Le climat n’est pas vraiment à la solidarité, particulièrement en ces temps de campagne électorale où une bonne partie du champ politique fait assaut de “propositions” visant à exclure et pourchasser. Et pourtant, malgré les vents mauvais, certain.es agissent, conformément à des principes élémentaires d’humanité. Illustrations à Martigues, avec deux épisodes récents.
Le règlement de Dublin stipule qu’une personne exilée peut être renvoyée vers le premier pays européen (Italie, Espagne, Grèce, Croatie…) dont elle a foulé le sol après son départ du pays d’origine. D’où l’inquiétude qui s’était exprimée lundi 31 janvier à Martigues lors d’un rassemblement de soutien à une mère, tenu symboliquement devant l’école maternelle où l’une de ses deux enfants est scolarisée.
Le sort de cette jeune femme et de ses deux enfants (5 ans et 1 an et demi) est révélateur de l’imbroglio administratif dans lequel se débattent les exilé.es et corrélativement, les associations qui les défendent. « Soit elle part en Italie, soit elle est déclarée en fuite et dans ce cas, les personnes n’ont plus droit à l’allocation de demandeur d’asile, elles n’ont plus droit à l’hébergement, ni à une aide administrative », explique une militante du collectif Personne sans toit à Martigues, « de plus, si elles sont arrêtées par la police, elles peuvent être conduites en centre de rétention, soit à Nîmes, soit à Marseille, puisque l’État français permet de retenir des familles avec enfants, avec des chambres aménagées pour cela ». Un État « qui a été condamné sept fois depuis 2013 par la Cour européenne des droits de l’Homme », précise-t-elle.
Si la Préfecture parvient à identifier le premier pays d’Europe où les exilé.es sont arrivé.es, c’est dans ce pays qu’ils et elles devront faire une demande d’asile. Or, en Italie en l’occurrence, « cela ne s’est pas bien passé », explique le collectif. Heureusement, depuis que les militants associatifs, syndicaux, politiques qui composent le collectif ont décidé « d’alerter les pouvoirs publics », le spectre d’un transfert imminent s’est éloigné. Pour le collectif Personne sans toit, l’objectif est désormais que la demande d’asile de cette jeune femme soit faite en France.
Principe d’humanité
Il y a quelques jours, d’autres actes de solidarité s’étaient déjà manifestés à Martigues. Non pas pour venir en aide à des “migrants” comme ils disent, mais pour trouver un logement provisoire à une famille venant du Territoire de Belfort qui jusque là “dormait” dans une voiture. « Un des enfants a une maladie extrêmement grave et seul le CHU de La Timone [à Marseille, Ndlr] peut le prendre en charge. Ils ne sont pas venus comme ça, par hasard, mais parce qu’il y avait une raison médicale impérative », explique Georges Fournier, responsable de la Ligue des Droits de l’Homme locale et membre de la Maison de l’hospitalité, « on leur a proposé un logement à Marseille, sauf que de l’avis même de la personne d’Habitat 13 [un bailleur social des Bouches-du-Rhône, Ndlr], c’était impossible de loger une famille dans un bâtiment dont l’accès était barré par des caddies et des dealeurs ».
Une solution provisoire a donc été trouvée par des militants de la Maison de l’hospitalité qui ont permis à cette famille d’être mise à l’abri dans un logement appartenant à la Société d’économie mixte immobilière de la ville de Martigues (Semivim). « Personne ne doit être à la rue, ici comme dans d’autres villes, souligne Georges Fournier, trois camarades ont signé une déclaration pour que la famille ne soit pas accusée de s’être introduite, entre guillemets, illégalement dans un appartement ». La plainte de la Semivim à leur encontre a été levée mais cet acte de solidarité leur a néanmoins valu une convocation au commissariat de Police. « Le logement était vide, il fait partie du contingent de la Préfecture pour les logements d’urgence et, en plus, la porte n’était pas fermée à clé », précisait le responsable de la LDH lors du rassemblement de soutien qui s’est tenu devant le commissariat, « on a accusé la voisine d’avoir permis, la première nuit, d’avoir du chauffage et de l’électricité, c’est invraisemblable qu’on puisse accuser quelqu’un qui rend service ; heureusement sa convocation a ensuite été annulée ».
Parfois l’humanité demande de passer outre la légalité, comme de multiples exemples l’ont démontré dans l’histoire.
Quel que soit le statut des personnes, le collectif Personne sans toit réclame un accueil inconditionnel, pour être fidèle à l’esprit de l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita) à laquelle Martigues a adhéré.
J-F.A
(Photo N.P.)