l’inscription va de 125 à 295 € suivant les revenus familiaux.

 

 

Jérôme Pillement dirige les jeunes chanteurs depuis plus de quinze ans – une affaire de famille ! Crédit Photo J. Pebrel

 

 

Chaque jeune va trouver sa voie/voix

Cette saison ce sont 200 jeunes qui sont inscrits, répartis en cinq groupes, et l’âge a été étendu de 4 à 29 ans au lieu de 7 à 22. Car on a pu constater un intérêt manifesté dès la fin du cycle de maternelle ! Quant aux jeunes adultes, certains partent puis reviennent deux ou trois ans après, et Jérôme Pillement est à l’écoute : « Il y a ceux qui savent ce qu’ils veulent comme études, droit, médecine et ceux qui ne savent pas, qui vont essayer plusieurs choses. Après le bac, des études, puis pâtisserie, puis le conservatoire… Il y a des vocations tardives dans les métiers de l’opéra, technicien, éclairagiste ! Ce ne sont pas des enfants d’artistes, il s’agit pour eux de découvrir un monde ! »

Ces chanteurs sont nombreux, motivés et ambitieux, et depuis la création du chœur près de 2000 jeunes ont contribué à sa réussite. L’aide financière apportée par le Prix Bettencourt est importante : 50 000 euros cette saison et 100 000 euros sur les trois suivantes, destinés à aider les projets. Cela va permettre de poursuivre un plan de développement, surtout des ateliers, dans bien des quartiers, à La Paillade mais aussi en Région, dans des villes moyennes comme Ganges par exemple. Pour Jérôme Pillement c’est cette « Identité » qui a été primée, c’est la reconnaissance de leur travail, « celui qui crée du plaisir et du lien ». Pas facile de gagner ce prix, décerné tous les deux ans, car nombre de maîtrises ne font que chanter leur répertoire choral alors qu’Opéra Junior explore le domaine lyrique, le théâtre, la mise en scène, la danse : « On est dans une maison d’opéra, où il y a un côté familial entre pros et amateurs, ensemble pour découvrir ce monde merveilleux ».

 

 

Au printemps « Barbe Bleue » a mis en valeur le talent de 75 jeunes talents dans une relecture d’Offenbach. Crédit Photo M. Ginot

 

 

L’aventure se poursuit à La Paillade, devenue La Mosson, tous les mardis à l’école des Hauts de Massane, et dans les ateliers des Maisons pour Tous. Le fameux chai qui avait accueilli les premiers spectacles présentés par les jeunes Pailladins, et qui a été baptisé « Jean Vilar » en 1994, continue d’accueillir les spectacles. « Il ne s’agit pas de porter la bonne parole, précise Jérôme Pillement, car ce sont eux-mêmes qui construisent. Il s’agit de créer un lien social. Et chanter, cela fait du bien aussi à ceux qui écoutent ! »

 

De créations en créations

Le Prix Bettencourt incite Jérôme Pillement à continuer. Lorsqu’en 2009 Vladimir Kojoukharov a pris sa retraite il a été candidat à la succession, poussé par Henri Maier et surtout René Koering : « Pour moi c’est une manière de transmettre aux jeunes, et d’accompagner les chanteurs, avec le metteur en scène, il ne s’agit pas de les mettre en difficulté ». Ce n’est pas tout et le Prix Bettencourt va permettre d’envisager certains projets : « Il y a un autre point à développer, c’est la création d’œuvres pour les jeunes ».

Il y en a déjà eu pas mal et l’avenir est plein de promesses. Certes la période Covid a été dure à traverser et on se souvient que le « Roi Pausole » en a souffert. La disparition du chef de chœur Vincent Recolin en 2022 a été un moment douloureux, puis Albert Alcaraz a pris le relais. Mais que de découvertes à travers les grands moments qui ont jalonné cette histoire unique, depuis l’extraordinaire « Paradis des Chats » du fondateur Vladimir Kojoukharov, donné en 1988 (repris en 2006), et l’explosif « Republica ! Republica ! » lancé de La Paillade, deux ans plus tard ! Ensuite il y a eu des mondes nouveaux l’enchantement de « Pollicino » de Henze, longuement présent dans le film « Opéra Junior – Enfant créateur », documentaire réalisé en 2016 par Guy Perra, puis des rencontres uniques, notamment « L’Opéra du Gueux » mis en scène par Benjamin Prins en 2013, « Entre deux rides » composé en 2014 par Guilhem Rosa qui a été chef du chœur, et a dirigé « L’Opéra de la lune », et cette année « La légende du Roi-Cailloux ». On n’oublie pas « L’enfant et les sortilèges » de 2015, ni « Le Monstre du Labyrinthe », mis en scène par Marie-Eve Signeyrolle en 2017, et le « Poil de Carotte » de 2019, ainsi que les participations aux opéras, ces dernières années, « Les aventures du Roi Pausole », « Bugsy Malone », et « Le Voyage dans la lune », dont l’enregistrement Bru Zane a obtenu l’International Opera Award.

 

 

« Climat » était une commande composée par Russell Heppelwhite pour les 30 ans d’Opéra Junior. Crédit Photo M. Ginot

 

 

Climat, guerres et migrations

Créer pour découvrir est le point fort sur lequel Jérôme Pillement insiste : « On a de la chance, on ne change rien, il y a du Mozart et du contemporain. Le public vient et les familles aiment les jeunes. Et surtout on peut être dans la création avec des compositeurs. Pourquoi pas imaginer un succès comme le très réussi « Elémentaire mon cher » qui a rassemblé plein de jeunes élèves à Aulnay-sous-Bois ? On n’est pas des gardiens de musée et on éduque le public à découvrir ». L’écoute de « Climat » la création mondiale sur les enjeux environnementaux pour les 30 ans d’Opéra Junior en 2020 (sans oublier « Séisme » l’an dernier), et l’importance de « Belongings » sur la guerre et les migrants peuvent servir de repères. « L’actualité est très importante, les guerres, en Ukraine, à Gaza, tous les problèmes actuels. On a donc créé sur le climat, sur les migrations. On va chercher maintenant des gens très différents, et inventer, installer les nouveaux projets ».

Michèle Fizaine

 

Saison d’Opéra Junior à suivre : Concert de l’Avent : 6 décembre à 19 h Complet ; 6 décembre à 16 h, salle Pasteur du Corum ; 14 décembre à 15 h, Salle Bazille à St-Clément-de-Rivière. 10 €. « Magdalena » de Villa-Lobos, le 9 mai à 19 h et le 10 mai à 17 h à l’Opéra Comédie. 14 et 16 €. « Rondes », le 13 juin à 19 h salle Pasteur du Corum ; le 14 à 19 h 30 à Castelnau-le-Lez. 14 et 16 €.« Scoubidou etc » le 27 juin à 19 h et le 28 à 15 h, au Théâtre Jean-Vilar à Montpellier. 10 €.

 

Photo 1 : A l’Institut de France Opéra Junior reçoit le prix Liliane Bettencourt qui récompense sa créativité. Crédit Photo E. Brane

 

 

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.