Après la soirée d’ouverture assurée par le film L’immensità réalisé par Emmanuel Crialese, aussi courue que le tapis rouge cannois, Cinemed a ouvert les salles de cinéma montpelliéraines ce samedi 22 octobre pour dévoiler les premières pépites de sa 44e édition. L’évènement de ce premier jour est la présentation en avant-première du dernier long métrage de Mounia Meddour, Houria.
Comme pour son précédent film, Papicha, la réalisatrice franco-algérienne choisit là encore d’explorer le royaume du féminin au cœur de son intimité et de l’espace — restreint — de son expression. Tourné entre Marseille et Alger avec les mêmes actrices aux racines algéroises, le film propose un panorama de la vie de l’héroïne Houria, portée par la bouleversante Lyna Khoudri, danseuse classique aux grandes ambitions comme en témoignent ses pieds meurtris par les pointes du jeu du cygne blanc qu’elle incarne.
En langue arabe, « houria » c’est la liberté. Une liberté chère et difficile à embrasser au sein de l’Algérie actuelle et post-hirak (soulèvement populaire porté par la jeunesse algérienne), que la mer Méditerranée laisse à rêver autant qu’elle entrave dans l’immensité de ses vagues. Entre boulot de femme de chambre dans un hôtel luxueux, cours de danse menés par sa mère incarnée par la grande Rachida Brackni, et paris sur des combats clandestins de béliers, Houria entend bien s’accaparer son avenir. Rattrapé par le passé lourd des « années noires » de la décennie 1990-2000 et par sa résolution faite d’obscures concessions aux terroristes, le rêve d’une grande vie tombe, cloué au sol, à la terre qui fait l’histoire de ce pays, et voué au silence par un tabassage. Une danseuse sans jambe et sans voix, vouée à réapprendre la marche et une langue, celle des signes qui l’accompagnent vers de nouveaux horizons.
Ici il est question de liberté oui, celle des mouvements du corps et des choix de vie, mais aussi de transcendance des handicaps, de tous les handicaps, et de place. Celle des femmes et des hommes issus d’une jeunesse lasse de révolte avortée et cassée par les difficultés financières. Celle de l’être au sein de sa propre société. Une place difficile à trouver que Mounia Meddour déplore notamment pour les artistes et cinéastes sous-financés par une Algérie encore frileuse aux divergences de voix et de témoignages, notamment censeure du film Papicha pourtant financé par le pays. Un climat étouffant, illustré là par une majorité de plans serrés, dans lequel évolue malgré tout une jeunesse pleine d’un appétit féroce de vie et d’ailleurs, fort bien relaté par cet Houria magistralement porté par un casting de haut rang.
Alice Beguet