Exposition monographique Sur un os, de l’artiste chambérienne Françoise Pétrovitch, au MO.CO jusqu’au 02 novembre. Le public est invité à une incursion introspective dans 130 œuvres réalisées entre 1994 et 2025. À travers de nombreux médiums tels que la céramique, le bronze, la vidéo, la peinture, le lavis, le dessin, Françoise Pétrovitch questionne l’intime, la psychologie, l’enfance et l’adolescence, la transition, l’incertitude…
L’exposition s’ouvre avec la série de portraits cinémascopes nommés ainsi en raison de leur cadrage serré et horizontal, réalisés entre 2020 et 2024. Ces dessins au lavis d’encre ne sont pas encadrés. Ils représentent des personnes croisées dans l’espace public, des portraits photographiques pris par l’artiste et des visages issus de la peinture ancienne. Cette installation explore les thèmes de la mémoire, de l’intériorité et du collectif.
Les salles suivantes proposent également des œuvres présentées pour la première fois au public mais créées dans les années 1990. Aux dessins représentant des enfants au crayon de couleur s’ajoutent des collages : lacets de chaussures, broderies, cahiers d’écoliers… Françoise Pétrovitch précise : « Je souhaitais montrer l’autoritarisme dans l’éducation d’avant-guerre. Les collages sont des détails, de ceux qui attirent l’intérêt des enfants. »
L’artiste a également un attrait pour l’évolution du langage. Elle s’intéresse notamment aux mots de l’intime, qu’elle qualifie de « paradoxalement universel ». Elle utilise des matériaux déjà existants : des correspondances, des cartes postales, des herbiers, des titres de chapitre de livres anciens pour nommer ou construire ses dessins. Françoise Pétrovitch confie : « Je voulais récolter dans la vie des autres. » Elle convoque aussi l’histoire de l’art — portraits, paysages et natures mortes — pour les plier à une lecture nouvelle : « Le monde d’après, le futur d’hier ».
Mondes intérieurs silencieux
La plus vaste salle accueille une série de dessins au lavis aux couleurs vives et des mondes intérieurs silencieux. Les personnages sont liquides, tourmentés, bleus, aqueux. Ils errent dans des paysages à l’esthétique oscillant entre romantique et apocalyptique.
Le rez-de-chaussée est consacré à Papillon, une installation vidéo d’encres peintes sur des plaques de verre réalisée avec le photographe et réalisateur Hervé Plumet. Cette salle onirique, que l’on traverse par des voiles, baigne dans une lumière violette et des sons envoûtants, dans laquelle la transformation s’appréhende par l’invocation de personnages féminins et de figures animales : oiseau, lapin, cheval, papillon.
La scénographie de la dernière salle est pensée dans une atmosphère d’entre-deux, entre clarté et obscurité. Dans le sous-sol au plafond très lumineux, les murs sont les supports de portraits de personnages androgynes de la série Sans teint, aux couleurs acides et pastels pâles. Au centre de la pièce sont disposées des sculptures en bronze et en céramique très sombres, avec des coulures et des échelles allant du minuscule à l’immense. Sont représentés des gardiens, mais aussi l’Ogresse, un renversement de l’histoire où c’est la jeune fille qui a triomphé du prédateur ou de la mort en mangeant l’ogre, ou encore Sur un os (2024), une petite fille en équilibre sur un fémur d’ogre qui donne son nom à l’exposition.

L’exposition permet de faire dialoguer différentes périodes de la vie de l’artiste qui épure son travail au fil du temps et s’autorise des formats de plus en plus grands. Avec une esthétique de la suggestion et une peinture pensée en dialogue avec d’autres techniques, Françoise Pétrovitch apparaît dans les années 1990-2000 en contre-modèle des peintres démonstratifs, enfermés dans la peinture comme seul vecteur d’expression.
L’artiste donne à voir l’humain, dans une seule période de sa vie : la jeunesse. Si ses représentations peuvent paraître parfois un peu clichées, elles témoignent cependant d’instants suspendus cohérents et hors du temps où l’action est inexistante, l’environnement neutre ou dégradé. L’état d’incertitude dans lequel le visiteur est plongé fascine et résonne comme un avertissement.
À propos du travail de Françoise Pétrovitch, l’écrivaine canadienne Nancy Huston résume avec justesse : « L’effacement n’est pas personnel, il est collectif. L’apnée n’est pas transitoire, elle est définitive. » Et selon l’artiste elle-même : « Sur l’apparence lumineuse de mon œuvre repose une ombre qui représente beaucoup d’inquiétudes ».
Sapho Dinh
Tarifs : de 0 à 8 euros.
Horaires : du mardi au dimanche, de 11h à 19h (juin-septembre) et de 11h à 18h (octobre-novembre)
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