Que se passe-t-il en France du côté de la solidarité avec la Palestine pendant qu’à Gaza la suite du plan de paix de Trump est impossible à mettre en œuvre tant il se heurte à un mur d’obstacles politiques et pratiques, dont le plus épineux est la question du déploiement d’une force internationale capable d’assurer la sécurité sans devenir un instrument au service d’un camp contre un autre. Car toute solution qui ne prendrait pas en compte la dignité du peuple palestinien et son droit à l’autodétermination sera caduque. La reconnaissance de la Palestine c’est un territoire, un peuple et une souveraineté.


 

Pendant ce temps en France la criminalisation du mouvement de soutien à la Palestine continue et persiste. Dernier exemple, la mise en garde à vue d’Omar Alsoumi, Palestinien en exil et animateur d’Urgence Palestine1. Déjà victime du blocage arbitraire de son compte bancaire, Omar Alsoumi a vu son domicile perquisitionné à l’aube du 5 novembre sous les yeux de sa femme et de ses enfants, avant d’être placé en garde à vue. Son seul “crime” est d’avoir dénoncé les massacres de civils à Gaza, pourtant documentés par l’ONU et condamnés par le Tribunal pénal international.

Ce qui arrive à Omar Alsoumi n’est pas un fait isolé. Les diverses poursuites :  intimidations, gardes à vue, interdictions de manifester, blocages de comptes et menaces administratives s’inscrivent dans une stratégie de criminalisation des syndicalistes, associations, militant·es et collectifs solidaires de la Palestine et plus largement du mouvement social. Le Crédit Coopératif, en dépit de sa proclamation de valeurs humanistes, a fermé sans explication le compte bancaire qu’y détenait l’UJFP depuis plus de vingt ans et le directeur de publication du site de l’UJFP a été perquisitionné à son domicile. Sans parler du dernier évènement à la Philharmonie de Paris où la plupart des médias et le gouvernement ont passé la journée suivante, le 7 Novembre, à mettre en cause la CGT2 et LFI3 allant jusqu’à demander une judiciarisation de leur responsabilité, alors que l’orchestre israélien a fini son concert avec l’hymne israélien, pas prévu au programme mais ce n’est pas un problème. La liste serait longue à dérouler et questionne l’avenir de la démocratie et de la solidarité !

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans son rapport « Criminalisation et contrôle du récit : la solidarité avec la Palestine en ligne de mire » (octobre 2025), alerte sur cette offensive répressive visant à faire taire les voix de la solidarité. La criminalisation de celles et ceux qui expriment leur indignation dans un engagement pour la justice, la paix et la dignité constitue un acte de complicité avec les crimes en cours.

 

Question à l’urgentiste P. André

Pour évoquer un des aspects concrets de la solidarité et de notre responsabilité à refuser l’indifférence et la dépression contaminée par un seuil de tolérance qui ne cesse de s’abaisser, nous avons rencontré P. André, urgentiste, à l’initiative au début de l’année 2025 de la marche « Faim de justice », participant sur la dernière flottille vers Gaza et maintenant engagé dans une marche qui devrait s’appeler «  Liberté Égalité Justice pour la Palestine et tous les peuples ». Des marches citoyennes, apartisanes, laïques, non violentes, centrées sur le respect du droit international.

 

Pourquoi cette initiative et quels en sont les objectifs?

 

P. André : «  Dans la suite et la continuité de la dynamique de notre marche, en grève de la faim pour la justice en Palestine, à travers la France jusqu’au Parlement Européen en mars 2025, nous avons développé beaucoup de rencontres de façon horizontale avec des personnes peu convaincues, qui ne pensent pas forcement comme nous, dans tous les milieux, dans tous les domaines, éducation, santé, culture, cultes, juridiques et politiques. Ces rencontres riches, décisives, citoyennes sont stimulantes, diverses et participent à construire un engagement, un véritable pouvoir d’agir !

Le 29 Novembre à Paris se tiendra une Manifestation nationale unitaire à l’appel de nombreuses associations pour la défense des droits du peuple palestinien sur la base du droit international avec quatre revendications essentielles et légitimes :

– Auto-détermination du peuple palestinien qui doit être l’acteur de son propre destin et droit au retour des réfugiés palestiniens ;
– Fin de occupation, de la colonisation, de l’apartheid ;
– Sanctions contre Israël ;
– Cessez-le-feu définitif et fin du génocide.

Après le cessez-le-feu à Gaza, Israël poursuit l’occupation et la colonisation de la Palestine, l’oppression du peuple palestinien. Cela doit cesser !

Nous souhaitons avec notre initiative mettre en route différentes marches qui partiront de tous les endroits de France, du Sud au Nord et de l’Ouest à l’Est, pour enrichir le mouvement et rejoindre ensuite Paris ! Provoquer partout où nous passerons des rencontres horizontales avec les gens, privilégier l’hébergement chez les habitant.e.s pour favoriser le dialogue et la communication entre chacun.e. Au départ nous sommes un petit noyau mais nous espérons grossir et agréger de plus en plus de monde, c’est un pari qui vaut le coup. 

Nous avons eu des premières réunions et notre marche partira le 15 Novembre des quartiers Nord de Marseille où nous avons rencontré les femmes de l’association Schebba qui sont partantes. Ensuite direction Fos-sur-Mer où nous rencontrerons les dockers, Arles le 16 Novembre où les personnes de Montpellier et Nîmes pourraient nous rejoindre, Tarascon/ Beaucaire le 17, Avignon le 18, Valence le 19, et nous resterons trois jours à Lyon ensuite car de nombreux évènements auront lieu en lien avec le collectif 69 et une maire d’arrondissement ; notre passage lors de «  Faim de Justice » avait été très stimulant. Une partie de la suite de notre marche se fera en transport collectif pour être à Melun le 25, Ivry le 27, peut-être Bagnolet pour converger vers Paris le 29 ! Nous espérons que d’autres marches venant de l’Ouest, l’Est et le Nord nous rejoignent, elles seraient bienvenues le 26 au soir en région parisienne. Il est possible de s’inscrire et de suivre tout notre parcours à partir du lien ICI  ».

Peut-être est-ce une nouvelle forme d’engagement que ce type d’initiative qui privilégie la rencontre horizontale en allant d’abord au devant des gens, en abordant leurs inquiétudes, leurs perceptions, en réveillant la réflexion et la pensée ?

 

Un poème

Après le génocide
Une violence qui s’en va reste une violence.
Après le génocide, le génocide.

La rivière qui aurait creusé
une terre différente, la rivière
une terre creusée, invoquée.
Mais depuis le déluge,
le magnifique déluge,
tes yeux sur le feu,
ton indifférence qui s’en va.
Est-ce de l’amour ? Mais depuis
la dernière bombe larguée
ton indifférence qui arrive.

Fady Joudah est l’auteur de six autres recueils de poèmes4. Texte publié par Arablit5, traduit de l’américain par Henri jules Julien.

Après le génocide,
le génocide.

Brigitte Challande

Notes:

  1. Le Collectif Urgence Palestine rassemble des citoyen.ne.s, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l’auto-détermination du peuple palestinien.
  2. Une polémique a eu lieu sur la tenue de ce concert, des militants pro-palestiniens demandant son annulation tandis que la CGT-Spectacle réclamait que la Philharmonie « rappelle à son public les accusations gravissimes qui pèsent contre les dirigeants » d’Israël, notamment dans la guerre à Gaza.
  3. Jean-Luc Mélenchon « ne condamne pas » les incidents survenus jeudi soir à la Philharmonie de Paris lors du concert d’un orchestre israélien, car « vous ne pouvez pas empêcher à des gens d’exprimer une protestation contre un génocide ».
  4. Une série de poèmes du poète palestino-américain primé Fady Joudah, écrits depuis octobre 2023 sur la Palestine.
  5. ArabLit est un magazine en ligne d’information sur les traductions de littérature arabe en anglais.
Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.