Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées, mardi 23 novembre à 12h et à 17h, devant le Tribunal de grande instance de Toulouse, en solidarité avec Léo traîné en justice1 par le Rassemblement national. Militant à la CGT Educ’Action, l’instituteur du Mirail est accusé par l’ex-candidat d’extrême droite, Quentin Lamotte, pendant la campagne des élections municipales de 2020, de violences physiques envers lui.


 

Les faits se sont produits le dimanche 9 février dernier sur le marché du Cristal, sur les Boulevards. « Ce jour-là, plusieurs citoyen.n.e.s ont exprimé leur refus des idées racistes, sexistes et homophobes en scandant des slogans antifascistes. Léo étaient de ceux et celles-là », précise le communiqué du comité de soutien à Léo, signé par une trentaine d’organisations syndicales, politiques et associatives.

 

« Pétain revient, t’as oublié tes chiens ! »

 

Pour les personnes présentes au rassemblement, « militer n’est pas un crime ». Au contraire, « c’est même un devoir et une urgence de militer contre les idées autoritaires, xénophobes, sexistes, homophobes, etc., portées par le RN », affirme Henri Santiago-Sanz de la Ligue des droits de l’Homme 31. Le militant de la LDH rappelle la récente condamnation en justice2 de l’ex-candidat suppléant RN aux dernières élections départementales dans le canton de Castelnaudary (Aude) qui avait qualifié sur les réseaux sociaux l’équipe de France de football de « troupe de singes qui court derrière un ballon », et au sujet des émigrés de «  hordes sauvages sortis tout juste de leur jungle originelle… Arabes, migrants, qu’ils soient mineurs ou pas, sont des cafards qu’il faut balayer ». « Des propos qui méritent de passer en justice, car il s’agit littéralement d’un appel au meurtre », souligne Henri Santiago-Sanz au nom de la LDH de Haute-Garonne. On entend des voix clamer : « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos ! » ou encore : « Pétain revient, t’as oublié tes chiens ! ».

Les manifestant.e.s dénoncent la multiplication des agressions de la part de l’extrême droite. C’est le cas de Nicolas, enseignant de mathématiques au collège Berthelot et syndicaliste au SNES-FSU : « Leurs militants prennent de plus en plus de terrain, dans la rue, dans les quartiers, dans les médias quotidiennement. Il y a des passages à l’acte contre des militants progressistes. À Paris, un groupuscule de militants d’extrême droite a attaqué le cortège féministe [du 20 novembre contre les violences sexistes et sexuelles, NDLR]. Leur violence est le reflet de la place politique et médiatique qui leur est faite. Il est hors de question de laisser banaliser leur propagande. Quand ils viennent répandre la haine et l’intolérance sur un marché, ça nous paraît légitime de nous y opposer ».

 

« Le FN, c’est un ennemi de la démocratie »

 

C’est aussi à coups de bâtons et de béquilles que des membres, clairement identifiés, de groupuscules fascistes venus d’autres villes s’en étaient pris au cortège toulousain antipasse sanitaire du 11 septembre dernier, surtout aux personnes qui tenaient la banderole « À bas l’État, les Flics et les Patrons ! ». Une violence extrême, entraînant des blessures chez les manifestant.e.s, que la police n’a pas tenté d’empêcher. C’est plus qu’inquiétant parce que ces actes se reproduisent un peu partout en France et dans la région Occitanie. Encore à Toulouse, le 14 juillet dernier, à visage masqué ou découvert, sortant leurs gazeuses, ils ont voulu en découdre avec des militant.e.s de gauche et des Gilets jaunes qui manifestaient contre le pass.

Bernard, professeur des écoles, est venu soutenir son collègue parce que « Le FN c’est un ennemi de la liberté, de l’égalité, de la démocratie. Lorsqu’il s’attaque à un militant, il faut être là pour résister ». Personne ne s’y trompe, en premier lieu les syndicalistes, et au-delà, les participant.e.s au rassemblement qui savent ce que signifient brimades et répression. « Connu pour son engagement militant dans les mouvements de l’éducation nationale et contre la réforme des retraites, Léo est aujourd’hui la cible d’une répression politique inacceptable. Donnant foi au discours victimaire du Rassemblement national, ce procès montre la volonté de faire taire un militant syndical, et avec lui toute contestation sociale, par le biais de lourdes procédures judiciaires », poursuit le même communiqué de soutien.

 

« Les méchants seraient les militants antifascistes »

 

L’audience a débuté vers 18h. Claire Dujardin, l’avocate de la défense a plaidé la relaxe. « Le plaignant a montré un certificat d’un jour d’ITT sans présence d’hématomes ni de blessures sur la seule base de douleurs aux cervicales attribuées à une autre personne qui l’aurait poussé. L’infraction ne tient pas. Léo n’a jamais donné de coup, la caméra le prouve. Le procureur a requis deux mois avec sursis ». Ils et elles dénoncent l’instrumentalisation de la justice par l’extrême droite pour en faire une tribune politique : « Les méchants seraient les militants antifascistes ».

Quand Léo et ses témoins sont sortis il était plus de 20h. Le professeur des écoles s’est dit « soulagé et satisfait » d’avoir pu expliquer clairement et calmement sa version des faits. Le délibéré sera rendu le mardi 7 décembre.

Piedad Belmonte

Notes:

  1. Quatre enseignants de la CGT Educ’Action et de Sud Education avaient été placés en garde à vue, le 21 septembre 2020, suite aux plaintes déposées par Quentin Lamotte, candidat du RN aux élections municipales, et ses colistiers.
  2. Le tribunal de Carcassonne a condamné Henri Lopez Terres, radiologue à la retraite, né dans ce qui était alors l’Algérie française, à 8 mois de prison ferme et 2 500 euros d’amende, dont 500 avec sursis. Il lui était reproché des faits de « provocation publique à la haine ou la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, au moyen de communication au public par voie électronique », mais aussi de « provocation non suivie d’effet au crime ou délit, au moyen de communication au public par voie électronique ».
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Passée par L'Huma, et à la Marseillaise, j'ai appris le métier de journaliste dans la pratique du terrain, au contact des gens et des “anciens” journalistes. Issue d'une famille immigrée et ouvrière, habitante d'un quartier populaire de Toulouse, j'ai su dès 18 ans que je voulais donner la parole aux sans, écrire sur la réalité de nos vies, sur la réalité du monde, les injustices et les solidarités. Le Parler juste, le Dire honnête sont mon chemin