À l’heure où la démocratie semble en perte de vitesse,
comment redonner de la valeur au débat public ?
Pour explorer cette question, altermidi a confronté les points de vue de responsables politiques, de praticiens, de chercheurs. À travers leurs regards, une même exigence qui se dessine : rendre aux citoyen.ne.s le goût du débat, la confiance dans les institutions et le sens du collectif. Une exigence qui suppose à la fois plus de vérité, plus d’écoute, et plus de courage politique.
Questions à Benoît Payan, maire de Marseille
Percevez-vous, sur votre territoire, une montée de la défiance envers l’information institutionnelle ou les médias traditionnels ?
A Marseille, comme ailleurs en France, en Europe et dans le monde, les fractures démocratiques se creusent entre des citoyennes et des citoyens qui ne se sentent plus, ou mal, représentés, et un système médiatique et politique qui fonctionne trop souvent en vase clos. Ce n’est pas pour rien que le Maire est aujourd’hui en France le seul responsable politique qui a la confiance des Français : nous sommes tous les jours au contact, sur le terrain, avec les femmes et les hommes qui font notre ville et qui vivent dans le réel, loin des projections, des modélisations, des statistiques. Certains responsables politiques, certains journalistes, devraient s’en inspirer, et aller rencontrer les gens.
Pensez-vous que les réseaux sociaux facilitent ou appauvrissent le dialogue démocratique à l’échelle locale ? Pourquoi ?
Le sujet mériterait des heures et des heures de réflexion. Jamais nous n’avons été aussi connectés, jamais l’information n’est allée aussi vite. Cela a des conséquences très positives : quand nous faisons face à des urgences, comme les incendies qui ont touché Marseille récemment, nous sommes en capacité de prévenir et de passer des consignes à des dizaines de milliers de citoyens en quelques fractions de seconde. Mais le pendant négatif, c’est que parfois, le débat s’en retrouve effectivement affaibli. Sur des questions structurantes comme l’éducation, le climat, la sécurité, le service public, un tweet, une vidéo de quelques secondes, ne permettront jamais d’entrer dans le fond des sujets.
Comment distinguez-vous, dans votre quotidien d’élu, les missions d’information du public et celles de communication politique ?
La politique, c’est la vie de la cité. Informer les citoyens des actions menées à leur service, c’est notre rôle en tant que responsables politiques. Je ne suis jamais dans la valorisation d’un camp contre un autre, je cherche toujours à agir pour le plus grand nombre. Ce qui compte, c’est de savoir faire la différence entre le moment où plusieurs visions du monde s’affrontent, ça s’appelle la démocratie et c’est naturel, et le moment où il faut savoir mettre de côté la politique politicienne pour agir dans l’intérêt général. C’est une éthique à s’appliquer soi-même.
La communication politique est parfois perçue comme manipulatrice. Comment éviter qu’elle ne devienne un obstacle à la transparence et à la confiance ?
Je fais confiance dans l’intelligence de nos concitoyens. Ils savent distinguer ceux qui disent et ceux qui font.
À votre avis, le mensonge en politique est-il perçu comme plus fréquent aujourd’hui ? Quelles en sont, selon vous, les causes et les conséquences ?
Nous vivons dans un monde de post-vérité. La montée de l’intelligence artificielle générative, l’accélération du calendrier médiatique et des mensonges relayés à grande échelle sur les réseaux sociaux doivent nous alerter. Il faut prendre de la hauteur, réfléchir collectivement, légiférer, refuser d’épouser les travers de l’époque.
Quelles initiatives pourraient aider à redonner de la valeur à la parole publique et à encourager un débat local plus respectueux et informé ?
La clé de voûte de notre démocratie, c’est la confiance. Le respect de la parole donnée. La clarté et la transparence dans les propos et dans les actes. A Marseille, nous avons fait le choix de donner de la voix aux citoyens, pour qu’ils participent concrètement à la transformation de leur ville. Concertations, budgets participatifs, Assemblée citoyenne du futur composée de citoyens tirés au sort, conseils municipaux de la jeunesse et des enfants, nous mettons en place des outils d’implication directe pour que tous les habitants de la ville se sentent concernés par sa réussite. Retrouver la confiance entre les responsables politiques et les citoyens qui leur délèguent leur représentation, c’est aussi clarifier les compétences de chacun, faire preuve d’honnêteté et de rigueur, partout et tout le temps. Quand les Marseillais se plaignent auprès de moi que le métro ferme à 21h30 ou que les poubelles ne soient ramassées que dans certains quartiers, je ne peux pas leur en vouloir, et je me retrouve impuissant, à leur expliquer que ce n’est pas dans mes compétences, mais dans celles de la Métropole. La vérité est là : il y a trop d’élus, pas assez de pouvoir, et une grande confusion technocratique qui éloigne l’action publique de celles et ceux pour qui elle existe : les citoyens.
« La clé de voûte de notre démocratie, c’est la confiance. » Crédit Photo Ville de Marseille
Article publié dans altermidi mag#15
Voir aussi : Question à Éric Piolle maire de Grenoble
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