L’Agora des savoirs, dont la nouvelle saison a débuté en novembre 2022, propose six nouvelles soirées qui se tiendront du 8 mars au 31 mai. Toutes les sessions seront animées par le désir fondamental de connaître et d’apprendre, et par une curiosité ouverte à toutes les disciplines et tous les sujets. Le programme…


 

Au programme

 

  • Mercredi 8 mars, 19h : Anne Lehoërff, Préhistoires d’Europe, Belin, 2022.

Préhistoires d’Europe retrace 40 000 ans d’une histoire qui commence avec la rencontre de l’homme de Néandertal et de l’Homo Sapiens et s’achève en – 52 lorsque Vercingétorix est vaincu à Alésia. Au plus près des archives du sol, Anne Lehoërff restitue la vie des hommes et des femmes de ce très lointain passé d’une toute première Europe, qui apprirent à maîtriser le feu, la pierre, la céramique, le bronze, le fer, ont construit des villes et des nécropoles et honoré leurs dieux. Elle en profite également pour déconstruire les mythes élaborés au XIXe siècle : l’homme « sauvage » des cavernes, l’habitant pacifique des « Lacustres », les mégalithes faussement « celtiques », « nos ancêtres les Gaulois » vivant dans des huttes au milieu des forêts profondes…

Anne Lehoërff est professeure de protohistoire européenne à l’université Charles-de-Gaulle-Lille-3. Elle est actuellement Vice-Présidente du Conseil national de la recherche archéologique.

 

  • Mercredi 22 mars, 19h : Tamar Herzog, Une brève histoire du droit en Europe, Anacharsis, 2023.

Comment invente-t-on le Droit et selon quels principes ? Qui le fabrique et dans quelles circonstances ? Depuis Rome, le moment initial, jusqu’à l’éclosion de l’Union européenne en passant par les refondations médiévales, les évolutions outre-Atlantique et les prétentions universalistes occidentales, Tamar Herzog dévide l’écheveau complexe mais vivant des normes dont les sociétés se sont successivement dotées pour se gouverner.
À travers ce vaste récit aux nombreux rebondissements, elle propose notamment une lecture lucide de l’opposition dite traditionnelle entre le « droit continental » et la “common law” anglaise1, et fournit des repères lumineux pour saisir ce qu’il en est du droit aujourd’hui et ce qu’il pourrait en être demain.

Tamar Herzog est professeure d’histoire à l’université Harvard et spécialiste d’histoire juridique, du monde colonial espagnol à l’époque moderne et de l’histoire du monde atlantique.

 

  • Mercredi 5 avril, 19h : Pascal Pujol, Voulez-vous savoir ? : ce que nos gènes disent de notre santé, Humensciences, 2019.

Nos prédispositions génétiques touchent le cancer comme les maladies cardiaques ou certaines pathologies rares que l’on peut transmettre à ses enfants sans en être atteint soi-même. Les progrès de la génétique permettent aujourd’hui de prédire un nombre croissant de ces maladies afin de mieux les soigner en les dépistant plus tôt, voire de les éviter. En parallèle, l’avènement d’une médecine de précision basée sur la génomique offre des traitements « personnalisés » qui transforment des chances de rémission faibles en guérison pour la plupart des malades. Des chimiothérapies peuvent être évitées.
Mais pour les maladies qui restent sans solution pour l’instant, la seule option est celle du diagnostic avant la naissance. Jusqu’où faut-il aller ? Faut-il étendre les tests génétiques à la population générale ? Et d’ailleurs, à qui appartiennent nos données génétiques ?

Le professeur Pascal Pujol est généticien spécialisé en cancérologie, il dirige le service d’oncogénétique du CHU de Montpellier et préside la Société française de médecine prédictive et personnalisée.

 

  • Mercredi 19 avril, 19h : Vinciane Despret, Les Morts à l’œuvre, La Découverte, 2023.

Les morts peuvent faire agir les vivants, mobiliser ceux qui restent autour de questions qui touchent à la vie collective, à l’érosion des liens sociaux, à des événements qui les dépassent ou dont l’ampleur ou la violence pourrait les détruire, annihiler ce à quoi ils sont attachés. Les morts peuvent aider les vivants à transformer le monde. Vinciane Despret nous raconte cinq histoires où des morts proches ou éloignés dans le temps ont obligé les vivants à leur donner une nouvelle place. Ces morts « insistent » parce qu’il y a eu quelque chose d’injuste dans le sort qui a été le leur : victimes de violence, commandos d’Afrique et de Provence, sacrifiés politiques à la raison du plus fort… Ceux qui restent ont décidé de répondre à cette insistance en commandant une œuvre grâce à un protocole politique et artistique nommé le programme des Nouveaux Commanditaires. Ce protocole consiste à choisir un artiste et à décider en commun d’une œuvre. Il va transformer en profondeur les commanditaires.
Cela n’a rien à voir avec le deuil dans sa forme autoritaire (quand les théories psychologiques enjoignent à l’oubli). C’est avec la vie, celle qui n’est plus mais qui est encore d’une autre manière, celle qui résiste à son effacement, que ce faire avec provoque une étonnante série de métamorphoses.

Vinciane Despret est philosophe, chercheuse à l’Université de Liège. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur la question animale qui font référence, et a notamment publié Que diraient les animaux… si on leur posait les bonnes questions ? (Les Empêcheurs de penser en rond, 2012) ; Autobiographie d’un poulpe et autres récits d’anticipation (Actes Sud, 2021) et La danse du cratérope écaillé : naissance d’une théorie éthologique (Empêcheurs de penser en rond, 2021).

 

  • Mercredi 17 mai, 19h : Eva Illouz, Les Émotions contre la démocratie, Premier Parallèle, 2022.

Partout dans le monde, la démocratie se voit attaquée par un populisme nationaliste. Et partout dans le monde, la même énigme : comment des gouvernements qui n’ont aucun scrupule à aggraver les inégalités sociales peuvent-ils jouir du soutien de ceux que leur politique affecte le plus ? Pour comprendre ce phénomène, la sociologue franco-israélienne Eva Illouz affirme qu’il faut s’intéresser aux émotions. Car elles seules ont le pouvoir de nier l’évidence factuelle et d’occulter l’intérêt personnel. Elle en a ainsi isolé quatre, qui soutiennent les grands récits populistes : la peur, le dégoût, le ressentiment et l’amour de la patrie. Quatre émotions que les mouvements populistes s’emploient partout à attiser afin de mieux les instrumentaliser. Une stratégie dont elle montre très précisément les rouages dans l’Israël de Netanyahou.

Directrice d’études à l’EHESS, Eva Illouz travaille sur la marchandisation des émotions et ce qu’elle appelle le « capitalisme affectif ». Elle est notamment l’auteure, aux éditions Premier Parallèle, de Happycratie (2018) et Les Marchandises émotionnelles (2019), et, au Seuil, de La Fin de l’amour (2020). Ses livres sont traduits dans de nombreuses langues.

 

  • Mercredi 31 mai, 19h : Jérôme Sueur, Histoire naturelle du silence, Actes Sud, 2023.

Qu’est-ce que le silence ? Est-ce vraiment l’absence de tout ? En écoutant bien, le silence n’est peut-être pas celui que l’on croit. Il n’est ni vide ni singulier, mais plein et pluriel. On découvre les grands silences, peut-être inquiétants, des vastes horizons, les silences naturels qui sonnent tout sauf creux, les silences quotidiens dans l’attaque des prédateurs, la discrétion des proies ou les soupirs des enlacements. Aller chercher les silences dans l’évolution, le comportement animal et l’écologie, c’est aussi découvrir en contrepoint la diversité sonore étoilée du monde sauvage et dénoncer les bruits, ces horribles grincements de nos agitations, qui les menacent. Et si on respirait quelques instants pour écouter le silence et son histoire naturelle ?

Jérôme Sueur est maître de conférences au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, où il dirige le laboratoire d’écoacoustique. Il mène des projets de suivi de la biodiversité par l’écoute et l’analyse des paysages sonores naturels, notamment forestiers. Ses travaux, qui tissent des liens entre comportement animal, écologie et acoustique, le conduisent à s’interroger sur la dimension sonore de la nature : sa composition, son évolution et la perception que les êtres vivants peuvent en avoir. Vice-président de l’International Society of Ecoacoustics, il est l’un des pionniers de l’étude des paysages naturels sonores.

Plus d’informations : ville de montpellier

 

https://www.montpellier.fr/4467-agora-des-savoirs.htm

 

Notes:

  1. La common law a une approche pragmatique basée sur les faits, alors que le droit continental opère par catégories abstraites et par systématisation. Sur le plan de la technique juridique, le principe de stare decisis (la règle du précédent ou « s’en tenir à ce qui a été décidé »), très présent dans la common law, consiste à retenir que les tribunaux doivent rendre des décisions conformes aux décisions antérieures. Le binding precedent (précédent obligatoire) impose une jurisprudence constante, qui a quasiment force de loi. La seule différence avec la jurisprudence continentale, c’est qu’en matière de stare decisis, une seule décision suffit à établir un précédent, alors qu’il faut bien souvent plusieurs décisions similaires pour établir une jurisprudence constante en droit continental. La common law règle un maximum de situations possibles pour que ces principes trouvent toujours à s’appliquer, alors que le droit continental édicte ces principes et ne corrige que les situations où ils se trouvent bafoués. (Actu-Juridique.fr)