Pour trouver 60 milliards d’économie, le gouvernement Barnier s’attaque à la sphère sociale. Tour d’horizon du budget 2025 : Projet de loi de finances  (PLF) et Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).


 

Avec le projet de loi de finances 2025, le gouvernement Barnier entend ramener le déficit public à 5 % en 2025. Pour y parvenir, il annonce un effort budgétaire de 60 milliards d’euros, réparti entre 40 milliards de réduction des dépenses et 20 milliards de recettes supplémentaires. Pour ce faire, l’exécutif applique une politique d’austérité en créant des coupes drastiques dans les secteurs de l’ESS, du service public, de l’éducation, des droits sociaux, tout en multipliant les effets d’annonces en trompe l’œil.

En outre, d’après une étude publiée le 16 octobre par les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), organisme de recherche indépendant lié à la Fondation nationale des sciences politiques, le budget pour 2025 diviserait la croissance par deux et ne permettrait pas d’atteindre l’objectif de réduction du déficit public. Une analyse qui rejoint les constats des experts du Haut Conseil des finances publiques qui alertaient sur les risques accrus liés à la politique budgétaire.

 

Budget 2025 : des mesures en trompe l’œil

Le gouvernement prévoit un freinage des dépenses publiques pour 21,5 milliards d’économie et compte supprimer 2 200 postes dans l’administration répartis entre les ministères et les opérateurs de l’État.

Baisse des recettes et des dépenses des collectivités locales : les collectivités locales vont accuser une diminution drastique de leur budget. Elles supporteront 5 milliards sur les 60 milliards de baisse des dépenses du budget de la France, dont 2,5 milliards pour les seuls départements. 85 % de ces collectivités ne pourront plus faire face à leurs engagements et les plus précaires, notamment, en subiront les conséquences.

Dans l’Éducation, le budget 2025 prévoit, en invoquant la baisse démographique, la suppression de 4 030 poste d’enseignants, principalement en maternelle et élémentaire, malgré des classes surchargées et sans qu’aucune nouvelle mesure salariale pour augmenter l’attractivité du métier n’ait été décidée. 3 155 poste dans le premier degré, 181 dans le second et 664 dans le privé devraient être supprimés. 2 000 postes d’AESH (Accompagnant d’élèves en situation de handicap), métier précarisé, non reconnu et sous-payé, sont annoncés.

L’enseignement supérieur et la recherche, après une baisse par décret de 588 millions en février dernier, voit sa dotation augmentée de 89 millions d’euros.

Les mesures en matière de « justice fiscale » sont hautement mises en avant par le gouvernement Barnier, notamment l’augmentation de l’impôt sur les très hauts revenus pendant trois ans. Une personne seule qui gagne 250 000 euros par an et un couple dont les revenus s’élèvent à 500 000 euros par an se verront imposée de 20 %. Il n’y a pas de petites économies : les très riches et les milliardaires, qui excellent dans le domaine de l’optimisation fiscale légale et savent entretenir le flou gaussien entre patrimoine et revenus professionnels, ne payent quasiment pas d’ISF ; 20 % de quasiment rien égale quasiment rien. Le résultat de cette mesure chiffrée par Bercy s’élèverait au maximum à 2 milliards d’euros.

 

 

Les mesures temporaires (2 ans) sur les entreprises ne touchent que 400 entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros par an. Ce qui rapporterait 8 milliards d’euros en 2025 et 4 milliards en 2026.

S’ajoute au tableau des mesures des aides réduites aux entreprises et à l’emploi, la baisse du financement de l’apprentissage, du compte personnel de formation (CPF), une réduction du soutien aux contrats aidés, au réseau des missions locales

L’euphorie des JO paralympiques retombé, le gouvernement ponctionne l’argent dédié aux personnes en situation de handicap. L’Agefiph est une association qui accompagne et sécurise tout au long du parcours professionnel les personnes handicapées (aide financière, conseil et accompagnement, réseau d’échange, outil et documentation, formation). Son financement dépend des contributions des entreprises qui ne respectent pas le minimum légal de 6 % de travailleurs en situation de handicap. Le budget de 2025 prévoit de plafonner la part de la somme qui lui est dédiée à 457 000 euros alors que L’Agefiph prévoyait un budget de 550 millions ; la différence, 20 % ou 100 millions d’euros, ira dans les caisses de l’État.

Côté environnement, le gouvernement Barnier prévoit 1,9 milliard d’euros d’économies grâce à un « recalibrage des aides écologiques » [baisse des bonus écologiques pour les voitures électriques, coupes dans le Fonds vert de soutien aux collectivités locales — 1,5 milliard d’euros —, dans la trésorerie de certains opérateurs excédentaires, à savoir les agences de l’eau, l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) et l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit)]. À la recherche de 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires, les dernières coupes passeront par des amendements soumis au Parlement. La mission Écologie, développement et mobilité durables, qui dépend du ministère de la Transition écologique et de celui des Transports, subira 900 millions d’euros d’économies en sus des précédentes coupes.

Dans le domaine de la santé, le gouvernement promet une augmentation de 3 % des moyens hospitaliers l’année prochaine. Parallèlement, 700 millions d’euros seront prélevés sur l’hôpital, notamment grâce aux optimisations d’achat et à l’augmentation des cotisations des employeurs hospitaliers et territoriaux pour renflouer la caisse de retraite de leurs agents. Une hausse qui ne s’élèvera en réalité que de 2 %, presqu’autant que l’inflation qui devrait atteindre 1,8 % l’an prochain.

L’enveloppe allouée aux Sports diminue de 889 M€ à 715 M€, un recul de près de 174 millions d’euros. Ainsi, le gouvernement maintient sa garantie financière de 500 M€ essentielle à la candidature de la France pour les Jeux d’hiver de 2030. Une décision adaptée aux réels besoins sur le terrain, selon le ministre des Sports, Gil Avérous.

Pour la Culture : le budget 2025 s’annonçait équivalent à celui de 2024 négocié par Rima Abdul Malak, sans la prise en compte des 2 % d’inflation ; Le gouvernement s’apprête à supprimer 150 millions d’euros par voie d’amendement (source Télérama) dans les caisses du ministère (soit 3 % de son budget) et celles de l’audiovisuel public.

Les radios associatives devaient subir une coupe de 10,4 millions d’euros du Fonds de soutien à l’Expression radiophonique (FSER) soit une réduction d’environ 30 % de leur dotation. Grâce à la mobilisation des acteurs, le gouvernement s’est engagé à maintenir les crédits au niveau de ceux alloués en 2024. À suivre…

Par ailleurs, la taxe sur l’électricité passe de 33 euros à environ 50 euros du MWh ; une taxe sur les billets d’avion est envisagée ; la TVA sur l’installation d’une chaudière à gaz, actuellement de 5,5 % ou 10 %, passerait à 20 %.
La suppression d’une journée de congé envisagée permettrait d’engranger 2 à 3 milliards d’euros supplémentaires, selon un rapport sénatorial.

Le gouvernement promet des hausses substantielles pour le régalien et la sécurité, à l’Intérieur, à la Justice et aux Armées.

Le budget de l’armée est conforme à la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, il se dote de 50,5 milliards d’euros soit 3,3 Mds de plus qu’en 2024.
Le ministère de la Justice obtient une rallonge de 250 millions d’euros.
Quant à l’Intérieur, son budget passe de 16,7 milliards en 2024 à 17,3 milliards d’euros en 2025, dont 587 millions d’euros pour la mission « Sécurités » qui regroupe la police, la gendarmerie et les services de gestion de crise.

 

Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS)

Le gouvernement vise une économie de 4 milliards pour la branche maladie de la sécurité sociale : les mesures pénalisent principalement les assurés sociaux alors que l’accès aux soins se complique et que les besoins en matière de santé grandissent.

Le budget de la sécurité sociale prévoit :

D’augmenter les consultations de médecine générale, qui passeront de 26,5 à 30 euros le 1er décembre prochain. L’Assurance-maladie remboursera 21 euros (ceux qui n’ont pas de complémentaire santé paieront 9 euros de leur poche).
De baisser les remboursements des consultations chez les médecins et les sages-femmes, qui passeront de 70 % à 60 % (ceux qui n’ont pas de mutuelle paieront 12 euros de leur poche). Ces baisses vont entraîner une hausse des tarifs des complémentaires santé, qui ont déjà fait l’objet d’une augmentation de 8 % en 2024. La ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, assure pourtant que les plus fragiles seront protégés.
De réduire le plafond de prise en charge des arrêts maladie de 1,8 à 1,4 SMIC, les indemnités journalières seront abaissées à 40 euros par jour au lieu de 52 euros aujourd’hui.
De mettre à contribution les retraités en gelant les pensions, sans distinction entre les grosses et les petites retraites. La date d’indexation des pensions de retraite sur l’inflation sera décalée du 1ᵉʳ janvier au 1ᵉʳ juillet.

Dans la fonction publique :
Le délai de carence pour arrêt maladie sera augmenté de 1 jour à 3 jours et l’indemnisation en cas d’arrêt maladie sera abaissée à 90 % du salaire.

 

PLF/PLFSS 2025, ça s’en va et ça revient ?

Lors de l’examen du projet en commission des Finances de l’Assemblée nationale, de nombreux amendements ont été portés par des députés, comme relever la « flat tax1 » sur les revenus du capital de 30 % à 33 %, la taxation des « supers dividendes et super profits », la restriction du Pacte Dutreil (exonération de la transmission familiale d’entreprise), le doublement de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritimes, la pérennisation de l’impôt minimum de 20 % sur les hauts revenus…

Ce contre-budget sur la partie recettes, validé par l’ensemble de la gauche, a été rejeté samedi 19 octobre par le « socle commun » (camp présidentiel, centre et droite) et par le RN. Selon Éric Coquerel, président de la commission des Finances, le projet du NFP demandait un effort « uniquement sur les plus aisés, les revenus du capital et les supers profits des entreprises au profit des classes moyennes et populaires » et apportait 60 milliards d’euros supplémentaires que le texte initial.

Suite au rejet du texte, la version première du gouvernement est revenue en séance publique au Parlement où elle a été débattue du 21 au 27 octobre dans un hémicycle très clairsemé. La partie « recettes » du PLF, qui devait être votée le 29 octobre, n’a pu être menée à son terme. Largement révisée, elle sera réétudiée à l’Assemblée le 5 novembre.
Le « volet dépenses », deuxième partie du PLF, prévue le 5 novembre, devrait être débattu le 7 novembre. Le vote solennel sur l’ensemble du PLF est prévu le 19 novembre.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) a pris le relais dans l’hémicycle lundi 28 octobre.

Lundi 4 novembre, la partie « recettes » du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été adoptée à 126 voix « pour » (la gauche), 98 « contre » (la droite et les macronistes) et l’abstention du RN. Le texte, largement amendé par le Nouveau Front populaire, qui prévoit notamment 17 à 20 milliards de cotisations supplémentaires, augmente notamment les cotisations sociales sur les revenus du capital ou encore le durcissement des sanctions contre le travail dissimulé. L’Assemblée va ainsi pouvoir entamer en soirée l’examen de la partie « dépenses » du texte. Le vote solennel est prévu le 5 novembre avant minuit.

Ces votes n’ont toutefois aucun caractère définitif. Les deux projets de loi continuent leur parcours parlementaire et le temps règlementaire s’écoule (voir note : Quels sont les délais d’examen d’un projet de loi de finances ?).2 En l’absence de majorité à l’Assemblée, plusieurs options sont envisageables : l’usage de l’article 49.3 par l’exécutif, le retour au Sénat – majoritairement de droite – du texte initial ou modifié par les amendements de l’Assemblée acceptés par le gouvernement, la convocation de la commission mixte paritaire3 a priori acquise au socle commun. Si le Parlement n’a pas pu venir à bout de l’examen des textes dans le délai constitutionnel, le budget peut être imposé par ordonnance. Chacune de ces options permet in fine au gouvernement d’avoir le dernier mot.

Cette stratégie, concoctée avec l’assentiment tacite du RN, fait peser l’essentiel des efforts sur les classes pauvre et moyenne qui vont en pâtir le plus. Sauf à corriger le tir, le gouvernement pourrait bien faire resurgir la colère et subira la responsabilité des conséquences sociales et politiques.

Sasha Verlei

 

Notes:

  1. La Flat Tax est un prélèvement forfaitaire de 30% sur les revenus de capitaux mobiliers, instauré en 2018 pour attirer les investissements.
  2. Quels sont les délais d’examen d’un projet de loi de finances ? Des délais très serrés sont imposés par l’article 40 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La loi de finances pour 2025 doit être promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel au plus tard le 31 décembre 2024. D’ici là, le Parlement a 70 jours pour se prononcer. Comme l’indique Public sénat, « l’examen par l’Assemblée nationale doit se dérouler dans un délai de 40 jours à compter du dépôt du projet de loi de finances. Dans le cas où les députés n’auraient pas réussi à procéder au vote dans ce délai, si l’article 47 de la Constitution n’est pas utilisé, c’est le texte initialement présenté par le Gouvernement, “modifié le cas échéant par les amendements votés par l’Assemblée nationale et accepté par lui”, qui est transmis au Sénat. Il en va de même en cas de rejet du texte par l’Assemblée nationale. Le Sénat a ensuite un délai de 20 jours pour examiner le budget. Si les deux chambres votent le texte en des termes différents, une commission mixte paritaire est convoquée. Il est ensuite renvoyé aux deux assemblées pour l’adoption finale. En cas de non-respect du délai de 70 jours, les dispositions du texte peuvent entrer en vigueur par ordonnance. »
  3. La commission mixte paritaire (CMP) est, dans le processus législatif français, une commission composée de sept députés et sept sénateurs, auxquels s’ajoutent autant de membres suppléants, chargée de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat en cas de désaccord persistant entre ces assemblées.
Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.