La fortune des milliardaires a augmenté trois fois plus vite en 2024. L’ONG Oxfam dénonce l’accroissement des inégalités mondiales, dans un rapport publié lundi. Elle propose une série de mesures pour lutter contre la pauvreté et le risque démocratique que pose, selon elle, la multiplication du nombre de milliardaires.


 

L’ONG de lutte contre la pauvreté Oxfam alerte sur l’accroissement des inégalités mondiales, lundi 20 janvier, dans son rapport annuel intitulé « L’art de prendre sans entreprendre« . « La richesse des milliardaires a augmenté de 2 000 milliards de dollars en 2024, soit trois fois plus vite qu’en 2023 », pointe le communiqué de presse qui accompagne l’étude, publiée le jour de l’ouverture du Forum économique mondial de Davos (Suisse) et de l’investiture du milliardaire Donald Trump à la présidence des États-Unis.

En 2024, 204 personnes supplémentaires sont devenues milliardaires dans le monde, soit près de quatre nouveaux milliardaires par semaine en moyenne, pointe l’ONG. À ce rythme, le monde devrait compter cinq multimilliardaires possédant « plus de 1 000 milliards de dollars » d’ici à dix ans. En France, si la fortune cumulée des milliardaires n’a pas augmenté en 2024, elle a grossi « de plus de 24 milliards d’euros depuis 2019, soit de 13 millions d’euros par jour ».

Plus d’un tiers des milliardaires mondiaux le sont en raison de leur héritage, et non de leur entrepreneuriat, a aussi calculé l’ONG. Dans le même temps, 44 % de l’humanité vivait sous le seuil de pauvreté en 2024, selon la Banque mondiale.

« Une influence croissante sur les industries et l’opinion »

« De nombreux super-riches doivent une partie de leur richesse au colonialisme historique et à l’exploitation des pays plus pauvres », avance également Oxfam. « La dynamique d’extraction des richesses persiste aujourd’hui », décrit le rapport qui dénonce par exemple le poids que représente le remboursement de la dette des pays du Sud en direction de créanciers de pays du Nord. Le document souligne également que la spécialisation à outrance des économies du Sud, héritées de la période coloniale, entraîne l’importation de l’immense majorité des produits du quotidien, vendus à un prix très cher aux habitants.

« Cette concentration croissante de la richesse s’accompagne d’une concentration monopolistique du pouvoir, dénonce par ailleurs Oxfam, les milliardaires exerçant une influence croissante sur les industries et l’opinion ». L’ONG évoque l’exemple américain, où le patron de X et milliardaire Elon Musk a soutenu la candidature du milliardaire Donald Trump pour la présidence. « Le sujet aujourd’hui n’est pas seulement que les milliardaires contribuent à l’élection de tel ou tel dirigeant, mais c’est qu’ils les fabriquent », a ainsi souligné la patronne d’Oxfam France, Cécile Duflot. Aux États-Unis, mais aussi en France, où le milliardaire Vincent Bolloré « met sa fortune personnelle au service d’un agenda politique d’extrême droite », avance Layla Abdelké Yakoub, référente sur la justice fiscale et les inégalités à Oxfam France.

Des fortunes colossales au goût de colonialisme

Pour comprendre les inégalités actuelles et ces niveaux d’extrême richesse, il est impératif d’étudier le lourd héritage de notre passé colonial. De nombreux super-riches doivent une partie de leur richesse au colonialisme historique et à l’exploitation des pays plus pauvres. La dynamique d’extraction des richesses persiste aujourd’hui grâce au système financier et avec le concours d’institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale qui imposent des conditions drastiques aux pays du Sud ; des milliards de dollars continuent d’affluer des pays du Sud vers les pays du Nord et leurs citoyens les plus riches. Ainsi, selon le rapport d’Oxfam, les 1 % les plus riches du Nord ont en 2023 ponctionné 30 millions de dollars par heure aux pays du Sud.

Inégalités mondiales : les chiffres-clés

Dans le monde
  • En 2024, la fortune des milliardaires a augmenté de 2 000 milliards de dollars, un rythme trois fois plus rapide qu’en 2023.
  • Oxfam prévoit qu’il y aura au moins cinq multimilliardaires dont la fortune dépassera les 1 000 milliards de dollars dans une décennie.
  • 204 nouveaux milliardaires ont vu le jour en 2024, soit près de quatre par semaine.
  • En 2023, les 1 % les plus riches du Nord ont ponctionné 30 millions de dollars par heure aux pays du Sud.
En France
  • Depuis 2019, la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 24 milliards d’euros au total, soit 13 millions d’euros par jour.
  • Une personne parmi les 1 % les plus riches gagne en 6 jours ce qu’une personne parmi les 50 % les plus pauvres gagne en 1 an.
  • Le 1 % des Français⸱e.s les plus riches ont ponctionné près de 20 milliards d’euros aux pays du Sud en 2023 — soit près de 2,3 millions d’euros par heure — par l’intermédiaire d’un système financier largement plus favorable aux pays riches du Nord.

La réduction des inégalités patine

En France, et alors que la crise de la vie chère continue d’avoir des conséquences, la fortune des milliardaires français se maintient à des niveaux stratosphériques. Depuis 2019, cette richesse a en moyenne augmenté de 13 millions d’euros par jour quand, dans le même temps, les associations ne cessent d’alerter sur les situations critiques dans lesquelles se trouvent des millions de Français.e.s.

Oxfam a calculé que seulement 10 % de la fortune cumulée des milliardaires français suffirait pour atteindre l’objectif de 50 milliards d’économies recherché actuellement par le gouvernement pour le budget 2025.

Pour lutter contre la pauvreté et le risque démocratique que représente l’accroissement des inégalités, l’ONG prône une série de mesures, parmi lesquelles la « taxation plus forte de richesses héritées ou injustement gagnées », le plafonnement des rémunérations des PDG ou l’annulation des dettes des pays en voie de développement. L’organisation se réjouit à ce titre de la « victoire symbolique » que représente la probable introduction, dans le budget 2025, d’une « contribution différenciée sur les hauts revenus » et d’une « contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises ».