L’Agora des savoirs reçoit la sociologue franco-israélienne Eva Illouz au Centre Rabelais de Montpellier, ce mercredi 17 mai à 19h, pour une soirée sur le thème de la démocratie à l’heure du populisme.
Pourquoi les électeurs votent-ils souvent contre leurs intérêts socio-économiques ? Comment expliquer que les classes sociales défavorisées portent au pouvoir des dirigeants dont la politique renforce leur déclassement ? Par les affects, explique Eva Illouz, qui guident nos choix et, dans certains contextes, brouillent les chaînes causales pour nous amener à nier les évidences factuelles.
La Directrice d’études à l’EHESS est l’auteur du livre Les émotions contre la démocratie (Premier Parallèle, 2022), une enquête sur les leviers émotionnels du populisme. Partout dans le monde, la démocratie se voit attaquée par un populisme nationaliste. Et partout dans le monde, la même énigme : comment des gouvernements qui n’ont aucun scrupule à aggraver les inégalités sociales peuvent-ils jouir du soutien de ceux que leur politique affecte le plus ? Pour comprendre ce phénomène, Eva Illouz affirme qu’il faut s’intéresser aux émotions. Car elles seules ont le pouvoir de nier l’évidence factuelle et d’occulter l’intérêt personnel. Elle en a ainsi isolé quatre, qui soutiennent les grands récits populistes : la peur, le dégoût, le ressentiment et l’amour de la patrie. Quatre émotions que les mouvements populistes s’emploient partout à attiser afin de mieux les instrumentaliser.
Dans son ouvrage, Eva Illouz se penche sur le populisme israélien, qu’elle connaît bien pour avoir vécu et enseigné à Jérusalem pendant plusieurs années. Selon Eva Illouz, il est clair que les hommes politiques « font marché de nos affects ». Les populistes, plus particulièrement, jouent sur les émotions pour créer des espaces imaginaires, d’où émerge la haine à l’égard d’un ennemi souvent plus fictif que réel.
Miner la démocratie de l’intérieur
La peur est une émotion primaire, rappelle l’auteur. Provoquée par l’instinct de survie, elle est parfois si forte qu’elle en devient irrationnelle : l’ennemi est déshumanisé, la menace est imaginée. Cette émotion constitue sans doute le levier privilégié par les populistes israéliens prêts à tout pour asseoir leur pouvoir. Le chef du gouvernement israélien n’a pas hésité à se rapprocher de Viktor Orbàn et Mateusz Morawiecki, Premiers Ministres hongrois et polonais, tous deux antisémites notoires. En attisant la peur, ils peuvent brandir la menace sécuritaire pour justifier les atteintes aux droits de l’Homme.
Une stratégie dont elle montre très précisément les rouages dans l’Israël de Netanyahou, terrain d’étude de cet essai de sociologie, profondément éclairant et original. Si Israël n’est pas représentatif du reste du monde, concède Eva Illouz, le populisme qui s’y déploie a inspiré de nombreux dirigeants étrangers.
On le constate aujourd’hui sur le terrain au sein de l’UE. Sous l’emprise croissante des populistes, la sphère publique européenne accorde une place inédite au refus de la mixité, c’est dire si la portée du travail d’Eva Illouz nous concerne.
Eva Illouz travaille sur la marchandisation des émotions et ce qu’elle appelle le « capitalisme affectif ». Elle est notamment l’auteure, aux éditions Premier Parallèle, de Happycratie (2018) et Les Marchandises émotionnelles (2019), et, au Seuil, de La Fin de l’amour (2020). Ses livres sont traduits dans de nombreuses langues.
Entrée libre mercredi 17 mai à 19h Au Centre Rabelais à Montpellier