La France perd cinq places dans le classement mondial de l’Indice de Perception de la Corruption établi chaque année par Transparency International. Le constat de l’ONG est sans appel : la France risque de perdre le contrôle de la corruption.
La publication de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2024 par Transparency International (TI) révèle une dégradation alarmante et inédite de la situation française. La France perd cinq places dans le classement mondial, tombant à la 25e position, dix rangs derrière l’Allemagne, pour atteindre un score de 67. Cette baisse, sans précédent depuis la création de l’indice en 1995, met en lumière des failles structurelles dans la lutte contre la corruption, aggravées par des scandales récents et une perte de confiance dans les institutions démocratiques. Le constat de Transparency International est sans appel : la France risque de perdre le contrôle de la corruption.
Un signal d’alerte pour la démocratie
L’indice s’appuie sur 13 sources de données qui recueillent les avis d’experts et de dirigeants d’entreprise à travers le monde sur divers comportements corruptibles dans le secteur public. Il constitue un outil unique à l’échelle internationale pour analyser la corruption dans plus de 180 pays. Autant le score (historiquement bas) que l’ampleur du recul sont inédits pour la France : cette chute dans le classement reflète la profonde crise politique et de confiance que traverse le pays depuis plusieurs mois. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle place la France en dessus de la moyenne des pays catégorisés comme pleinement démocratiques (indice moyen de 73) ainsi que celle des États qui présentent un espace civique ouvert (indice moyen de 70).
La corruption sape les bases de la démocratie. Pourtant, la lutte contre la corruption et pour la probité a été singulièrement absente de la campagne législative et du débat public tout au long de l’année 2024, n’apparaissant que comme une préoccupation secondaire pour l’exécutif.
Une défiance accrue vis-à-vis du personnel politique et des institutions
La perception de la corruption en France découle en partie de la représentation des Français.e.s vis-à-vis des décideurs politiques. En décembre 2023, déjà, TI-France, en lien avec la Fondation Jean Jaurès1, réalisait un sondage révélant l’ancrage d’un sentiment de défiance à l’égard du personnel politique. Il semble s’être amplifié durant l’année 2024 sous l’effet de trois dynamiques :
En premier lieu, plusieurs scandales majeurs impliquant des figures politiques et des partis nationaux (affaire des attachés parlementaires du RN, affaire Bygmalion… ) ont occupé le premier plan médiatique. Par ailleurs, au cours des derniers mois, l’exécutif paraît avoir définitivement renoncé aux promesses de 2017 concernant la construction d’une République exemplaire. Le maintien de ministres mis en examen dans leurs fonctions, la remise en question des règles de non-cumul des mandats… sont autant d’initiatives susceptibles d’avoir alimenté la perte de confiance vis-à-vis du personnel politique. Enfin, cette dégradation de la relation aux décideurs provient aussi de l’instabilité politique qui a marquée l’année 2024. Les manœuvres politiques, les négociations en coulisse… ont contribué à une défiance accrue vis-à-vis des institutions en charge de préserver l’intérêt général contre les intérêts particuliers.
Un sentiment d’impuissance de l’action publique face à un phénomène de plus en plus incarné
Cette suspicion a pu être alimentée par un sentiment de collusion entre intérêt général et intérêts privés. L’influence des cabinets de conseil dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, le poids des lobbys… ont fait l’actualité en 2024. Au cours des mois écoulés, et de manière probablement inédite, la corruption s’est incarnée dans des débats en prise directe avec les préoccupations quotidiennes des Français.e.s, dépassant le seul horizon des affaires politico-financières. Elle s’est notamment imposée dans les débats en lien avec la lutte contre le narcotrafic, visibilisant les risques de pénétration de la criminalité organisée dans la sphère publique. Pour sa part, le très médiatique scandale Nestlé-Waters a révélé les implications concrètes pour la santé des consommateurs et l’environnement de pratiques corruptives.
Face à cette situation critique, la France ne peut détourner le regard. Alors que la défiance des citoyen.ne.s envers les institutions et les responsables politiques menace le pacte républicain, la lutte contre toutes les formes de corruption est un impératif pour préserver la vie démocratique.
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Notes:
- La Fondation Jean-Jaurès est un think tank, autrement dit un laboratoire d’idées, centre de recherche et de réflexion sur les évolutions de la société.L’Europe, la démocratie, l’environnement… font partie des sujets de prédilection de ses publications. L’histoire de la fondation est intimement liée à celle du PS pour lequel elle assure une prestation d’archivage. Le fondation a vocation à éclairer tous les décideurs politiques, mais le seul parti avec lequel elle ne travaille pas, c’est le Rassemblement national. Depuis 2017 et l’élection de Macron, la Fondation a élargi le spectre des experts avec qui elle travaille.