Emmanuel Macron a affirmé mardi qu’il n’avait pas l’intention de nommer de nouveau gouvernement avant la fin des Jeux olympiques, « mi-août », et a balayé la candidature surprise de Lucie Castets avancée par la gauche pour Matignon.
Coup de théâtre une heure avant l’interview du chef de l’État sur France 2, France Inter et franceinfo : le Nouveau Front populaire est parvenu à s’entendre sur le nom de Lucie Castets*, une haute fonctionnaire inconnue du grand public engagée dans la défense des services publics.
« Je pense que je suis une candidate crédible et sérieuse pour un président qui valorise les profils techniques », a dit cette représentante de la société civile à l’AFP, plaidant pour « l’abrogation de la réforme des retraites » et une « amélioration du pouvoir d’achat ».
Fin de non-recevoir immédiate du président de la République. « Il est faux de dire que le Nouveau Front populaire aurait une majorité, quelle qu’elle soit », a-t-il répondu. « La question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée », a-t-il ajouté.
« La responsabilité de ces partis » qui se sont unis dans un front contre l’extrême droite entre les deux tours des législatives, « c’est de savoir faire des compromis », a estimé Emmanuel Macron. C’est « quelque chose que toutes les démocraties européennes font » et « que nos compatriotes attendent », même si ce « n’est pas dans notre tradition ».
Lucie Castets pour un changement de méthode
Lucie Castets, candidate désignée par la gauche pour Matignon, a demandé, mercredi 24 juillet, au président de la République de la nommer Première ministre, tout en jugeant qu’une coalition entre la gauche et le camp présidentiel était « impossible ».
Déplorant sur France Inter « l’inconséquence » d’Emmanuel Macron et son « déni de démocratie » devant le rejet de sa candidature, la haut fonctionnaire l’a prié de « prendre ses responsabilités ».
Questionnée sur la façon dont elle construirait une majorité dans un Hémicycle fracturé en trois blocs, Lucie Castets a assuré vouloir « changer de méthode » et « aller chercher des coalitions ». « Une coalition avec le camp présidentiel est impossible du fait de nos désaccords profonds, a-t-elle toutefois estimé. Il n’y a pas de coalition possible entre des personnes qui pensent qu’il faut financer davantage les services publics et ceux qui pensent qu’il est urgent de réduire les moyens. Il n’y a pas d’accord possible entre ceux qui veulent que chacun paie sa juste part d’impôts et ceux qui proposent plutôt des allégements d’impôts aux personnes les plus favorisés. »
Comment faire voter des lois face au camp présidentiel, à la droite et au Rassemblement national (RN) ? « On partira de notre programme et on construira des accords sujet après sujet », a-t-elle expliqué. Elle a notamment évoqué les services publics, sujet qu’elle défend de longue date, en ayant notamment participé à la fondation du collectif Nos services publics. « Je pense que le délitement des services publics a fait partie de ce qui a nourri les votes pour le Rassemblement national et donc je pense que ce sujet peut rassembler très largement, et les députés hors du Nouveau Front populaire prendront leurs responsabilités à ce moment-là, lorsque nous proposerons des textes de nature à améliorer le fonctionnement des services publics », a-t-elle estimé, mentionnant également « les sujets écologiques, absolument déterminants pour l’avenir de notre nation. »
Appel à la mobilisation
Les dirigeants de gauche sont intervenus dans les médias ce matin pour défendre cette candidature commune, appelant à la « mobilisation » pour faire pression sur l’Élysée. Le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, veut engager « un rapport de force », ayant « l’impression d’avoir affaire à une sorte de forcené qui est retranché à l’Élysée », a-t-il estimé sur RTL.
Pour la secrétaire nationale des écologistes, Marine Tondelier, interrogée sur France Info, Emmanuel Macron « ne peut pas faire comme si de rien n’était jusqu’à mi-août », a-t-elle jugé, balayant l’idée d’une trêve olympique. « On est capables de faire deux choses en même temps, c’est-à-dire de regarder la finale du 400 mètres haies et de composer un gouvernement », a-t-elle plaidé.
Avec AFP
* Qui est Lucie Castets ?
Ancienne élève de Sciences Po, et de la London School of Economics, Lucie Castets est aussi diplômée de la promotion 2013 Jean Zay de l’ENA, selon son profil LinkedIn. À la fin de sa formation d’énarque, elle rejoint en 2014 le ministère de l’Économie et des Finances à la Direction générale du Trésor. Elle est dans un premier temps adjointe, puis nommée cheffe du
Lucie Castets est également experte de la répression des fraudes et de la criminalité financière. Entre 2018 et 2020, elle travaille pour Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy, qui lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la fraude aux finances publiques. En septembre 2020, Lucie Castets quitte Tracfin et devient conseillère finances et budget à la ville de Paris. Elle est ensuite nommée directrice des finances et des achats de la capitale trois ans plus tard et occupe actuellement ce poste.
Née à Caen, Lucie Castets, alors âgée de 28 ans, a été candidate aux élections régionales de 2015 sur la liste du Calvados du Parti socialiste, rappelle Ouest-France. L’énarque, interrogée par l’AFP, reconnaît avoir été encartée au PS autour de 2008-2011. Proche du courant « besoin de gauche » porté par l’ex-ministre socialiste des Finances, Pierre Moscovici, Lucie Castets s’est notamment impliquée dans le combat pour le mariage pour tous, l’égalité hommes-femmes, mais aussi pour une meilleure redistribution des finances mondiales. Dans les années 2010, elle a également fait partie du think tank Point d’ancrage, revendiqué « social-réformiste ». Aujourd’hui, elle affirme n’avoir aucune affiliation partisane.
Lucie Castets est aussi cofondatrice et porte-parole du collectif Nos services publics, un collectif résolument opposé à la politique du gouvernement sortant pour la fonction publique, qui lutte pour « retrouver le sens qui fonde le service public et ses missions au quotidien ». En parallèle, elle est aussi membre du bureau de l’Observatoire national de l’extrême droite. Interrogée par l’AFP, l’aspirante Première ministre a en effet déclaré avoir parmi ses « grandes priorités » l’« abrogation de la réforme des retraites » d’Emmanuel Macron, une « grande réforme fiscale pour que chacun, individus et multinationales, paie sa juste part », une « amélioration du pouvoir d’achat » par la revalorisation des salaires, le relèvement des minima sociaux, ainsi que la « fin de la régression des services publics ».