Au suivant ! Après celui de l’État, l’Assemblée lance aujourd’hui l’examen d’un budget de la Sécu tout aussi rejeté par les oppositions, qui dénoncent un sous-financement de la santé et le spectre d’une hausse des franchises médicales, en attendant un nouveau 49.3.
Le rejet inédit en commission de ce projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS) a encore renforcé l’hypothèse d’un recours rapide à cet outil constitutionnel, pour une adoption sans vote en première lecture de sa partie « recettes ».
L’exécutif vise dans ce budget une économie de 3,5 milliards d’euros sur les dépenses de la branche maladie en 2024, via des baisses des dépenses pour les médicaments, les laboratoires d’analyse ou encore les arrêts maladie, ainsi qu’une lutte renforcée contre la fraude.
Après l’envolée des années Covid, « c’est un budget de transition entre sortie de crise et maîtrise des dépenses, et un budget de responsabilité », plaide Stéphanie Rist (Renaissance), rapporteure générale du texte, qui revoit le déficit de la Sécurité sociale à la hausse pour 2023, à 8,8 milliards d’euros, avant 11,2 milliards en 2024.
La gauche, elle, fustige un budget qui ne « règle rien à la crise des hôpitaux » et néglige le financement de la dépendance.
C’est un texte « sans odeur ni saveur tellement il est cadenassé par la contrainte budgétaire », lance le député PS Jérôme Guedj. Il « n’est pas sincère », attaque même le député écologiste Sébastien Peytavie, ciblant un objectif d’évolution des dépenses de l’assurance maladie (+ 3,2 %) trop faible et des prévisions « irréalistes ».
À droite, le député LR Yannick Neuder estime que « le compte n’y est pas ». « L’ensemble des acteurs, publics et privés, font le même constat » pour le secteur hospitalier, souligne-t-il, tandis que la députée RN Joëlle Melin dénonce des « coups de rabot ».
Doublement du reste à charge
Une mesure sensible envisagée par l’exécutif mobilise toutes les oppositions, même si elle ne figure pas formellement dans ce PLFSS : le doublement du reste à charge des assurés pour les médicaments (actuellement 50 centimes par boîte) et les consultations (1 euro).
L’impact de cette hausse des franchises médicales est inclus dans les projections financières et l’écarter impliquerait de dégager des économies autrement, fait valoir un cadre de la majorité.
Le gouvernement pourra trancher par la voie réglementaire, mais les députés veulent pouvoir en débattre.
Une autre mesure explosive, bien qu’absente du texte, plane sur les débats : la mise à contribution de l’Agirc-Arrco, la caisse de retraites complémentaires du privé, pour participer à « l’équilibre » du système de retraite.
Les partenaires sociaux, qui gèrent ce régime, ont opposé une fin de non-recevoir à la demande de l’exécutif de récupérer au moins un milliard d’euros dans ses excédents. Mais l’hypothèse d’un amendement du gouvernement pour l’imposer hérisse les oppositions, qui dénoncent par avance un « hold-up ».
Un compromis semble par ailleurs se dessiner entre l’exécutif et les députés macronistes, autour d’une limitation des exonérations de cotisations sociales pour les employeurs sur les hauts salaires, qui inquiète le patronat au nom de la « compétitivité ».
Plutôt qu’une suppression des exonérations de cotisations entre 2,5 et 3,5 fois le Smic, défendue par le député Renaissance Marc Ferracci et la gauche, c’est une proposition alternative portée par le même député avec son groupe qui a les faveurs du gouvernement.
Leur amendement prévoit un calcul des exonérations à partir de seuils définis en euros, et non plus en multiple du Smic, pour empêcher leur « emballement » au rythme des revalorisations du salaire minimum.
Les économies générées dépendraient du seuil qui serait retenu par décret. « Les ordres de grandeurs sont de quelques centaines de millions d’euros », selon Marc Ferracci.
Le gouvernement a aussi mis sur la table de nouvelles propositions, comme l’octroi d’un « statut temporaire » pour cinq ans au cannabis thérapeutique. Ou la possibilité pour les femmes d’un arrêt de travail indemnisé sans délai de carence après une interruption médicale de grossesse.
Le recours au 49.3 permettra à l’exécutif d’obtenir une adoption sans vote en première lecture de la partie « recettes » du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Sauf succès d’une motion de censure, improbable tant que les LR ne s’y associent pas.
avec AFP