Toute cette semaine nous avons été tenu.e.s en haleine, parfois sans y croire vraiment, parfois avec l’espoir même ténu : voir enfin les armes se taire à Gaza, le mercredi 15 Janvier un accord a été signé entre le Hamas et Israël. Accueilli à Gaza avec une joie teintée de peur, cet accord est vu avec calme et prudence d’autant que le matin même de son entrée en vigueur, le dimanche 19 Janvier, les bombardements et les massacres continuaient dans le Nord de Gaza. Un retour sur cette semaine chaotique et incertaine s’impose à partir de l’analyse de nos correspondants à Gaza.

 

Le 13 Janvier Abu Amir écrit :

« Cette fois, un grand optimisme règne parmi les habitants de Gaza, en particulier avec la diffusion par les médias israéliens d’informations sur le démantèlement du point de contrôle de Netzarim, qui sépare le nord et le sud de la bande de Gaza. Ce développement a ravivé l’espoir des habitants du nord du territoire, qui attendent un retour imminent dans leurs foyers, même si leurs maisons ont été complètement détruites… De plus, plusieurs employés de l’UNRWA, qui se déplacent entre le nord et le sud de la bande de Gaza, ont confirmé que l’armée israélienne est en train de démanteler les caméras et les blocs de béton. Cela a renforcé l’optimisme des déplacés, qui aspirent toujours à retourner dans leurs foyers, même si ces derniers ne sont plus que des ruines. »

le 15 Janvier une annonce officielle intervient concernant un cessez le feu temporaire, compromis en attente d’approbation par le gouvernement israélien qui serait agrémenté de « cadeaux » mirifiques octroyés par la future administration américaine à Israël, autour de l’enjeu essentiel qu’est la Cisjordanie. C’est malgré tout un soulagement même si le gouvernement israélien a fait planer jusqu’à la dernière minute le doute sur son acceptation du compromis en accusant fallacieusement le Hamas, et en reportant au vendredi 18 Janvier la réunion du cabinet pour ratifier l’accord.

À Gaza Abu Amir écrit :

« Dans un développement notable, il a été officiellement annoncé qu’un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël entrera en vigueur dimanche prochain à 12h15. Cette annonce fait suite à d’intenses médiations régionales et internationales visant à contenir l’escalade et à mettre un terme au cycle de violence croissant dans le secteur. Cependant, malgré cette déclaration de cessez-le-feu, Israël a ciblé des civils seulement cinq minutes après son entrée en vigueur, en s’attaquant directement aux équipes chargées de sécuriser l’aide humanitaire. Ce bombardement a causé plusieurs blessés de gravité variable, qui ont tous été transportés dans des hôpitaux locaux. Cette action a suscité la colère de la population palestinienne et soulevé de nombreuses interrogations quant à la volonté réelle d’Israël de respecter les termes de la trêve. Par ailleurs, la bande de Gaza a connu des scènes de joie généralisée à l’annonce du cessez-le-feu : l’effervescence a gagné l’ensemble du territoire, et des foules immenses sont descendues dans les rues pour célébrer ce qu’elles considèrent comme une première avancée vers le calme. Néanmoins, et malheureusement, ces célébrations ont été marquées par des tirs nourris et indiscriminés, provoquant des dizaines de blessés parmi les mêmes participants, lesquels ont été transportés à l’hôpital pour recevoir des soins… Malgré tout, l’espoir subsiste qu’un cessez-le-feu, même partiel dans un premier temps, puisse mettre un terme à la souffrance humanitaire dans la région et ouvrir la voie à une solution globale et équitable pour l’ensemble de la question palestinienne. »

 

Les principales clauses de l’accord

  • 1. Les forces israéliennes doivent se retirer complètement de toutes les zones de la bande de Gaza et revenir aux frontières d’avant-guerre.

  • 2. Le point de passage de Rafah doit être rouvert et les forces israéliennes doivent se retirer entièrement de la zone.

  • 3. « Israël » doit faciliter le déplacement des blessés pour qu’ils puissent être soignés à l’étranger.

  • 4. « Israël » doit permettre l’entrée quotidienne de 600 camions d’aide, conformément à un protocole humanitaire soutenu par le Qatar.

  • 5. « Israël » doit faciliter l’entrée de 200 000 tentes et de 60 000 caravanes pour des abris immédiats.

  • 6. Un échange de prisonniers à grande échelle aura lieu, y compris la libération de 1 000 prisonniers de Gaza et de centaines de détenus purgeant de longues peines.

  • 7. « Israël » doit libérer de ses prisons toutes les femmes et tous les enfants de moins de 19 ans.

  • 8. Les forces israéliennes doivent se retirer progressivement du corridor de Netzarim et de la route Philadelphie.

  • 9. Les résidents déplacés doivent être autorisés à retourner chez eux, avec une liberté de mouvement garantie dans toute la bande de Gaza.

  • 10. Les avions hostiles doivent quitter l’espace aérien de Gaza pendant 8 à 10 heures par jour.

  • 11. Tous les hôpitaux de Gaza doivent être remis en état. Les hôpitaux de campagne, le matériel médical et les équipes chirurgicales doivent être autorisés à entrer sur le territoire. La première phase de l’accord, d’une durée de six semaines, prévoit la libération de 33 prisonniers israéliens, vivants ou morts. Cette phase comprend également le retour immédiat des personnes déplacées du sud de Gaza vers le nord, facilité par le retrait des forces israéliennes de la rue al-Rashid jusqu’au fond du corridor de Netzarim. Les phases suivantes porteront sur la libération des 66 prisonniers restants détenus par les organisations de la résistance palestinienne. Il a également indiqué que le cessez-le-feu serait mis en œuvre par étapes, et que les détails des deuxième et troisième étapes seraient annoncés après l’achèvement de la première phase. Cf. Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine

     

Le 16 Janvier Gaza est entre joie et crainte, l’agression israélienne se poursuivant malgré l’annonce d’un cessez-le-feu. Abu Amir écrit :

« Alors que les espoirs d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas renaissaient après plus de 15 mois de guerre sanglante, la bande de Gaza a été confrontée à une nouvelle escalade militaire hier soir. Au moins 77 personnes ont perdu la vie dans des frappes aériennes israéliennes menées par des avions de combat israéliens sur le territoire, quelques heures seulement après l’annonce de l’accord qui était censé mettre fin à ce conflit. Bien que l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ait été annoncé, il semble que le chemin vers la paix reste semé d’embûches. Tandis que Gaza fait face à une catastrophe humanitaire grave, la situation politique en Israël et au sein des Palestiniens demeure instable, ce qui pourrait menacer la réussite ou retarder l’accord, augmentant ainsi la souffrance des civils. Le report de la mise en œuvre du cessez-le-feu jusqu’à dimanche prochain suscite des interrogations légitimes parmi les habitants de Gaza, qui se demandent pourquoi cet accord n’a pas été appliqué immédiatement après son annonce. Ce délai a permis à Israël de continuer ses attaques sans entrave, exploitant le temps restant pour intensifier ses opérations destructrices. Avec l’annonce du cessez-le-feu, les habitants de Gaza éprouvent une grande joie, espérant la fin d’une machine de guerre qui les a épuisés pendant 15 mois. Cependant, cette joie est accompagnée d’anxiété et de crainte. Les Gazaouis redoutent qu’Israël commette des massacres massifs dans les deux jours restants avant l’entrée en vigueur de la trêve, une pratique qu’Israël a adoptée dans des conflits précédents en intensifiant les frappes dans les dernières heures avant un cessez-le-feu… Les Gazaouis se demandent : ce cessez-le-feu sera-t-il réel ou simplement une pause temporaire avant une reprise des hostilités ? »

Le 18 Janvier une nouvelle intensification des frappes sur Nuseirat a augmenté encore le nombre de victimes. Selon le ministère palestinien de la Santé, le nombre total de morts dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre 2023 est monté à 46.899, principalement des femmes et des enfants, avec 110.725 blessés. Lors du 470ᵉ jour de la guerre, le ministère a rapporté 23 morts et 83 blessés au cours des dernières 24 heures, soulignant la présence de victimes sous les décombres et dans les rues, difficilement accessibles en raison de la situation sécuritaire.

Le 18 Janvier au soir voilà ce qu’écrit Abu Amir :

« Les rapports internationaux et locaux dressent un tableau sombre de la situation humanitaire à Gaza, où la souffrance humaine et économique s’aggrave en raison des destructions massives. Alors que les opérations militaires sont temporairement suspendues, des questions persistent sur la capacité de la communauté internationale à fournir le soutien nécessaire pour reconstruire le territoire et permettre à ses habitants de reprendre une vie normale. »

 

Il faudra aussi faire le bilan des dommages aux infrastructures, des chocs économiques et de leur impact, des dégâts irréversibles, des ressources épuisées, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, de tout ce qui prolonge la guerre dans l’aggravation quotidienne de la situation humanitaire de cette guerre génocidaire sans fin et en direct dans le silence du monde entier.

Brigitte Challande

Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.