La numérisation des services publics poursuit son cours, il y a six mois on comptait 212 démarches numérisées parmi les 250 les plus utilisées par les usagers. Pourtant le rapport du Défenseur des droits révèle que près d’un quart des Français ont le sentiment de vivre dans un territoire délaissé par les pouvoirs publics.
Le Défenseur des droits vient de rendre public son rapport de suivi sur les inégalités d’accès aux droits provoquées par des procédures numérisées à marche forcée. Le document fait le point sur les évolutions, les progrès mais aussi les reculs observés ces dernières années.
Certains chiffres figurant dans ce rapport peuvent étonner les actifs résidant dans les grandes métropoles. On y apprend que 22 % des français.es ne disposent à leur domicile ni d’un ordinateur, ni d’une tablette, que 15 % n’ont pas de connexion internet à domicile et que 28 % s’estiment peu compétent.es ou pas compétent.es pour effectuer une démarche administrative en ligne. Le phénomène touche aussi la jeunesse réputée autonome dans l’usage du numérique, puisqu’un quart des 18-24 ans indiquent avoir rencontré des difficultés pour réaliser seul.es des démarches en ligne.
Le rapport relève que d’importants clivages persistent dans les usages, corrélés aux inégalités sociales et territoriales existantes. Il souligne surtout le fait majeur que la dématérialisation s’est accompagnée d’un report systémique sur l’usager de tâches et de coûts qui pesaient auparavant sur l’administration. « C’est à l’usager de se former, de se faire aider, de faire, d’être capable. Pour accéder à ses droits, il lui appartient de s’adapter aux conditions de l’administration. C’est un renversement historique d’un des trois principes du service public. »
Un renversement historique des principes du service public
De son coté, le gouvernement poursuit l’accélération de la transformation numérique de l’administration. Cette politique est porteuse d’une évolution profonde de la relation à l’usager. Il y a trois ans déjà, le Défenseur des droits avait mis ce sujet sur le devant de la scène en publiant le rapport Dématérialisation des services publics et inégalités d’accès aux droits. Mais aujourd’hui encore, les délégués et les juristes du Défenseur des droits continuent de recevoir des réclamations toujours plus nombreuses des citoyen.nes, conséquence d’une numérisation inadaptée aux situations des usagers.
Lors d’un point d’étape en septembre dernier, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, se félicitait que 30 démarches supplémentaires pouvaient être effectuées en ligne par rapport à octobre 2020, parmi lesquelles l’aide juridictionnelle, l’établissement d’une procuration de vote, ou encore l’inscription en ligne au collège ou au lycée. L’objectif est d’arriver au « 100 % démat’ » souhaité par le gouvernement pour 2022.
Ce mouvement de numérisation massif n’est pas hors-sol puisqu’il s’accompagne du recueil du ressenti des usagers, avait insisté la ministre : « Nous avons une note moyenne de 7,4/10. Notre objectif est d’arriver à une moyenne de 8, et de n’avoir aucune démarche notée en dessous de 7/10 », avait-elle détaillé. Comme une réponse chiffrée au fait que cette dématérialisation peut parfois être « vécue comme une “marche forcée” par certains usagers ». Pour résumer, comme le dit la ministre de la Transformation : « La stratégie de l’État n’est pas le tout numérique » mais le « 100% démat’ ».
JMD
Photo DR Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.
Lire le rapport du Défenseur des droits « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?«