Depuis l’annonce du cessez-le-feu les avertissements se multiplient quant à l’effondrement imminent de celui-ci en raison des violations israéliennes continues. Le 2 Novembre le ministère de la Santé palestinien annonce depuis fin Septembre 2025 : 226 mort.e.s et 594 blessé.e.s, essentiellement des femmes et des enfants. Malgré le génocide, malgré la famine, malgré la continuité d’une atmosphère de terreur et de pression psychologique envers la population de Gaza, l’éducation des enfants reste une préoccupation majeure !


 

La jeunesse de Gaza, 65 % ont moins de 25 ans, a toujours été massivement éduquée, des écoles partout, neuf universités sur ce petit territoire, toutes détruites, et seulement moins d’1 % d’illettré.e.s. Dans le rapport hebdomadaire du 31 Octobre produit par l’OCHA (Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires) il y a un paragraphe consacré à l’éducation où l’on peut lire les destructions liées aux bombardements :

« Au 10 juillet 2025, 97 % des bâtiments scolaires de la bande de Gaza avaient subi un certain niveau de dommages, la majorité (92 %) nécessitant l’élimination du risque de présence de restes explosifs, et soit la reconstruction complète, soit une réhabilitation majeure, pour être à nouveau fonctionnelle. De nombreuses écoles continuent d’être utilisées comme refuges pour personnes déplacées, y compris 103 écoles publiques, en raison de graves pénuries de refuges.

Les restrictions imposées par les autorités israéliennes à l’entrée de fournitures d’éducation et d’apprentissage entravent également les efforts de réponse. Le 21 octobre, le ministère de l’Éducation a achevé une évaluation rapide des 309 écoles gouvernementales de la bande de Gaza. Les résultats montrent que 56 écoles (18 %) ont subi des dommages modérés à moyens, 27 (9 %) ont subi des dégâts importants, 46 (15 %) ont été partiellement détruites, 144 (47 %) ont été entièrement détruites et 36 (12%) restent inaccessibles dans les gouvernorats de Gaza-ville et de Rafah.

Actuellement, seules 28 écoles sont opérationnelles à Deir al Balah, Khan Younis et dans l’ouest de la ville de Gaza, avec le soutien de partenaires du cluster Éducation, dont 22 sont utilisées comme abris pour les personnes déplacées. Selon le ministère de l’Environnement, 103 écoles, dont certaines sont partiellement endommagées, continuent d’abriter les familles déplacées et 203 écoles nécessitent un nettoyage et l’enlèvement des gravats avant que les besoins de réhabilitation ou de reconstruction puissent être déterminés. La présence généralisée de débris dans les cours de l’école empêche l’utilisation de ces zones pour l’établissement d’espaces d’apprentissage alternatifs, qui sont actuellement en cours de création à l’aide de tentes disponibles. Le ministère de l’Environnement a également évalué que 2 090 salles de classe nécessitent une réadaptation. »

Maintenir l’éducation au cœur de la guerre reste une nécessité et une flamme d’espoir pour la population et la jeunesse de Gaza. Le compte rendu des actions de l’UJFP à Gaza pour maintenir l’accès à l’éducation dans un texte d’Abu Amir le 31 Octobre illustre cette nécessité.

« Alors que la bande de Gaza traverse l’un des chapitres les plus sombres de son histoire, en proie à une guerre dévastatrice ayant anéanti ses infrastructures et effacé les traits de la vie, l’éducation demeure une flamme d’espoir qui brille dans les yeux des enfants. Malgré les bombardements et la destruction, ni la volonté des enseignants ni le désir d’apprendre des enfants ne se sont éteints.

Ici, au milieu des décombres et de la douleur, l’UJFP a choisi de se tenir aux côtés du peuple palestinien, soutenant et défendant la poursuite du processus éducatif comme un droit fondamental que la guerre ne saurait abolir. Depuis le déclenchement de la guerre du 7 octobre 2023, le secteur de l’éducation à Gaza a été frappé par une véritable catastrophe humanitaire. Les écoles ne sont plus des établissements d’enseignement, mais se sont transformées en abris pour les déplacés ou ont été réduites en ruines par les bombardements répétés.

Des dizaines de milliers d’élèves ont été privés de leurs bancs d’école. Les cours n’ont pas cessé, ils se poursuivent désormais sous des tentes, dans les ruelles, sur les places ouvertes. Dans chaque recoin de Gaza, on peut voir un enseignant tenant un cahier et un enfant serrant son espoir, une scène incarnant une résilience défiant la guerre elle-même.
L’éducation n’est plus seulement un moyen d’acquérir le savoir, mais un acte de résistance et de persévérance — une arme contre le déracinement et l’injustice, car elle permet aux enfants de rêver d’un avenir meilleur, lorsque le présent est chargé de peur.

Au cœur de cette réalité douloureuse, les équipes de l’UJFP sont fermement convaincues que l’éducation est un pilier essentiel qu’il ne faut jamais abandonner, quelles que soient les circonstances. Dès les premiers jours du conflit, les équipes de terrain ont œuvré pour trouver des solutions alternatives afin de garantir la continuité de l’enseignement, même avec des moyens très limités. L’objectif était clair : qu’aucun enfant ne soit laissé sans éducation et que l’école — même sous forme de tente — reste un espace d’espoir et de sécurité. Pour atteindre cet objectif, l’UJFP a pris l’initiative de créer des écoles modèles destinées aux enfants des zones les plus marginalisées les plus touchées par la guerre :

Le centre éducatif pour les enfants des agriculteurs du camp Al-Fajr – Mawasi Khan Younès

Dans la région de Mawasi, au sud de la bande de Gaza, où les agriculteurs et leurs familles vivent dans des conditions extrêmement précaires, elle a établi un centre éducatif pour les enfants des agriculteurs du camp Al-Fajr. Ce centre a été conçu comme un refuge sûr pour ces enfants privés d’éducation à cause de la guerre. L’école accorde également une attention particulière au soutien psychologique et social des élèves, reconnaissant l’importance des traumatismes causés par le conflit.

Le centre « Le Premier Pas » dans la région centrale

Au cœur de la bande de Gaza, dans la région centrale, plus précisément à l’ouest de Nuseirat — une zone marginalisée dépourvue de services essentiels — l’UJFP a fondé l’école Le Premier Pas. Ce nom, choisi par les équipes porte une signification symbolique forte : chaque pas vers l’éducation est un pas vers la vie.

L’école offre un environnement éducatif flexible et complet, où les élèves suivent leurs cours dans les matières de base, tout en participant à des activités récréatives et d’orientation qui ravivent en eux le sentiment d’enfance que la guerre leur a volé.

Notre expérience à Gaza a démontré que l’éducation n’est pas un luxe, même en temps de guerre, mais une nécessité vitale ; elle constitue le pont qui relie les enfants à leur avenir, leur donnant la force d’affronter leur réalité difficile avec foi et détermination. Alors que les murs s’effondrent, nous bâtissons, par le savoir et la volonté, des murs d’espoir dans les esprits et les cœurs des enfants de Gaza.

Malgré la guerre et la destruction, l’éducation à Gaza demeure la voix de la vie, s’élevant au-dessus du fracas des bombes. Grâce aux efforts inlassables des équipes de l’UJFP, cette voix continue de résonner : “Tant qu’un enfant tient un crayon, il y a de l’espoir.”

L’éducation à Gaza n’est plus une simple activité scolaire, mais une question d’existence et de survie. »

Il me revient une phrase dite par le philosophe Gilles Deleuze pour prolonger cette réflexion : « Traverser un désert c’est pas très grave, ce qui est grave c’est de naître dans un désert ».

Brigitte Challande

Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.