Les députés ont approuvé samedi la création d’un « droit à l’aide à mourir », et rétabli le principe selon lequel les patients devront s’auto-administrer la substance létale, sauf lorsqu’ils ne sont pas en capacité de le faire. Un vote sur l’ensemble du texte est prévu le 27 mai.


 

L’article créant ce droit a été adopté par 75 voix contre 41. L’hémicycle est revenu sur la version adoptée en commission mi-avril, qui accordait à la personne souhaitant recourir à l’aide à mourir la liberté de choisir entre auto-administration du produit létal et administration par un médecin ou un infirmier. Les députés ont adopté samedi un amendement du gouvernement précisant que celle-ci ne sera possible que lorsque le patient « n’est pas en mesure physiquement d’y procéder ».

« La position du gouvernement c’est de dire (que) le principe, c’est l’auto-administration, l’exception c’est l’accompagnement », a déclaré dans l’hémicycle la ministre de la Santé Catherine Vautrin. Pour plusieurs députés, il s’agissait « d’un point de rupture de l’équilibre du texte », selon les mots de la députée Horizons et ancienne ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, qui a plaidé la nécessité d’être « à l’écoute des soignants pour la construction de ce texte ».

À l’inverse, l’auteur et rapporteur du texte, Olivier Falorni, a exprimé son « désaccord » avec la remise en cause du « libre choix », rappelant qu’il s’agissait d’un « des points cruciaux » pour la Convention citoyenne qui avait été mise en place par le président de la République pour réfléchir sur le sujet. Ce que « je redoute, explique M. Falorni, c’est qu’un malade qui aurait dit ‘oui docteur, je le veux, je persiste, je maintiens, je veux une aide à mourir’ ne soit au final pas en mesure de le faire pourdes raisons diverses, commel’angoisseou lestress” ».

Pour Catherine Vautrin, l’auto-administration traduit en acte jusqu’au dernier moment la « volonté » de mourir du patient. Mais peut-être « qu’effectivement le cas du patient qui a dit ‘oui, je m’auto-administre’, mais qui, au moment de boire le produit, par exemple, ou de se l’injecter n’est pas en capacité, nécessite peut-être à ce moment-là un accompagnement », a-t-elle avancé. « Si on laisse l’appréciation au médecin de déterminer ce qu’est l’incapacité physique à le faire », certains pourraient juger que le stress en est une, et d’autres non, ce « n’est pas acceptable », s’est inquiété le député PS Stéphane Delautrette.

 

« Droit » contre « liberté »

Un amendement pour permettre à un « proche » d’administrer le produit létal a été rejeté. Comme un autre souhaitant ouvrir la possibilité d’une aide à mourir en tenant compte des directives anticipées.

Dans la soirée, l’hémicycle a commencé à discuter d’un autre article-clé, celui définissant les critères d’éligibilité à l’aide à mourir. Cinq critères cumulatifs sont prévus dans le texte issu de la commission : être âgé d’au moins 18 ans ; français ou résidant en France ; atteint d’une « affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; cette dernière provoquant une « souffrance physique ou psychologique » réfractaire aux traitements ou insupportable ; être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Peu avant minuit, un amendement souhaitant ouvrir l’accès à l’aide à mourir dès 16 ans, avec le consentement des parents, porté par le député insoumis Hadrien Clouet, a été rejeté. Plus tôt dans la journée, les députés ont débattu sur la définition de l’aide à mourir et la sémantique, certains opposants tentant, sans succès, de lui substituer les notions de « suicide assisté » et « d’euthanasie ».

D’autres ont voulu remettre en cause la notion de « droit » à l’aide à mourir, estimant aller trop loin avec « un droit » et lui préférant la simple « liberté » qui offre une possibilité.

La droite a connu les mêmes revers lorsqu’elle a voulu préciser la notion en aide « active » à mourir. « L’aide à mourir, cela existe déjà. Et tous les médecins, toutes les infirmières font de l’aide à mourir. Nous aidons à mourir sans provoquer la mort », s’est inquiété Philippe Juvin (Les Républicains). « Administrer une substance létale, en quoi est-ce que ça peut être une aide ? Ce sera toujours administrer la mort », s’est agacé Christophe Bentz (Rassemblement national).

Dépassant les clivages politiques, la proposition de loi sur l’aide à mourir devrait continuer d’être âprement débattue dans l’hémicycle dès lundi. Quelque 1 774 amendements doivent encore être étudiés.

Avec Afp

Dessin Deligne source Urtican

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