40 % des Françaises qui jouent à des jeux vidéo avec d’autres joueurs ont déjà été victimes d’une forme de sexisme. Elles sont presque autant que les hommes à déclarer jouer à des jeux vidéo en ligne avec d’autres joueurs, révèle une étude de l’Ifop dévoilée cette semaine.


 

62 % des femmes affirment avoir déjà joué au cours des trois derniers mois, contre 66 % chez les hommes. Et malgré cette quasi parité, « l’univers vidéoludique est toujours imprégné de préjugés sexistes », regrette l’institut de sondage.

Lors de leurs sessions en ligne, de nombreuses joueuses dénoncent des comportements sexistes, des insultes voire des menaces. 40 % des gameuses ayant des interactions avec d’autres joueurs ont ainsi déjà été victimes d’une forme de sexisme. Ce chiffre grimpe à 66 % chez les femmes adeptes des jeux de combat. 24 % des joueuses affirment avoir déjà reçu des remarques sur leur physique, 23 % ont subi des commentaires sexistes sur leur niveau de jeu et 23 % ont été la cible de propos obscènes à connotation sexuelle. 15 % des gameuses ont déjà fait l’objet de menaces d’agression à caractère sexuelle. 37 % des femmes qui jouent à des jeux de combat et 31 % de fans de MMORP (de l’anglais massively multiplayer online game — jeux vidéo en ligne avec plusieurs joueurs en simultané) ont déjà reçu au moins une fois ce type de menaces.

 

Stratégies d’évitement

 

La majorité des joueurs (62 %) adhèrent à au moins un stéréotype sexiste. Pour 22 % des joueurs se sentant plutôt gameur, « le travail d’un homme est de gagner de l’argent et celui d’une femme est de s’occuper de la maison et de la famille ». 28 % des joueurs qui se disent « très gameurs » adhèrent à cette proposition sexiste. 30 % des joueurs très actifs (« très gameurs ») considèrent que les femmes « ont acquis trop de pouvoir dans la société actuelle ». 23 % des joueurs se présentant comme « plutôt gameurs » estiment que « lorsqu’on veut avoir une relation sexuelle avec des femmes, beaucoup disent ‘non’ mais veulent dire ‘oui’ », contre 21 % des joueurs très actifs. Près de trois joueurs très gameurs sur dix (29 %) considèrent par ailleurs que « pour séduire une femme, un homme doit pouvoir être libre d’importuner une femme qui lui plaît ».

Face à ces comportements sexistes, 4 joueuses sur 10 adoptent des stratégies d’évitement. Par peur de remarques désobligeantes, de moqueries ou d’insultes, 30 % des joueuses ont déjà refusé de participé à un chat vocal, 23 % ont déjà évité de jouer à un jeu en ligne. 16 % des joueuses ont même déjà caché leur genre aux personnes avec lesquelles elles jouent ou discutent en ligne (dont 4 % le font souvent). Ce chiffre est exacerbé chez les femmes adeptes de jeux de combat, puisque près d’une sur deux (46 %) admet avoir déjà caché son genre.

 

Une partie sur le jeu Valorant.

 

« Le harcèlement dans le jeu concerne tout le monde mais les femmes sont ciblées en priorité », explique Eva Martinello à Franceinfo:sport, une ancienne joueuse semi-professionnelle, devenue journaliste spécialiste de l’esport1. « Comme dans d’autres secteurs, il y a un plafond de verre pour les femmes dans ce milieu. À compétences égales, on n’a pas les mêmes chances de réussir », confirme Pauline Puybareau, manager dans la section esport de Women in games, association qui promeut la mixité dans l’industrie des jeux vidéo.

 

Des sanctions insuffisantes

 

À l’arrivée des premières consoles de salon au sein des foyers au tournant des années 1970-1980, le marketing très genré ciblait les garçons. L’industrie du jeu vidéo a été conçue par et pour les hommes. « Historiquement, les personnages féminins n’ont été que des trophées pendant très longtemps, comme la princesse Peach dans Mario. Les personnages féminins jouables, comme Lara Croft, ont été des personnages hypersexualisés, avec une vision d’hommes et des proportions tout à fait exagérées », souligne le sociologue Nicolas Besombes.

Si les problèmes de harcèlement et de sexisme persistent, c’est notamment parce que les sanctions ne sont pas encore à la hauteur des actes. Considéré comme un délit, le cyberharcèlement est puni d’une amende et/ou d’une peine d’emprisonnement. La peine maximale encourue, si la victime a moins de 15 ans, est de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende. Toutefois, prouver ces comportements peut s’avérer complexe. Il n’est pas toujours facile d’identifier les propos sexistes ou relatifs à du harcèlement. Alors, de plus en plus de joueuses et streameuses effectuent des captures d’écran ou enregistrent les propos ou comportements auxquels elles doivent faire face avant de les rendre public sur les réseaux sociaux.

 


Cette enquête « Sexisme et rapports de genre » a été menée par l’IFOP pour le site spécialisé GamerTop.fr du 17 au 29 mars 2023, par questionnaire auto-administré auprès d’un échantillon de 5 009 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Parmi ces sondés, 4 018 sont des joueurs (actuels ou passés) de jeux vidéo, dont 3 251 joueurs actifs au cours des trois derniers mois.

Notes:

  1. L’esport, aussi orthographié e-sport ou eSport et parfois traduit par sport électronique ou jeu vidéo de compétition, désigne la pratique sur Internet ou en LAN party (« local area network party » ou « tournoi en réseau local ») d’un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d’un ordinateur ou d’une console de jeux vidéo.