Des experts de l’ONU mandatés par le Conseil des droits de l’Homme alertent sur la situation en Nouvelle-Calédonie : le projet de loi constitutionnel du gouvernement français menace les droits acquis des peuples Kanaks et constitue des « violations graves des droits humains ».
Trois mois après le début des révoltes liées au projet de loi français qui prévoit d’élargir le corps électoral calédonien pour les élections provinciales, les indépendantistes restent fortement mobilisés et les violences persistent dans l’archipel. Un homme de 43 ans a été tué jeudi 15 août par un tir de gendarme à Thio dans l’est, ce qui porterait à 11 le nombre de victimes. Le couvre-feu est maintenu ainsi que l’interdiction du port et du transport d’armes et la vente d’alcool jusqu’au 26 août.
Dans un communiqué accessible sur le site du Haut commissariat des Nations Unies les quatre rapporteurs indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme1 notent que « des dizaines de milliers de manifestants Kanaks se sont mobilisés pacifiquement depuis février pour dénoncer ces réformes ». Ils estiment que l’absence de dialogue avec les autorités coutumières « a provoqué un violent conflit qui fait rage depuis mai 2024. »
« Conscients des actes de violence et des dommages aux biens privés et public commis par certains manifestants », les experts dénoncent néanmoins l’usage excessif de la force par le gouvernement français. Ils s’alarment de « l’intensité de la réponse répressive », du « caractère raciste et discriminatoire de certains actes de violence », des morts, des blessés, des nombreuses arrestations, détentions arbitraires et « disparitions forcées » et se disent « particulièrement préoccupés par les allégations concernant l’existence de milices lourdement armées de colons opposés à l’indépendance ».
Les rapporteurs sont également « préoccupés par certains développements qui montrent une tentative de démanteler l’Accord de Nouméa, feuille de route du processus de décolonisation ». « Le projet de loi fera annuler les acquis majeurs de l’Accord de Nouméa liés à la reconnaissance de l’identité autochtone kanake, des diverses institutions coutumières kanakes ainsi que du droit coutumier et des droits fonciers. » Ils demandent donc au gouvernement français de « garantir l’État de droit », « d’engager rapidement un dialogue avec le Comité spécial de la décolonisation et les institutions coutumières kanak pour trouver une solution pacifique au conflit », de faire respecter le principe d’irréversibilité de l’Accord de Nouméa qui doit être garanti par la constitution jusqu’à ce que la Nouvelle-Calédonie atteigne la pleine souveraineté et l’abrogation complète de la réforme constitutionnelle sur le corps électoral, suspendue à l’issue des législatives.
Le rapport n’a pas manqué de soulever la colère des Loyalistes et du Rassemblement-LR. Les non-indépendantistes considèrent que la « communication partisane de quatre hauts fonctionnaires de l’ONU est une faute politique grave » qui « ternit durablement le travail jusqu’alors respectable des Nations unies sur la question calédonienne ».
Notes:
- 1- Dans le cadre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, des experts indépendants des droits de l’homme ont pour mandat de rendre compte de la situation des droits de l’homme et de fournir des conseils en la matière du point de vue d’un thème ou d’un pays particulier. Ils ne perçoivent aucune rémunération et sont élus pour un mandat de trois ans, qui peut être reconduit pour trois années supplémentaires.