L’Algérie marque, mardi 5 juillet, le 60e anniversaire de son indépendance, lors d’une célébration en grande pompe avec comme point d’orgue une imposante parade militaire dans la capitale.
Signe de l’importance que revêt l’occasion pour le pouvoir, un logo spécial de forme circulaire et orné de 60 étoiles a été conçu pour marquer l’anniversaire, avec comme slogan « Une histoire glorieuse et une ère nouvelle ».
Après quasiment huit ans de guerre entre les insurgés algériens et l’armée française, les armes se sont tues le 18 mars 1962 aux termes des accords historiques d’Évian, ouvrant la voie à la proclamation d’indépendance de l’Algérie le 5 juillet de la même année, approuvée quelques jours plus tôt par 99,72 % des voix lors d’un référendum d’autodétermination. L’Algérie est la seule ancienne colonie française d’Afrique dans les années 1960 à s’affranchir par les armes de la tutelle de la France.
Mais cette victoire arrachée au terme de sept ans et demi de guerre a fait des centaines de milliers de morts, dont la mémoire demeure un sujet de tensions entre la France et son ancienne colonie.
Les relations franco-algériennes à l’épreuve de la poussée du RN
Pour le président du parti d’opposition Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Athmane Mazouz, les « relations entre le système de pouvoir en Algérie et la France officielle sont rythmées par des crises et de pseudo-retrouvailles depuis l’indépendance du pays ».
« Au stade actuel, personne ne peut parier un sou pour parler de refondation. L’instrumentalisation de cette relation d’un côté comme de l’autre n’échappe à personne », ajoute-t-il.
En décembre dernier, la France a ouvert ses archives relatives aux affaires judiciaires et aux enquêtes de police dans l’Algérie en guerre contre la colonisation. Une promesse du gouvernement alors que le président Emmanuel Macron s’était engagé à aider les historiens à éclairer les zones d’ombre de l’action de la France en Algérie, du début de l’insurrection indépendantiste en 1954 jusqu’à l’indépendance en 1962.
L’historien Amar Mohand-Amer redoute que la politique de réconciliation mémorielle d’Emmanuel Macron ne soit mise à rude épreuve par les récents succès électoraux en France du parti d’extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national.
Marine Le Pen avait en effet réaffirmé en mars que « la colonisation avait contribué au développement de l’Algérie », reprochant au président français une politique consistant à « passer sa vie à s’excuser sans rien demander en contrepartie à un gouvernement algérien qui ne cesse d’insulter la France ».
« La montée fulgurante du Rassemblement national aux législatives en France n’augure rien de bon. L’extrême droite française va transformer ce mandat en un grand champ de bataille mémoriel où le révisionnisme et la falsification de l’Histoire seront omniprésents », met en garde Amar Mohand-Amer.
Les réformes économiques dans l’impasse
Sur le plan intérieur, le pouvoir a mis à profit l’anniversaire pour tenter d’alléger les crispations, trois ans après avoir été ébranlé par les manifestations pro-démocratie du Hirak.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a en effet lancé en mai une initiative pour briser l’immobilisme politique en recevant à tour de rôle plusieurs dirigeants de partis politiques, y compris de l’opposition, et des responsables d’organisations syndicales et patronales.
« La volonté réformatrice » affichée par le chef de l’État se heurte à l’inertie de l’administration. Elle n’a obtenu pour l’heure aucune application concrète. L’ouverture de l’économie, la réforme des subventions, la réforme fiscale, la réforme des banques sont autant de projets restés dans les cartons.
« La flambée des cours du pétrole est arrivée comme une divine surprise pour nos dirigeants, qui ont vu s’éloigner le risque de cessation de paiements, la menace du recours au FMI », analyse le journaliste Hassan Haddouche sur le site d’information panarabe basé à Londres, Middle East Eye. Depuis près d’un an, l’argent coule de nouveau à flots dans les caisses de l’État.
Suivant un scénario récurrent dans l’histoire économique de l’Algérie des dernières décennies, ce sont les réformes économiques qui paient la facture de cette prospérité financière retrouvée. Le modèle économique algérien renforce son caractère rentier au détriment du développement d’une économie de production. Cette incapacité à créer des emplois productifs nourrie dangereusement les tensions sociales avec une inflation qui devrait dépasser les 10 % en 2022.
Voir aussi notre série : Histoire de la citoyenneté en Algérie en trois parties.