L’accord européen impose aux Vingt-Sept de restaurer à petits pas, dans les prochaines années, les écosystèmes endommagés. Mais ce compromis a été édulcoré lors de son examen.


 

Après de longues heures de tractations, les pays membres de l’Union européenne (UE) et le Parlement européen sont parvenus, jeudi 9 novembre, à un accord provisoire sur le règlement législatif portant sur la restauration et la préservation de la biodiversité des écosystèmes en Europe. Cette annonce met fin à un long feuilleton politique entamé fin juin.

La ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera Rodriguez, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE jusqu’au 31 décembre, a accueilli positivement ce compromis dans un communiqué.

Définie comme l’un des piliers du Pacte vert de l’UE, cette proposition de règlement européen est présentée comme un texte clé pour la restauration des zones humides, forêts, cours d’eau ou zones maritimes en Europe, même si plusieurs mesures initiales ont été retoquées au Parlement européen.

Proposé mi-2022 par la Commission européenne, ce projet ambitionne d’imposer aux États membres des objectifs « juridiquement contraignants » de restauration de la nature et de la biodiversité. Ce projet de loi est dans la lignée de l’accord de la conférence sur la biodiversité, qui vise à protéger 30 % des terres et des mers.

Et il y a urgence en Europe. Pollution, urbanisation, exploitation intensive… D’après un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement publié en août 2020, plus de 80 % des habitats naturels de l’Union européenne sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre ». L’étude s’inquiète particulièrement de l’état des tourbières, dunes, prairies et estime que 70 % des sols européens sont en mauvaise santé.

Le texte a été au cœur d’une longue bataille politique européenne et le projet législatif a été combattu par les élus européens de droite et d’extrême droite. Le Parti Populaire européen (PPE), première force politique au Parlement, a longtemps réclamé son rejet. Les conservateurs craignaient que cette nouvelle législation visant à restaurer les écosystèmes ne se fasse au détriment du secteur agricole, de la pêche ou de l’industrie forestière.

Du coup, le projet de loi a été largement amendé, rappelle Le Monde. La Société pour la restauration écologique, dans un rapport publié le 23 octobre (PDF), considère que ces modifications réduisent « l’ambition » du texte, inversent « l’ordre de priorités » et ralentissent le rythme « d’une transition nécessaire vers une société durable ».

Le Conseil européen a détaillé les principales mesures prévues par l’accord. La nouvelle législation impose ainsi aux États membres de restaurer, d’ici à la fin de la décennie, au moins 30 % des écosystèmes dégradés, puis 60 % d’ici à 2040 et 90 % d’ici à 2050. Le texte a pour ambition que « 20 % de l’entièreté du territoire européen » terrestre et maritime, fasse « l’objet d’une mesure de restauration de la nature en 2030 ».

Toutefois, Pascal Canfin, président de la commission de l’environnement au Parlement européen, précise sur le réseau social Linkedin que ces objectifs pourront être « adaptés pour tenir compte de certaines spécificités nationales de façon à les rendre pertinentes au regard du contexte local ».

Ces nouvelles règles enjoignent chaque pays à soumettre un plan national de restauration de la nature à la Commission européenne, qui devra présenter des objectifs « quantitatifs » et « qualitatifs ». Le texte prévoit aussi des « exigences spécifiques » en fonction des différents types d’écosystèmes. Une disposition a par ailleurs ajouté, demandant aux États membres « la plantation de trois milliards d’arbres supplémentaires d’ici à 2030 » au sein de l’UE. Réclamé par le PPE, un frein d’urgence « contrôlé par la Commission » pourra interrompre le règlement pour les écosystèmes agricoles, « si un événement de force majeure met en risque » la sécurité alimentaire du continent.

Opposée à la version du texte adoptée au Parlement européen en juillet 2023, Anne Sander, eurodéputée du PPE et rapporteuse du texte en commission agriculture, a souligné les avancées notables en envoyant des signaux à destination des agriculteurs et des producteurs dans la perspective des prochaines échéances électorales. « La proposition était complètement hors-sol. L’accord trouvé permet de remettre la sécurité alimentaire au centre de nos priorités », affirme-t-elle. Toutefois, « des points de vigilance » persistent selon l’élue européenne. Ils devront être « analysés et discutés au cours des prochains jours », précise Anne Sander. Cette dernière promet de veiller à la bonne application du texte pour que les plans de restaurations n’impactent pas les agriculteurs ou les forestiers.

avec AFP et franceinfo