Dans un texte commun, la Ligue des Droits de l’Homme, la Cimade, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Groupe d’information et de soutien des immigrés et l’Association pour la défense des droits des étrangers plaident pour « des voies légales et effectives d’accès à la France pour la protection des Afghanes et Afghans victimes de persécutions ».


 

Les propos d’Emmanuel Macron appelant à « anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants » après la chute de Kaboul entre les mains des Talibans sont indignes de la tradition française de l’accueil et de l’asile.

Indigne comme l’abandon des Afghanes et Afghans qui ont servi comme personnel civil de l’armée française de 2001 à 2014, accueillis au compte-gouttes par la France malgré les déclarations et promesses de François Hollande et d’Emmanuel Macron et à qui la France refusait encore il y a quelques semaines la délivrance de visas malgré leurs cris d’alerte. Indigne comme les atermoiements pendant des années pour accorder des visas aux milliers de membres de familles des Afghanes et Afghans à qui la France a accordé la protection. Indigne comme le harcèlement par la police dont sont victimes les exilé.e.s afghan.e.s dans les rues de nos villes. Indigne comme les campements de la honte régulièrement détruits par les forces de l’ordre. Indigne comme les renvois forcés de plus de 6 000 Afghans par la France entre 2004 et 2020.

Angela Merkel a annoncé le rapatriement de 10 000 Afghanes et Afghans, ne se limitant pas au personnel ayant travaillé pour les autorités allemandes en Afghanistan. Le Royaume-Uni a annoncé qu’il n’exigerait pas de passeport pour permettre aux demandeurs d’asile afghans de rejoindre le sol britannique. Deux avions militaires sont la seule mesure annoncée par la France. L’insuffisance des moyens que le gouvernement français entend déployer est insupportable, tout comme l’annonce de la fermeture des frontières européennes aux exilé.e.s afghan.e.s et la sous-traitance de l’asile aux pays limitrophes.

Nous, juristes, défenseurs des droits fondamentaux et des libertés, membres de la société civile, rappelons l’obligation du respect absolu et inconditionnel de la Convention de Genève sur l’asile et des textes de l’Union européenne de protection des populations persécutées. Le personnel civil ayant travaillé pour les autorités françaises et les magistrat.e.s et avocat.e.s afghan.e.s ne sont pas les seul.e.s que la France doit rapatrier. Contrairement à ce qui a été jugé il y a quelques mois par la Cour nationale du droit d’asile, il y a pour chaque Afghan ou Afghane un risque réel de menace grave contre sa vie et sa personne : il est impératif et urgent de renoncer aux décisions indignes aboutissant à l’expulsion de milliers d’Afghan.e.s.

Nous exigeons l’ouverture de voies légales afin que tou.te.s les Afghanes et Afghans persécuté.e.s qui le sollicitent, ainsi que les familles de ceux qui sont déjà bénéficiaires de la protection internationale accordée par la France, puissent rejoindre rapidement le sol français directement depuis Kaboul. Nous exigeons l’arrêt des procédures issues du règlement Dublin, le retrait de toute mesure d’éloignement1 à l’encontre de demandeur.s.e.s d’asile afghan.e.s et l’accord accéléré de la protection qu’ils doivent recevoir en France afin de leur permettre d’accéder à l’emploi et à un hébergement dignes. Le gouvernement d’Emmanuel Macron doit cesser de s’engager dans des politiques et discours empruntés à l’extrême droite. Sixième puissance économique mondiale, la France a les moyens d’accueillir les exilé.e.s d’Afghanistan. Surtout, nous en avons le devoir historique !

Signataires : Association pour le droit des étrangers (ADDE), La Cimade, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

 

kaboul help innocent. Photo DR

Notes:

  1. Mesures d’éloignement : Obligation de quitter la France (OQTF), expulsion, interdiction administrative de retour en France, interdiction judiciaire du territoire français, reconduite vers un autre pays européen. Surveillance pendant la procédure : assignation à résidence, centre de rétention administrative (CRA).