Pierre feuille pistolet, un documentaire de Maciek Hamela sous forme de récits d’exilés au prélude du changement, dans un van en route depuis l’Ukraine en direction de la Pologne.
Avec Pierre feuille pistolet, le réalisateur polonais Maciek Hamela signe un film documentaire qui prend la forme d’un road-movie singulier. Nous sommes dans un van qui sillonne l’Ukraine pour évacuer les habitants qui fuient la guerre. Une respiration pour ses passagers momentanément en sécurité, dans le huit clos d’un véhicule. Vertu de la mobilité et point culminant du changement, l’espace et le temps s’ouvrent pour eux, dans ce long voyage à la destination incertaine. Connectés à leurs émotions, ils quittent ce qu’ils ont connu et évoquent leur histoire. Ce sont principalement des personnes âgées, des femmes et des enfants qui sont souvent le moteur de l’exil mais aussi de l’espoir.
Dans cette zone de confidence éphémère, ils cohabitent, dorment, s’écoutent, pensent, pleurent, jouent, s’étreignent, plongent leur regard par la fenêtre… Nous vivons la guerre de l’intérieur d’un minibus, à travers la violence des tableaux qui défilent et quelques brèves nouvelles à la radio. Les témoignages des passagers qui ont vu les hommes enrôlés, leurs proches partir vers des destins inconnus, et qui ont abandonné leur maison, leur animaux, leur pays sont poignants. Le titre Pierre feuille pistolet qui renvoi au jeu chifoumi, souligne à quel point les enfants ont intégré la guerre dans leur quotidien.
Sur la trajectoire du van, les récits continuent d’être ponctuées d’embûches inhérentes au départ, comme les mines qui jalonnent les routes que contourne le conducteur. Des ruines que laisse la guerre dont ils portent encore les traces dans leur corps et ceux de leurs proches, transparaît cependant une force à cet instant, entre deux mondes, pas encore dans la reconstruction mais déjà dans un ailleurs.
Pour certains, le rêve antérieur de visiter l’Europe de l’Ouest s’actualise dans la conscience de la chute socio-économique que l’exil implique. L’avenir s’envisage aussi à travers la perspective de sauver sa famille, d’être pris en charge à l’hôpital, de retrouver ses proches, de revenir — après la guerre — voir la mer.
À travers des plans fixes, Maciek Hamela tire remarquablement partie de l’espace réduit. La caméra enregistre une succession de témoignages des passagers sur les sièges du van, sans nous faire sombrer dans l’ennui. Un cinéaste hors du commun, à la fois chauffeur du mini-van, médiateur avec les ONG, et qui excelle dans la relation avec les passagers dont il retranscrit un récit cinématographique authentique. En mettant l’Humain au cœur de son documentaire, il rend son sujet universel.
Sapho Dinh
Pierre feuille pistolet sera diffusé le lundi 11 décembre à 13:50 au cinéma Diagonal et le 16 décembre à 17h30 au cinéma Utopia à Montpellier, à l’occasion de la troisième édition du festival de cinéma Cap à l’Est.