La Friche La Belle de Mai a récemment été labellisée « Fabrique de Territoire ». Elle devient ainsi un pôle ressources, confortant son rôle majeur sur le territoire marseillais. Un chargé de mission nouvellement nommé nous explique le rôle qu’elle aura auprès des autres partenaires et acteurs culturels de sa zone d’influence.


 

En juin 2019, le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales lance un vaste programme intitulé « Nouveaux lieux, nouveaux liens », considérant que les tiers-lieux sont « au cœur de la cohésion des territoires »1.

Il s’agit d’un programme interministériel qui implique également les ministères de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, de l’Économie et des Finances, de la Culture et du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. La mobilisation de tous ces acteurs montre à quel point cette notion de tiers-lieux est devenue essentielle et transversale. L’État prend ainsi en compte l’importance du phénomène, mais également l’ensemble des enjeux qui en découlent en termes d’innovation, d’emploi, de politique culturelle, d’attractivité territoriale ou encore de lien social.

Un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) a été lancé en 2019 pour encourager la dynamique des tiers-lieux. 45 millions d’euros seront ainsi affectés jusqu’en 2022 pour identifier 300 fabriques de territoires, existantes ou en projets, dont 150 dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville, et 150 dans les territoires ruraux.

En février 2021, 80 fabriques ont été désignées : 32 sont des fabriques numériques ; des espaces proposant aux habitants et aux professionnels des activités autour du numérique. 48 d’entre elles sont considérées comme lieux ressources ayant pour rôle d’œuvrer pour une mise en commun, une formation et un apprentissage par le faire ensemble.

Parmi elles, la Friche La Belle de Mai que le ministère de la Cohésion des territoires a intégré dans les tiers-lieux. Cette labellisation conforte un peu plus son ancrage sur le territoire marseillais car elle est liée aux enjeux de la Politique de la Ville et de l’aménagement du territoire. Quatre structures sont associées à ce label : la SCIC Belle de Mai, l’Aide aux Musiques Innovatrices (encore une AMI), l’association Le Zinc (Centre de Création des Arts et des Cultures numériques) et Radio Grenouille. la Friche La Belle de Mai se place dans une démarche de soutien à l’initiative artistique et culturelle par la logique économique, mais en éclairant un autre type de diffusion.

Stéphane Pinard a été chargé du pilotage de cette Fabrique de territoire : « Le cahier des charges n’est pas trop rigide et permet une certaine souplesse dans sa mise en place. L’un des objectifs est de partager le dynamisme et l’exemple de la Friche, assurer cette transmission. Nous allons créer des livrables auprès d’autres collectifs, fluidifier les parcours pour des porteurs de projet, faire en sorte qu’ils s’appuient sur la ressource Friche. » Être un soutien à l’entreprenariat artistique et culturel dans le cadre de l’Économie sociale et solidaire (par le biais d’incubateurs ou de coworking), mais aussi être à l’écoute des envies et des initiatives citoyennes et les valoriser, donner l’accessibilité à tout un quartier, une ville, pour que chacun conforte son propre développement. C’est le cas avec la démarche « Emmaüs Connect »2 qui a ouvert un point d’accueil à La Friche. Cela vise à réduire la fracture numérique et à permettre aux habitants de s’emparer d’une compétence grâce à des médialab3. La Friche s’inscrit également dans la durée : « Chaque parcours est sur le long terme. On ne vient pas juste consommer un atelier. Il y a une démarche d’autonomie et d’émancipation », note Stéphane Pinard.

Friche Belle de Mai
La Friche doit être ouverte sur le quartier et sur la ville. Photo NP. altermidi DR

C’est dans cette logique d’accompagnement qu’elle met en œuvre la transition écologique en soutenant l’idée d’une « friche verte » portée par des habitants. « Ce n’est pas un gadget et on doit aussi être exemplaire pour la transmettre. On doit se poser la question d’usage, créer des espaces participatifs comme un sentier éducatif, et amplifier cette dynamique sur le site et en dehors. »

La Fabrique de territoire doit être une locomotive pour amplifier une dynamique, trouver un écho à l’échelle d’un quartier, mais surtout de toute une ville. Avec les autres lieux labellisés, il faut que chacun trouve sa place et apporte sa spécificité tout en étant dans un autre endroit que les dispositifs déjà existants. C’est en tous les cas ce que veut proposer Stéphane : « Il y a depuis longtemps une logique de coopération inhérente à La Friche qui nous permet d’avoir des compétences et de les transmettre. Il faut aider par exemple des associations en offrant des formations de techniciens du son ou lumière, de médiateur playground4. On doit aussi accompagner certains dans une démarche d’insertion, tendre la main en prenant en compte leur réalité. »

L’objectif est maintenant de fédérer une communauté d’acteurs « pour réfléchir ensemble et mieux agir ». Créer les conditions de dialogue avec les acteurs politiques pour amener la puissance publique sur les enjeux sociétaux.

Nathalie Pioch

Notes:

  1. Site ministère de la Cohésion des territoires
  2. Depuis 2013, l’association du mouvement Emmaüs lutte contre l’exclusion numérique des plus fragiles. Elle met à disposition du matériel et propose des moyens de connexions à prix solidaires et de l’accompagnement aux compétences numériques de base.
  3. Laboratoire interdisciplinaire qui interrogent les relations entre le numérique et nos sociétés en mettant en synergie plusieurs techniques du numérique.
  4. Le playground est un lieu de vivre ensemble et d’attention, de respect de soi et des autres par le sport.
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Reprend des études à chaque licenciement économique, ce qui lui a permis d'obtenir une Licence en Histoire de l'art et archéologie, puis un Master en administration de projets et équipements culturels. Passionnée par l'art roman et les beautés de l'Italie, elle garde aussi une tendresse particulière pour ses racines languedociennes.