L’alerte a sonné chez les militants à la mi-janvier : Bernard Senet, médecin à Velleron, conseiller municipal et ancien président du MRAP Vaucluse venait de subir quelques jours avant une garde à vue de 36 heures à Marseille, précédée d’une perquisition à son domicile le matin même. Les gendarmes, après avoir fouillé ses disques durs et sa maison, lui ont posé plus de 200 questions avant de le relâcher. Très vite la question se posait:  cette arrestation était-elle en rapport avec son activité en faveur des sans-papiers ? Mais c’est un autre engagement, en faveur d’une fin de vie digne, qui valait à Bernard Senet ces péripéties.


 

 

Bernard Senet, en tant que médecin et en tant qu’homme a fait depuis 30 ans le choix conscient d’aider ceux qui le demandent à abréger leurs souffrances plutôt que de les subir. Il a accepté d’être médiatisé dans l’émission « Bas les masques » dans les années 90 pour motiver d’autres médecins à parler, sans succès. Suite à un premier coup de filet en octobre 2020 qui avait donné lieu à des dizaines de personnes perquisitionnées et parfois arrêtées un peu partout en France, il a, avec 11 autres personnes dans le pays, été perquisitionné et mis en garde à vue pendant 36 heures. Le point commun des personnes arrêtées était de s’être procuré ou de détenir du penthotal et d’être au centre d’un trafic. Le deuxième coup de filet de ce mois de janvier a concerné une douzaine de personnes dont le docteur Senet, tous membres de l’association Ultime Liberté qui en plus de mener des actions en faveur du choix de ses adhérents auprès des politiques, les conseille activement.

 

 


Les soutiens à Bernard Senet ont été nombreux à se manifester, très rapidement, et ce dernier a fini par donner de ses nouvelles. Nous l’avons interrogé.


 

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette affaire ?

Je suis convoqué au Palais de justice à Paris en mars pour importation de produit interdit, pour en avoir fait la promotion et avoir aidé à s’en procurer. J’avais peur d’être accusé d’abus de faiblesse mais je suis incriminé pour avoir encouragé neuf personnes à prendre du penthotal, mais je ne connais pas la moitié de ces personnes. Un autre médecin est accusé de la même chose et sur les trois personnes qui l’accusent d’avoir procuré ce produit, il y en a deux qu’il ne connaît pas non plus.

 

Est-ce en rapport avec le débat sur la fin de vie ?

La dernière loi à avoir été votée date du mandat de François Hollande, la loi Leonetti/Claeys. Globalement, elle dit que si l’entourage est d’accord et qu’il y a une directive antérieure on peut arrêter les soins et administrer une sédation terminale. Mais cette loi ne satisfait pas les associations qui militent pour une interruption volontaire de vie.

 

Et que veulent les associations ?

Il y a trois grandes associations qui se battent sur le terrain du droit à mourir dans la dignité : L’ADMD (Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité), une autre Le Choix, scission de l’ADMD, et Ultime Liberté. Les deux premières font essentiellement du lobbying auprès des parlementaires, la troisième dont je suis membre conseille aussi des patients. Nous voulons que la loi permette, si la personne est décidée à mourir, qu’on puisse l’aider à partir activement. Aujourd’hui il y a trois propositions de loi sur la table. Celle du député ex-PS passé à LREM, Jean-Louis Touraine, qui reprend les attendus de la loi belge avec une clause précisant que la personne doit être proche du moment de sa mort. Il y a pourtant des gens qui souffrent mais pourraient vivre des années ainsi et demandent à mourir. C’est une loi que je qualifie de très modérée. Une autre loi est proposée par Caroline Fiat, de la France Insoumise, mais ne dispose pas de niche parlementaire. Il y a enfin une proposition de loi d’un député LR et d’une sénatrice socialiste, c’est celle qui a notre préférence. Elle sera examinée au Sénat le 11 mars prochain.

 

Quelles sont les suites à attendre de ces arrestations multiples et de ces accusations de trafic ?

Les accusations de trafic sont tombées parce qu’aucun d’entre nous n’a tiré de bénéfices de cette affaire. Pour ma part, je me suis toujours contenté de conseiller les personnes et de leur donner une adresse internet ou ils pouvaient trouver le produit, après m’être assuré que cela se posait médicalement. Je n’ai jamais commandé de produits moi-même. J’avoue que je ne comprend pas l’objectif de cette arrestation.

 

On ne connaît pas les raisons de ce coup de filet ?

D’après les informations dont je dispose, les douanes des États-Unis ont alerté les autorités françaises qui ont voulu faire du zèle puisque 130 perquisitions ont eu lieu le même jour et à la même heure en octobre dernier. La police est tombée sur des gens très âgés, malades, parfois les gens étaient déjà décédés. Il n’est pas impossible qu’en remontant les conversations téléphoniques elle soit tombée sur nous, sur les membres de l’association Ultime Liberté, ce qui a amené ces perquisitions en janvier.
J’ai aussi appris que le juge d’instruction se battait contre les abus de faiblesse, et il n’est pas impossible qu’il ait considéré que nous abusions de la faiblesse des gens. L’association Ultime Liberté ne se contentant pas de lobbying, nous pensons aussi qu’elle gêne par sa position sur une assistance active, et que c’est l’occasion, par un coup de filet qui concerne les membres de son conseil d’administration, pour l’éliminer du débat public.
J’espère que les parlementaires et les associations parviendront à convaincre notre monarque républicain d’avoir la responsabilité de mettre à l’ordre du jour ce sujet qui n’est plus tabou pour une grande majorité de la population. Un éventuel procès sera une bonne occasion d’en reparler. Nous sommes convoqués le 8 mars prochain au tribunal à Paris, ce sera le moment de se faire entendre.

 

Propos recueillis par Christophe Coffinier

 


http://ultimeliberte.net/
https://www.admd.net/
https://choisirmafindevie.org/


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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.