Le XIXème Festival Musique et histoire pour un Dialogue Interculturel est un « Hommage à la Diversité (1230- 1970) » Vendredi18 juillet, le dernier concert réunit des musiques portées par l’histoire de l’esclavage, et un message de paix.


 

Jordi Savall qui a créé ces rencontres estivales à l’Abbaye de Fontfroide a réuni les ensembles Hespèrion XXI et Orpheus 21, a invité aussi l’ensemble Ekiyat pour faire découvrir la voix des Tartares. En ouverture, le voyage de Marco Polo, commencé l’an dernier par « la Route de la Soie », poursuit ses découvertes dans un « voyage de retour », et mercredi on découvre l’art de la variation et de l’improvisation : « Altre Follie », tandis que les Muses vont se joindre à l’émotion avec feu et larmes.

 

 

Jordi Savall, gambiste et créateur, poursuit un combat pour la paix. Crédit Photo D. Ignaszewski

 

 

Esclaves, déportés et migrants

Le dernier concert, vendredi, « Un océan de musiques » est un événement qui clôture le festival, réunissant sur scène une bonne trentaine de musiciens venus du Brésil, du Venezuela, de Cuba, du Mali, de Haïti. C’est la deuxième partie d’un projet où Jordi Savall rend hommage aux plus de vingt-cinq millions de personnes réduites en esclavage entre 1492 et 1888 : hommes, femmes et enfants, brutalement arrachés à leurs villages d’Afrique et de Madagascar, puis déportés de force vers les colonies européennes.

Depuis plus de cinquante ans, Jordi Savall est connu en tant que gambiste et redécouvreur des partitions oubliées, mais surtout comme créateur de projets qui redonnent vie à l’histoire d’œuvres perdues et retrouvées. Il a ainsi enregistré plus de 230 disques, mais surtout, avec la soprano Montserrat Figueras, il a donné à la musique son rôle essentiel de création pour la paix entre les peuples et les échanges entre les cultures.

En 2008 il a été nommé Ambassadeur de l’Union Européenne pour un dialogue interculturel, puis Artiste pour la Paix dans le cadre du programme « Ambassadeurs de bonne volonté » de l’Unesco. En 2016 il était venu soutenir les migrants dans la « jungle » de Calais et il a fondé l’ensemble « Orpheus XXI – musique pour la vie et la dignité », destiné à favoriser l’intégration des musiciens professionnels immigrés, et la formation d’une centaine de jeunes réfugiés ou déracinés.

 

Dans la violence et l’émotion, un espoir

« Sans la musique l’histoire ne serait qu’un vaste désert », nous dit Jordi Savall. Son programme « Un océan de musiques 1492- 1888 » est la continuation d’un partage entamé en 2017, une démarche multiculturelle totalement inédite qui a permis la publication d’un coffret 2CD/DVD « Les routes de l’esclavage » : il est consacré aux témoignages musicaux des trois continents impliqués dans le commerce de ces hommes capturés et exploités dans le Nouveau Monde. Aujourd’hui un nouvel hommage est donc rendu aux victimes de la déportation et de l’esclavage instaurés par les nations européennes pendant près de quatre siècles.

La Capella Reial de Catalunya participe à l’aventure, ainsi que le Tembembe Ensamble Continuo. Aux chants de griots sud-africains, aux airs transmis oralement du Brésil, de Haïti, de Cuba, se mêlent des villancicos créoles de Noël, des chants religieux, qui rappellent la conversion forcée au catholicisme et l’imposition d’une langue – l’espagnol. Jean-Philippe Rameau, et ses « Indes Galantes », croise Mateu Fletxa l’ancien et ses ensaladas polyphoniques, puis celles de Gaspar Fernandes, ainsi que les airs du mexicain Juan García de Zéspedes et d’autres auteurs anonymes. La musique baroque dialogue avec les airs populaires, la viole de gambe, la harpe, les flûtes chalémies échangent avec la kora à cordes du Mali, la vihuela, luth aragonais, le marimba, xylophone africain.

Cette mer de musiques invite à relire notre histoire terrible, pour penser à notre avenir, et c’est une réflexion actuelle. Comme le souligne Jordi Savall : « Nous entendons des rythmes et des chants qui nous rappellent cette histoire de souffrance, quand la musique est devenue un moyen de survie et – pour notre plus grand bonheur – le seul refuge apportant paix, réconfort et espoir ! »

Michèle Fizaine

 

Festival Musique et Histoire, Abbaye de Fontfroide, RN 613, Narbonne.

Jeudi 17 : à 18 h « Les chemins de l’âme » par la Jove Capella Reial De Catalunya ; à 21 h 30 « Le feu et les larmes des muses », Elizabethan Consort Songs 1533-1603, Elionor Martínez, soprano ; William Shelton, contre-ténor ; HESPÈRION XXI. Jordi Savall, viole de gambe & direction

Vendredi 18 : à 18 h « La flor en paradis », Tasto Solo ; à 21 h 30 « Un océan de musiques », musiques créoles en dialogue avec les musiques d’Afrique, d’Amérique et des Caraïbes, HespèrionXXI, La Capella Reial de Catalunya, Tembembe Ensamble Continuo, et de nombreux musiciens invités. Jordi Savall, viole de gambe & direction. Tarifs 18 h : 16 à 20 € ; 21 h 30 : 30 à 60 €.

Renseignements et réservations : 04 68 45 50 47

Photo 1 Afrique, Amérique, Caraïbes, en hommage musical aux victimes de la déportation et de l’esclavage. Crédit Photo T. Pennaroya

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.