Le projet de pipeline d’hydrogène entre Barcelone et Marseille, lancé officiellement le 9 décembre en Espagne, est jugé essentiel pour la souveraineté énergétique de l’Union européenne, mais repose sur un pari risqué.


 

Un projet ambitieux. Le pipeline d’hydrogène entre Barcelone et Marseille, lancé officiellement vendredi 9 décembre, sera opérationnel en 2030 et coûtera environ 2,5 milliards d’euros, ont annoncé les dirigeants français, espagnol et portugais, à l’issue d’une réunion avec les chefs de gouvernement français, espagnol et portugais, Emmanuel Macron, Pedro Sánchez et Antonio Costa, à Alicante, dans le sud-est de l’Espagne.

Son coût devrait « avoisiner les 2,5 milliards d’euros », a précisé, pour sa part, Pedro Sánchez, qui a précisé que ce tuyau transporterait à l’horizon 2030 quelque deux millions de tonnes d’hydrogène par an, soit 10% de la consommation européenne prévue à cette date. Ce pipeline sous-marin doit permettre d’acheminer de l’hydrogène dit « vert », car fabriqué à partir d’électricité renouvelable, depuis la péninsule ibérique, qui ambitionne de devenir un champion de cette énergie du futur, vers le nord de l’UE via la France. Côté français, on n’a toutefois pas exclu qu’il transporte aussi de l’hydrogène produit à partir du nucléaire.

 

Un « projet d’intérêt commun »

 

Appelé « H2Med » ou « BarMar » (contraction de Barcelone et Marseille, les deux villes reliées par ce tuyau), ce projet remplace le « MidCat », lancé en 2003 pour relier les réseaux gaziers français et espagnol via les Pyrénées, mais finalement abandonné en raison de son manque d’intérêt économique, de l’opposition des écologistes et de celle de Paris. Il sera soumis dans les prochains jours à la Commission européenne afin de pouvoir bénéficier du statut de « projet d’intérêt commun » et donc être financé en partie par des fonds européens, a ajouté Emmanuel Macron. Paris, Madrid et Lisbonne espèrent une réponse de la Commission début 2023.

Le tracé exact du pipeline n’a pas encore été communiqué mais « le plus logique » serait qu’il « suive la côte », afin d’éviter les zones sous-marines trop profondes, estime José Ignacio Linares, professeur à l’université Pontificia Comillas de Madrid. A ce stade, trois tracés sont encore sur la table, dont celui qui semble tenir la corde sur une longueur de 455 km et une profondeur sous-marine maximale de 2 557 mètres. Dans ce cas de figure, le H2Med ferait environ 450 kilomètres.

Le H2Med se heurte à plusieurs difficultés techniques, liées en partie à son caractère inédit. « Un +hydrogénoduc+ sous-marin à cette profondeur, à cette distance, cela n’a jamais été fait », souligne Gonzalo Escribano, expert du centre d’études espagnol « Real Instituto Elcano ».  « L’un des principaux problèmes tient à la nature de l’hydrogène, un gaz constitué de petites molécules susceptibles de s’échapper par les jointures du pipeline et, par ailleurs, extrêmement agressives –donc susceptibles d’entraîner des problèmes de corrosion, indique José Ignacio Linares au Magazine Tendances Trends.

Des études techniques, environnementales et financières devront permettre de valider ce choix ou de se replier sur un des deux autres tracés. Cette réunion sur le H2Med s’est tenue avant un sommet de l’EU Med qui a été notamment consacré aux questions de souveraineté économique, en particulier en matière d’énergie.

Le véritable risque, pour les experts, porte sur la viabilité économique du projet. S’agissant d’une technologie balbutiante, « on ignore quand le marché de l’hydrogène vert prendra son essor, quand on sera en mesure d’en produire suffisamment pour l’exporter« , explique M. Escribano. « Le problème, c’est que les délais de construction d’un pipeline sont tellement longs qu’on ne peut pas se permettre d’attendre. Sinon, on se retrouvera avec une importante production d’hydrogène qu’on ne pourra pas exporter« , rappelle M. Linares.

De quoi transformer la construction du H2Med en pari industriel.

Avec AFP