Elle est plus connue sous le nom de « loi séparatisme », même si le gouvernement l’a rebaptisée loi « confortant les principes républicains ». Le changement de nom ne signifiant pas le changement des intentions, cette loi  continue d’inquiéter les associations et syndicats regroupés dans l’appel « Plus jamais ça » qui alertent une nouvelle fois les parlementaires.


 

À l’heure où une commission mixte paritaire examine le projet de loi « confortant les principes républicains », les organisations rassemblées dans la démarche de « Plus jamais ça » (appel né lors du premier confinement, au printemps 2020) pointent ce qu’elles considèrent comme des aspects particulièrement problématiques de ce projet de loi : « Nous partageons les critiques renouvelées par la Commission nationale consultative  des droits de l’homme, la Défenseure des droits ou celles exprimées le 20 avril dernier par le rapporteur général sur la lutte contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe. »

Qualifiée de « loi fourre-tout » par les organisations très diverses qui ont signé cette lettre unitaire (parmi elles : la Ligue des droits de l’Homme, la Cimade, la CGT, la FSU, Solidaires, l’Unef, le Syndicat des avocats de France, Greenpeace…), cette loi destinée officiellement à conforter les principes républicains « propose des mesures imprécises ou largement disproportionnées, ouvrant droit à l’arbitraire et (…) dangereuses pour le respect des libertés fondamentales de toutes et tous. »

« Comme nous le craignions, cette loi jette une suspicion généralisée sur les personnes de confession musulmane ou supposées l’être », relèvent les signataires, jugeant que les dispositions relatives à l’organisation des cultes « relèvent plus d’une mise sous tutelle et d’une logique concordataire1 que du respect de la loi de 19052 ». Ce qui ne serait pas le moindre des paradoxes pour un gouvernement qui instrumentalise allègrement la laïcité.

Pour les organisations, « les dispositions prévues à l’article premier du projet, qui vise à étendre la neutralité applicable aux agents publics aux salariés de toute entreprise liée par un contrat de commande publique, ainsi qu’aux sous-traitants, sont également préoccupantes et les questions de la place des expressions, religieuses comme politiques, au sein des entreprises doivent trouver réponse dans le cadre d’un dialogue social serein et apaisé, sans polémiques importées ni transfert d’obligations qui relèvent par nature de l’État ».

« Mise au pas de toutes les associations »

Si la question (épineuse) des cultes a souvent été soulevée dans les approches critiques de cette loi, la « lettre ouverte unitaire » pointe également celle des associations. En l’occurrence, l’obligation de signature d’un « contrat d’engagement républicain » est jugée alarmante. « Le contrôle induit  sur les missions  générales de l’association, ainsi que sur ses modalités d’action, reviendrait sur les fondements mêmes de la liberté des associations qui repose sur le respect de leur indépendance, de leur fonction critique et de la libre conduite de leurs projets », analysent les organisations signataires. Pour elles, « il s’agit de fait d’un transfert aux associations locales d’un pouvoir de police morale et de la pensée, dans une logique de surveillance généralisée et de mise au pas de toutes les associations et de leurs membres ».

Notes:

  1. Le régime concordataire français est un ensemble de dispositions organisant les relations entre différentes religions et l’État en France, suite au traité de concordat conclu en 1801 par le gouvernement de Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII. Ce régime qui a été en vigueur entre 1802 et 1905 perdure en Alsace-Moselle, région qui était un territoire allemand en 1905.
  2. Promulguée le 9 décembre 1905, la loi concernant la séparation des Églises et de l’État est l’aboutissement d’un long processus de laïcisation et de sécularisation engagé depuis la Révolution française. Elle proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et met en place un nouveau régime des cultes.