Le printemps s’installe doucement, et avec lui, le retour des festivals. La musique médiévale « donne le la » de cette nouvelle saison, du 20 au 29 mai à Saint-Guilhem-le-Désert, en proposant une résonance entre les pays, la découverte d’instruments, des concerts, un atelier et un colloque.
Le CIMM (Centre international de musique médiévale), organisateur de l’évènement, place sa 5e édition sous le signe du voyage, et par conséquent, de la découverte, « à travers cinq siècles et des sociétés médiévales différentes, entre Orient et Occident, révélant les contours d’un commun interculturel tout autant que des altérités à découvrir, où les musiques modales occidentales entrent en résonance avec des traditions vivantes venues d’ailleurs, entre un Moyen Âge historique et ses échos contemporains ». Pour évoquer ces échanges, plusieurs rendez-vous sont proposés. Dès dimanche 22 mai, une conférence musicale de Shadi Fathi évoquera la place de la poésie et de la musique en Iran. Le langage poétique est associé à tous les moments de la vie et participe de la méditation philosophique. Shadi Fathi, fille d’un maître soufi, mais aussi virtuose du setâr, luth à trois cordes à manche long, ponctuera son intervention de moments musicaux. Cette disciple du grand maître Dariush Tala’i, à Téhéran, pratique également les instruments à cordes traditionnels tels que le târ1, le shourangiz2, et les percussions, notamment le zarb3 et le daf4.
Deux concerts, vendredi 27 et samedi 28 mai 2022 à 20h dans l’abbatiale, illustreront ce voyage entre deux traditions lointaines géographiquement, mais d’une mystique profonde. Sous le thème des « fleurs d’Orient », ils seront célébrées par le quatuor Rokhs (« visages » en persan) qui interprètera des pièces du répertoire de la musique classique persane. Le groupe s’inspire du Langage des oiseaux de Farid al-Din Attâr, poète soufi persan du XIIe siècle. C’est également à un grand poète français du XIIIe siècle, Philippe de Vitry, que l’ensemble Arborescence dédiera ses « fleurs d’Occident ». Une dédicace aux sources de l’Ars nova5 et la redécouverte des techniques de solmisation6, de contrepoint7 et d’ornementation8.
Un programme élargi
Le CIMM a choisi d’étendre son programme, avec pas moins de huit concerts dans l’abbaye de Saint-Guilhem, dont une soirée réservée pour l’ensemble école, qui présentera sa création, Rogatio (le 26 mai). Comme habituellement, il y aura un stage d’archéo-lutherie (sous condition d’inscription) qui sera consacré à la restitution d’une lyre mérovingienne. Le colloque aura pour thème cette année les instruments à cordes pincées, notamment les luths et ouds. Organologie, facture, jeu et fonctions, autant d’approches pluridisciplinaires qui seront étudiées par des spécialistes de l’archéologie musicale, des luthiers et des musiciens.
Maintenant bien installé, le salon d’archéo-lutherie prendra ses quartiers le dernier week-end, sur la place centrale du village. Les exposants viendront de France, d’Espagne et d’Italie, avec l’objectif de présenter leurs instruments et de les proposer à la vente. Pour l’accompagner, l’ensemble Les Rossinholets animera les rues. Ce trio de jeunes musiciens et chanteurs puise son répertoire musical et vocal dans les polyphonies à trois voix des XIIIe et XVIe siècles français et italiens. Les trois compères proposent de raconter une histoire par la mise en scène des morceaux, des anecdotes et des explications. Leur but ? « Rendre plus vivante la musique ancienne, la rapprocher des gens dans un contexte de rue ». Preuve que la musique ancienne n’est pas forcément poussiéreuse…
Nathalie Pioch
Le programme :
- Tous les concerts sont à 20h dans l’abbatiale de Saint-Guilhem-Le-Désert.
Vendredi 20 mai : Ensemble Emrys, (dir. Cristina Alis Raurich et Isabella Shaw)
Cantus Merlini. L’histoire de Merlin.
Samedi 21 mai : Brice Duisit, voix, vièle à archet, luth
Senhors, sirventès farai ! Chansons politiques des troubadours du XIIIe siècle.
Dimanche 22 mai : Ensemble Ars sonic (dir. Olivier Féraud et Axelle Verner)
Les anges de la crypte – Résonances de la musique céleste pour Louis II de Bourbon (1400-1420).
Mercredi 25 mai : Ensemble Céladon (dir. Paulin Bündgen)
Au douz tens nouvel – Chansons de trouvères.
Jeudi 26 mai : création étudiante par l’ensemble école – promotion 2022 Rogatio
Vendredi 27 mai : Fleur d’Orient – Quatuor Rokhs (dir. Hossein Rad et Sogol Mirzaei)
Reflets de musiques classiques persanes.
Samedi 28 mai : Fleur d’Occident – Ensemble Arborescence (dir. David Chappuis)
Douce playsence. L’imaginaire polyphonique de Philippe de Vitry.
Dimanche 29 mai : Joute poétique et musicale, avec Brice Duisit, Olivier Féraud et Clément Gauthier.
- Conférence musicale : dimanche 22 mai à 16h, avec Shadi Fathi Musique traditionnelle iranienne, musée de l’abbaye.
- Stage d’archéo-lutherie : du 19 au 25 mai, avec Audrey Lecorgne et Julian Cuvillier (sur inscription).
- Colloque : Instruments à cordes pincées, du 26 au 28 mai, musée de l’abbaye.
- Salon d’archéo-lutherie : samedi 28 et dimanche 29 mai, place de la Liberté.
- Concerts de rue : samedi 28 et dimanche 29 mai, avec Les Rossinholets.
Informations, réservations, billetterie : http://cimmducielauxmarges.org/2022/04/24/festival-les-marteaux-de-gellone-20-29-mai-2022/
Le CIMM
est membre du Club partenaires altermidi
Notes:
- Luth à long manche avec un corps en forme de double cœur.
- Basé sur le setâr, il s’en différencie par la peau qui fait partie de la table d’harmonie et par le nombre de cordes : quatre cordes (une paire placée ensemble sur un parcours et 2 cordes individuelles) pour le petit ; six cordes, disposées en 3 cours, et souvent une octave plus bas que le setâr pour le plus grand. La table d’harmonie en peau aide à ajouter de la résonance et à rendre les notes graves plus audibles.
- Le Zarb (nom d’origine arabe) ou Tombak (en persan) est un tambour en gobelet (corps sculpté d’une seule pièce surmonté d’une peau qui repose sur des lèvres extrêmement fines (2mm). La technique de jeu du Zarb est unique. Elle combine frappes sur la peau, roulements, claquements de doigts, étouffements, frottements, pressions sur la peau. La palette sonore du Zarb est presque infinie, ce qui en fait une des percussions les plus riches et complexes au monde.
- Grand tambour sur cadre en bois sur lequel est collée une peau animale, auquel s’ajoutent parfois des guirlandes d’anneaux de métal (ou des grelots) pour procurer des tintements.
- Différent de l’Ars antiqua (musique médiévale de l’Europe du Moyen Âge, entre 1170 et 1310 environ), L’Ars nova est un courant de la musique médiévale (entre 1310-1314 et 1377) centré sur la France.
- Le terme solmisation désignait un nouveau mode de solfège. Procédé inventé par Guido d’Arezzo au XIe siècle, qui consiste à donner des syllabes aux 6 notes connues à l’époque (ut, ré, mi, fa sol, la, s – ou si), ce qui donne un hexacorde avec 4 tons et un ½ ton. Mais il permet aussi d’avoir deux sortes de note : bas ou mou (bémol) et haut et dur (carré ou bécarre).
- Forme d’écriture musicale, à l’origine de l’harmonie. C’est le passage de la monodie, une seule note à la fois, à la polyphonie, superposition organisée de lignes mélodiques distinctes.
- L’art et la manière d’embellir, de varier et d’amplifier une ligne mélodique par l’ajout de notes secondaires, appelées aussi « fioriture ».