Des milliers d’Israéliens ont manifesté leur opposition au Premier ministre Benjamin Netanyahu, samedi soir, à Jérusalem. Ce dernier, inculpé pour corruption dans trois affaires, joue sa survie politique alors que se profile les élections législatives.


 

Depuis fin juin, des manifestants se réunissent chaque samedi soir, après la pause hebdomadaire du shabbat, à Jérusalem et dans l’ensemble d’Israël pour des rassemblements contre le chef du gouvernement, inculpé pour corruption dans trois affaires et critiqué pour les aides jugées insuffisantes aux travailleurs ayant perdu leur emploi avec la pandémie de Covid-19.

Mais ce 39e samedi de protestation, devant la résidence officielle de Benjamin Netanyahu, a une signification particulière à quelques jours de l’ouverture des bureaux de vote, mardi matin, pour les quatrièmes élections législatives israéliennes en moins de deux ans.

Le son des petites vuvuzelas se mêlait à la basse vibrante d’un groupe de hip-hop et les drapeaux israéliens se mélangeaient aux affiches « dégage ! » ou « allez voter ». Rivka Monit, 62 ans, vient presque tous les samedis avec son gilet jaune fluo sur lequel on peut lire « Les Mamans dans la manifestation » pour s’assurer qu’il n’y a pas de violences entre les manifestants et la Police : « Benjamin Netanyahu nous divise les uns les autres, il a insulté les manifestants en disant qu’ils transportaient des maladies. Tu sais qui on accusait d’apporter les maladies ? Les Juifs en Allemagne en 1934 ! Il nous traite d’anarchistes, les familles sont déchirées à cause de sa propagande. Il n’assume pas ses responsabilités… » confit-elle au micro de France-Culture.

 

Aucune majorité stable ne se dégage

 

Les trois derniers scrutins avaient placé Benjamin Netanyahu et son rival, l’ex-chef de l’armée et centriste Benny Gantz, au coude-à-coude. Après les troisièmes législatives, ce dernier avait décidé de s’allier à son ennemi politique pour former un gouvernement « d’union et d’urgence » face à la crise sanitaire, qui n’a survécu que quelques mois.

Depuis, l’étoile politique de Benny Gantz a pâli, et Benjamin Netanyahu, 71 ans dont les douze derniers au pouvoir, affronte principalement le centriste Yaïr Lapid, le frondeur Gideon Saar, qui a quitté le Likoud du Premier ministre pour former son propre parti, et le ténor de la droite radicale, Naftali Bennett.

Or les derniers sondages, publiés vendredi par la presse israélienne, créditent le Likoud d’une trentaine de sièges, sur les 120 de la Knesset (Parlement). La formation de Yaïr Lapid en obtiendrait près d’une vingtaine et celles de Naftali Bennett et Gideon Saar une dizaine chacune.

Avec la proportionnelle intégrale, aucune majorité stable ne se dégage. Le Premier ministre pourrait manquer d’appuis pour former un gouvernement. Avec ses alliés de la droite religieuse, le Likoud de Benjamin Netanyahu obtiendrait une cinquantaine de sièges selon les derniers baromètres, un score en-deçà du seuil requis (61 députés) pour former un gouvernement. Face à lui, Yaïr Lapid et les partis anti-Netanyahu n’atteignent pas non plus le seuil de la majorité.

 

Le clivage « pour ou contre Bibi »

 

Benjamin Netanyahu a su accéder au pouvoir en se présentant comme un homme de droite nationaliste et intransigeant sur la question palestinienne. Fustigeant les accords d’Oslo, il a participé entre 1993 et 1995 à des manifestations ou Yitzhak Rabin fut dénoncé comme un « traître ». Le Premier ministre travailliste le paiera de sa vie le 6 novembre 1995 et après la défaite électorale de Shimon Peres, Netanyahou a accédé à la tête du gouvernement.

Maître tactique et politique, « Bibi », comme le surnomment tous les Israéliens, est capable de faire alliance avec la droite, le centre, la gauche, l’extrême-droite ou les ultra-orthodoxes avant de jeter ses alliés ou ralliés comme des mouchoirs en papier. Sous ses mandats, la « startup nation » a connu une croissance économique sans limites : il a signé des accords de reconnaissances mutuelles avec quatre pays arabes et Israël est devenu le champion du monde de la vaccination. Mais la médaille a son revers : la croissance a été mal répartie et les inégalités sont devenues toujours plus grandes. Israël est passé d’un système socialiste égalitaire et démocratique a un système ultra-libéral à l’américaine.

La Paix n’a toujours pas été faite avec les Palestiniens et l’occupation militaire de la Cisjordanie se poursuit. La société israélienne apparaît plus fracturée et communautarisée que jamais à l’approche de ces quatrièmes élections législatives en moins de deux ans.

Les attaques répétées du Premier ministre contre les magistrats, les soupçons de corruption et un pouvoir de plus en plus personnel et solitaire menace celui que l’on surnomme le magicien. Ils ont conduit son ancien ministre Gideon Saar — plus à droite que lui sur la question israélo-palestinienne — à quitter le Likoud pour créer le parti Nouvel Espoir. On ne doit pas attendre de ce scrutin le rétablissement d’un système plus égalitaire ou démocratique en Israël car pour Netanyahu, le danger viendra de la droite.

Avec AFP